Chapitre 5

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Tout en remettant une mèche de cheveux qui me tombe dans les yeux, je tire le drap du lit pour le coincer sous le matelas. Avant de continuer, je prends une grande inspiration pour retenir mon envie de pleur qui ne me quitte pas depuis le jour où je suis sortie du cachot. Cela fait six jours, pourtant, j'ai parfois l'impression d'y être enfermé. Toutes les nuits, je me retrouve dans cette pièce froide et lugubre, les murs se rapprochent de moi petit à petit jusqu'à m'étouffer. Et lorsque je me réveille, le lit vide de Mathilde me replonge dans un cauchemar infini. Mathilde n'est plus là. Elle a été emmenée loin d'ici. Désormais, je suis seule... Et aucune de mes autres amies, ne pourra la remplacer. On ne peut pas remplacer une sœur...

Je secoue la tête pour chasser ces pensées et j'attrape le drap et le fais glisser jusqu'à l'oreiller. Le cœur lourd et débordant de larme, j'effectue mécaniquement la tâche qui m'incombe. Jusqu'à la fin du mois, je n'ai plus le droit de quitter le dortoir, pour manger et me laver. Je ne peux plus aller en classe, ni faire mes corvées avec les autres, ni même leur parler. De toute manière plus personne n'ose croiser mon regard, même Adeline et Hortense m'évitent de peur d'être punie. Jusqu'à ce que la sorcière ordonne le contraire, je suis invisible à leurs yeux.

Je m'étire après avoir terminé de faire dernier lit. Il reste une heure avant le déjeuner. Courage ! Plus que les vitres et je ferai le reste du ménage cet après-midi. J'ouvre la fenêtre et attrape un chiffon. Je commence à les frotter sans conviction, ils sont déjà propre vue que je les ai fait hier... Et avant-hier... Et le jour encore d'avant... Je fais la même chose en boucle depuis six, ça ne risque pas de se salir. Je soupire, ennuyer en m'accoudant à la fenêtre.

Perdue dans mes pensées, mon regard divague jusqu'à un petit oiseau bleu qui virevolte dans le ciel. Il plane vers le sol, avant de remonter vers la cime des arbres et de redescendre vers la grille qui entoure le bâtiment pour se poser dessus. J'aimerais tellement pouvoir voler et quitter cet endroit le plus loin possible, moi aussi. Alors que mes yeux descendent distraitement vers le sol, une forme humaine au milieu des arbres me « réveille », je me redresse pour mieux voir. Je cligne plusieurs fois des yeux, ne croyant pas ce que je vois. Entre deux troncs, un petit garçon d'environ mon âge me fixe, un grand sourire sur le visage. Il porte une veste beige assortie à une culotte courte et une chemise blanche déboutonnée en haut. Il a l'air riche, je me demande ce qu'il fait là ?

Après de quelques secondes à se dévisager, il me fait un petit signe de la main. Un sourire se dessine sur mon visage et lui rend son salut. Il éclate de rire et me fait des signes, comme pour me dire quelque chose, mais je ne saisis pas ce qu'il veut. Je hoche les épaules en levant les mains pour lui montrer que je ne comprends pas. Tout en fronçant les sourcils, il essaye d'autres gestes plus ridicules les uns que les autres. Je me surprends à rire, incapable de me retenir. Je plaque rapidement mais mains sur ma bouche pour éviter d'être entendu. Au bout de seulement quelques minutes, il mime un « au revoir » et repart en s'enfonçant dans la forêt.

Déjà ?

Je me hisse le plus haut possible sur mes bras, en me penchant légèrement, pour tenter de l'apercevoir à travers l'épaisse forêt. Il a disparu comme il est apparu, sans un bruit. Comme un esprit venu pour m'aider.

— Merci, petit garçon de la forêt, murmuré-je le regard perdu dans les profondeurs du bois, j'espère que tu reviendras me voir.

***

Le lendemain matin, je trépigne d'impatience en finissant le dernier lit. Depuis mon réveil, je n'ai que le visage de ce petit garçon en tête, j'espère le revoir ! En fois finis, je m'accoude à la fenêtre et observe avec attention les arbres. Au bout de plusieurs dizaines de minutes, il apparaît enfin, il a le même sourire et les mêmes vêtements qu'hier.

La petite orphelineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant