17 • Gribouiller

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Alex

Est-ce que tout ça est réel ? Voilà la question qui me trottait dans la tête depuis sept heures du matin. En dix-sept ans d'existence, c'était la première fois que je me levais aussi tôt de bonne humeur.

J'avais longuement fixé le carnet. Pas celui où je m'étais improvisée retraitologue, mais celui que Michael m'avait offert. Je n'y avais même pas touché. Enfin, jusqu'à ce moment.

Je l'attrapai vivement, m'emparai d'un crayon (qui aurait bien besoin d'être taillé, d'ailleurs) et d'une gomme. J'ouvris à la première page, et contrairement à d'habitude, je sus tout de suite ce que j'allais dessiner.

Au départ, je représentai un couple qui dansait. Leur visage n'était pas détaillé, je ne leur donnai pas une tranche d'âge en particulier. Mais peu à peu, je leur en attribuai. J'aimerais dire inconsciemment, mais je n'aime pas mentir. Alors je dirais simplement que je laissai mon inconscient dessiner ce que je voulais qu'il dessine.

J'ajoutai un sourire radieux au garçon, et je fis baisser la tête de la femme pour qu'elle regarde ses pieds, comme si elle se concentrait pour ne rater aucun pas. Je leur dessinai des traits qui leur donnaient l'air mi-enfant, mi-adulte. Puis la robe de ma grand-mère pour la Vraie-Alex. Et une coupe afro pour Michael.

– Alex ! Téléphone pour toi !

Durant l'espace de quelques secondes, je me demandais qui ça pouvait être. Puis je me souvins qu'en-dehors de Gary, j'avais une vie que j'avais quasiment oubliée.

– C'est ta maman, m'affirma ma grand-mère en me tendant le combiné.

Elle aussi, je l'avais oubliée.

– Alex ?

– Oui ?

Elle marqua une pause, comme si le ton de ma voix l'avait perturbée. La dernière fois qu'on s'était parlées, je faisais encore la gueule. Ça faisait longtemps que je ne lui avais pas adressé la parole sans agression dans la voix.

– Tout va bien ? Je suis désolée de ne pas avoir pu t'appeler plus tôt, j...

– Je vais bien. C'est pas grave.

Je ne voulais pas entendre son excuse. Ça ne m'intéressait pas. De toute manière, ça ne m'avait même pas dérangée ou inquiétée.

– Oh, ok... Cool... Alors euh... Quoi de neuf ?

Est-ce que ma mère était réellement gênée face à mon amabilité étonnante ?

– Pas grand chose... Et à la maison ?

– Pareil...

J'avais l'impression de parler à une ancienne connaissance. C'était plus ma mère au bout du fil, c'était comme une cousine éloignée à qui je n'avais pas adressé la parole depuis mes six ans.

– Bon, je crois qu'on n'a pas beaucoup de choses à se dire...

– Je crois aussi...

– Hum... On se revoit dans six jours, de toute manière, alors euh... À dans un peu moins d'une semaine...

– Ouais... Salut...

SummerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant