Alex
Impossible de m'endormir. Trop de choses se bousculaient dans ma tête. Trop de choses à dire qui resteraient non-dites. J'attendais que mes yeux me piquent, que mon cerveau commence à chavirer, que ma respiration ralentisse, mais je n'arrivais même pas à trouver une position confortable. Et aux grands maux, les grands remèdes.
J'enfilai ma paire de tennis, attrapai un gilet et un sac dans lequel je glissai les bombes de peintures que Michael m'avait données ainsi qu'une feuille et un crayon. Et discrètement, je sortis de chez ma grand-mère.
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« Gringo ». C'est ce qui était à présent écrit juste à côté de mon visage, lui-même à côté de celui de Michael. J'avais donné toute mon âme pour réussir à rendre un truc pas mal alors que la seule chose qui m'éclairait était un lampadaire légèrement défectueux. Honnêtement, ce qui m'effrayait le plus n'était pas de me rater, mais plutôt de me faire kidnapper ou même violer.
Je m'étais assise contre le mur sur lequel je venais de peindre. Ma feuille sur les genoux et le crayon à la main, je cherchais de l'inspiration. Rien. Le vide. Mon crayon tambourinait ma feuille comme si ça aurait pu m'aider.
Mon fort, c'était le dessin. Mais parfois, écrire était plus facile que dessiner.
« Deux semaines. À l'échelle humaine, deux semaines, c'est presque rien. Comme quoi, en presque rien de temps, on peut radicalement changer.
Je suis arrivée à Gary avec un goût amer dans la bouche. Ma grand-mère m'énervait déjà avec ses manies de vieille, et sa maison puait l'avant-guerre. Et quand elle m'a envoyée faire les courses avec son caddie tout moche, j'ai bien cru que j'allais péter un câble.
Et tu sais quoi ? On m'a bousculée. Vu l'état d'esprit dans lequel j'étais, il s'en aurait fallu de peu pour que je lui explose la tête. Peut-être qu'un « fais gaffe » lui aurait coûté la bouche. Mais c'est moi qui ai dit ça. Toi, tu t'es contenté d'un « oups, pardon ». Et tu m'as proposé ton aide. Et je t'ai lancé ce défi.
Maintenant je me rends compte que j'ai été la pire des garces. Le premier soir, tu m'as emmenée au mini-golf et tu t'es même confié à moi. Moi ? Je me suis moqué de toi. Alors tu m'as jetée dans l'eau. C'est dans cette même eau que tu as jeté mon cookie, ainsi que mon sac de couchage, alors normalement je devrais vous maudire tous les deux. Mais comme c'est à ce moment que je me suis dit pour la première fois « Peut-être ai-je dépassé les limites ? », je vais m'abstenir. Tu te rends compte ? Je me suis remise en question. Tu sais à quand remontait la dernière fois que je m'étais remis en question ? Le divorce de mes parents. C'était la première et la dernière fois.
Les jours passaient et chaque fois je me disais « Pourquoi il me rend comme ça ? » Bah oui, pourquoi tout d'un coup, j'étais plus aussi refermée ? Pourquoi j'arrivais plus à être sèche et insupportable comme je l'étais d'habitude ?
Et puis y'a eu Danville. La vraie et la fausse Alex. Je me suis sentie comme une schizophrène, tu sais. Je me suis dit que j'étais vachement faible. Et pourtant tu m'as soutenue du contraire. Je me suis dit « Pourquoi est-ce qu'il se contredit ? » et puis j'ai compris. J'ai compris que j'étais faible, mais que tu m'aimais tellement que ça me rendait forte. Dans tes yeux ou dans les miens, mais j'étais forte.
Ensuite, j'ai compris autre chose. J'ai compris pourquoi je redevenais « l'autre moi » avec toi.
Au départ, j'ai cru que j'étais malade. Je me disais que c'était une maladie super cool, parce que ça me faisait pas trop mal. Voire même, je me sentais bien. Mieux. Et comme je me sentais mieux, j'ai compris que je n'étais pas malade, que les sensations bizarres dans l'estomac, c'étaient pas des premiers symptômes, mais juste des papillons. Des papillons dans le ventre.
C'est bizarre, non ? Des papillons. C'est joli, hein, mais c'est bizarre. Quand j'avais lu ça pour la première fois quelque part, je m'étais dit que c'étaient des conneries, ou une métaphore bien ringarde. Et je me suis sentie bien ringarde. Enfin, au début. Après tu m'as embrassée. Ou peut-être avant ? Peu importe, j'ai toujours été amoureuse de toi.
Enfin, toujours, c'est une hyperbole, hein. Depuis que je te connais, en fait. Depuis que tu m'as balancée dans l'eau. Mais je pense que t'avais compris. Et puis je crois que je viens de gâcher la jolie phrase que je t'ai écrite. Elle était jolie ? Oublie ce que je viens de dire. Enfin d'écrire. Bref.
Ma grand-mère m'a semblé moins insupportable. Voire agréable. Voire une des meilleures personnes que je connaisse. Avec toi. Je me suis rapprochée d'elle, j'ai appris à la connaître. Mon grand-père, aussi.
J'ai changé grâce à toi, je t'ai laissé faire grâce à elle.
Deux semaines, à l'échelle humaine, c'est presque rien. Sur l'échelle d'une romance, deux semaines, c'est l'équivalent d'un « il était une fois ». J'aimerais bien qu'on nous donne deux semaines de plus, histoire d'ajouter « une bergère un peu beaucoup chiante et un prince charmant pas trop cliché mais quand même très parfait ».
Je sais que je t'ai déjà demandé plein de trucs, mais je peux te demander une dernière chose ? De toute façon tu liras ça que demain, alors tu peux pas refuser...
Quand tu sors de chez toi, pour aller faire tes courses, t'incruster dans des mariages, aller camper au bord du lac, ou quoi que ce soit, si jamais tu croises ma grand-mère, tu veilles sur elle, okay ? Et si elle remonte l'allée jusqu'à chez elle, tu m'imagines en train de traîner des pieds derrière elle. Ou si elle discute avec le chauffeur de taxi, tu penses à moi qui râle, mes valises à la main.
Et si je te manque trop, tu peux aller la voir. Elle t'aime bien. Apporte-lui mon dessin, elle aura pas mal de choses à te raconter dessus.
Merci. Merci d'avance, et merci en retard. Merci de m'avoir rendue heureuse. Merci de m'avoir jetée dans l'eau. Merci de m'avoir fait voir la vérité. Merci pour avoir fait de ma punition les meilleures deux semaines de ma vie. Merci pour tout. Merci d'être toi et merci de m'aimer moi. La vraie moi.
Je t'aime, Michael. »
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Summer
FanfictionAlex. Alex tout court. Ce n'est ni un diminutif, ni une erreur. Alex pour une fille, ça peut paraître étrange. Et pourtant, c'est sûrement ce qui lui a le plus plu, lorsqu'ils se sont rencontrés. "Farewell My Summer Love" • tome 1/2 • Jacksons Era