Chapitre 11

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Assise sous une fenêtre du bâtiment, à l'opposé du bureau de la directrice, avec d'autres enfants, je fixe désespérément la forêt qui entoure l'orphelinat, espérant y voir Émile. Cela va faire trois semaines depuis que je suis de retour avec tout le monde, mais après notre dernier jeu, il n'est toujours pas revenu me voir, je pense qu'il ne reviendra jamais. Tous les jours, je fixe ces bois en priant pour le voir arriver et me faire un signe, mais ce jour n'arrive pas. Mon cœur se serre à chaque fois que je pense à lui, j'ai envie de le revoir. J'ai déjà perdu Mathilde et voilà que je perds Émile aussi, ce n'est pas juste...

Je pousse un long soupire en me détournant des bois vers Hortense qui tente, tant bien que mal, de convaincre Adeline de garder son nœud dans les cheveux.

Aujourd'hui est un jour particulier, une famille arrive pour adopter un enfant. Et pas n'importe qui, une fille ! Ce n'était pas arrivé depuis très longtemps, d'habitude, les familles préfèrent les garçons. J'ai des chatouilles dans le ventre en savourant cette journée. J'adore quand des parents viennent ici, c'est une chance de plus d'avoir une famille, mais aussi pendant ces journées, on ne travaille pas, aucune corvée, on doit juste attendre et ne rien faire pour rester propre jusqu'à leurs départs où la vie reprend son cours.

Après le déjeuner, nous sommes allées mettre nos robes du dimanche après nous être lavées. Cela fait une heure maintenant qu'on est prête, les parents ne devraient plus tarder. Debout à l'ombre des arbres de la cour arrière, Adeline, Hortense et moi attendons que le temps passe.

— Je déteste les nœuds, bougonne Adeline en tirant sur le bout de tissu. C'est moche et ça sert à rien.

— Arrête de faire le bébé, s'agace Hortense en bataillant pour repositionner le nœud dans les cheveux de son amie. C'est très joli, avec tu ressembles un peu plus à une fille et moins a un animal...

Adeline pousse une exclamation vexée avant de se tourner les bras sur la poitrine pour bouder. On pouffe de rire avec Hortense, Adeline est vraiment drôle quand elle s'énerve.

— Les filles !

Nous nous retournons toutes les trois vers Louise qui nous fait un signe depuis le bâtiment. Nous courrons la rejoindre.

— Venez, les parents sont arrivés, ils attendent dans le bureau de la directrice. On doit se regrouper dans l'entrée, la directrice veut nous perler.

— Oh, tu es sale, s'écrie Adeline en pointant une tache de terre en haut de la robe de Louise.

— Mince ! C'est Odile qui a dû me salir quand je les porter tout à l'heure... Tant pis ce n'est pas grave.

— Mais la famille ne voudra pas de toi si tu es sale...

Louise sourit tristement en haussant les épaules. Elle nous fait signe de la main d'y aller avant de partir pour prévenir d'autres filles plus loin.

Une vague de tristesse m'envahit en la voyant s'éloigner. Elle n'a aucune chance d'être adopté, comme toutes les plus grandes. Après onze ou douze ans, plus aucuns parents ne veulent de nous comme fille. C'est tellement injuste...

Alors que nous entrons dans le bâtiment, je remarque Thérèse un peu plus loin, la tête baissée, l'air triste et un peu à l'écart des autres. Au moment où je m'apprête à me diriger vers elle, la directrice arrive devant nous. Aussitôt, le silence se fait.

— Bien, commence-t-elle, d'une voix grinçante. Je suis heureuse de voir que vous êtes toutes bien apprêtées pour l'occasion. Comme d'habitude, vous passerez par groupe de dix devant les parents, dans mon bureau. Ainsi ils choisiront celle qu'ils voudront. Est-ce clair ?

La petite orphelineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant