Chapitre 24

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Le déjeuner a été à la fois rapide et interminable. Dans la pièce, le silence régnait, donnant l'impression que le temps était suspendu. À l'extérieur, l'agitation des allées et venues et des voix contrastait avec l'ambiance pesante du réfectoire. À un moment nous avons même entendu une voiture arriver dans la cour. Et puis, au bout d'un moment, il n'y a plus eu aucun bruit, le silence était revenu et une des surveillantes est venue nous dire qu'il était temps de faire nos corvées.

Le ventre vide, nous nous sommes levés et chacun est parti à sa tâche.

Du dos de la main j'essuie l'eau qui inondait mes yeux et m'empêchait de voir clair, avant d'attraper la pile d'assiette devant moi que j'ai préalablement mis en tas. Être de corvée de vaisselle et nettoyage du réfectoire n'est pourtant pas quelque chose de difficile, pourtant ça me semble insurmontable. Je n'arrive pas à bouger les jambes, elles sont comme ancrées dans le sol, c'est déjà un miracle qu'elles supportent mon poids. Partout autour de moi, le visage de Thérèse se reflète. Je ferme alors les yeux fortement faisant couler mes larmes sur mes joues.

Quand je les ouvrirais, je serais dans mon lit et tout ça ne sera qu'un vilain rêve, me répété-je.

Mais ce n'est pas le cas. Tout cela est bien réel, Thérèse est morte et c'est... de ma faute. Je n'ai pas su l'aider... Je n'ai pas su la protéger. J'ai... Je suis la pire amie qui existe au monde... Je suis...

Le cliquetis des assiettes qui s'entrechoquent à cause des tremblements me ramène à la réalité et je sers davantage mon étreinte pour ne pas tout renverser. Je ferme mes yeux de toutes mes forces pour chasser l'eau salée qui s'accumule et secoue la tête pour chasser ces pensées. Je dois faire mes corvées, c'est tout ce qui compte pour le moment.

Lorsque je sens un autre enfant les bras chargés d'assiettes et de couverts passer derrière moi, mes jambes se décident enfin à se décoller du sol et à le suivre.

Une fois mon paquet déposé dans une grande bassine, je balaie la salle du regard. Les autres enfants de mon groupe ont déjà pas mal avancer ; il ne reste déjà plus rien sur la table et certains sont déjà en train de ramener des seaux et des brosses pour laver le sol. Tout est exactement comme d'habitude, je semble être la seule affectée par ce qu'il vient de se passer il y a un peu plus d'une heure seulement. Est-ce que c'est le cas ? Est-ce que tout le monde s'en fiche que Thérèse soit morte ? Est-ce qu'ils font semblant de peur d'être rabroués s'ils montrent leurs peines ? De toute façon, nous devons continuer à travailler, c'est tout ce qui compte, pas de pose n'ai permis, peu importe la situation.

— Élia ?

Je me tourne vers la petite fille qui m'appelle à côté de moi. Elle tient une des anses de la bassine et sans un mot, je comprends qu'elle veut que je l'aide à la descendre en cuisine pour faire la vaisselle. J'attrape alors la poignée avant de nous diriger vers la porte qui mène en bas. Arriver en haut des escaliers, nous posons la lourde bassine au sol afin de reprendre notre souffle ; quand nous sommes interpellées par deux filles plus âgées.

— Vous deux, commence l'une d'elles, allez plutôt remplir des seaux pour laver le sol, on s'occupe de la vaisselle, nous.

On hoche la tête et on part chercher des seaux sans demander notre reste. À vrai dire, je suis soulagé de ne pas à avoir eu à porter la bassine jusqu'aux cuisines, elle était vraiment trop lourde et ou aurait eu du mal dans les escaliers.

Pendant que l'autre fille se dirige vers un des placards pour prendre un balai, moi j'attrape un seau et sors du bâtiment.

Alors que je contourne la bâtisse pour me diriger vers le robinet extérieur, j'entends quelqu'un pleurer. Intrigué, je me rapproche doucement. En découvrant Denise en larme recroquevillée dans un coin et Louise à ses côtés en train de la consoler, mon cœur se fend. Pour ne pas les déranger, je me cache derrière un coin du bâtiment, pouvant ainsi les entendre sans être vue.

La petite orphelineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant