Chapitre VII - Les souvenirs

33 5 0
                                    

Alors que le cours d'histoire avançait, Simone réfléchissait de plus en plus intensément, fixant cette cheville qui la perturbait tant. Mme Qualach, semblant ne pas remarquer l'attitude plus que dérangeante de son élève, continuait son cours comme si de rien n'était, clamant à qui voulait bien l'entendre que Gorbatchev ne méritait pas son prix Nobel. Lorsque la sonnerie tira Simone de sa transe, elle sursauta. Arrachée à une intense réflexion, elle s'apprêtait à ranger ses affaires, lorsqu'elle entendit des mots qui lui gelèrent la colonne vertébrale.

- Les L, restez avec moi cinq minutes.

Simone stoppa net son mouvement, avisant sa professeure. Quand tous les ES eurent quittés la classe, Mme Qualach ferma la porte.

- Bien. Je sais pertinemment que vous êtes au courant de ce qui se trame. En même temps, le fait que l'on fixe ma cheville pendant presque une heure ne peut pas être anodin.

Elle se tourna alors vers Simone, laquelle se raidit. Elle reprit.

- Écoutez, vous en savez déjà trop. Abandonnez maintenant, et je ne vous ferai absolument rien.

Répondant à son tempérament bouillant, ce fut Fabiola qui lui répondit.

- Alors vous aussi, vous êtes une collabo, pas vrai ? Remarquez, j'ai jamais pu vous blairer...

- Fabi, la ferme. Tu n'as aucune idée de ce dont je suis capable.

- Vous, la ferme ! Ne m'appelez pas comme ça !

Lentement mais sûrement, le puzzle se mettait en place dans la tête de Simone. Puis le déclic se fit. Elle dit, dans un demi-souffle :

- Fabiola, ne la provoque pas davantage. C'est elle qui a effacé la mémoire collective. Notre intuition était la bonne.

Leur servant son sourire le plus vicieux, leur professeure applaudit.

- Bravo. Tu as quand même mis une heure à trouver la solution.

Plongée dans l'incompréhension la plus totale, Zélie regarda alternativement Simone et sa professeure, avant de poser la question qui brûlait les lèvres de tout le monde :

- Mais dans ce cas, pourquoi avoir exclusivement effacé la mémoire des autres classes ? Pourquoi pas nous ?

Mme Qualach soupira.

- Les ordres, les ordres... Si j'avais eu le choix, c'est ce que j'aurais fait. Seulement, on m'a sommée de vous laisser la mémoire intacte. A condition que vous acceptiez d'abandonner, bien sûr. Mais dans le cas ou vous refuseriez malgré mon avertissement... Je dévorerai jusqu'au moindre de vos souvenirs. Vous ne serez alors plus que des coquilles vides assistant à la fin du monde.

Décontenancés, les Littéraires se regardèrent. Ils n'avaient aucune issue. Les poings serrés, Fabiola se leva. Sans un mot, elle s'avança vers Mme Qualach, laquelle la regardait faire avec un sourire en coin.

- Qu'est-ce qu'il y a, Fabi ? J'ai quelque chose sur le visage ? Dépêchez-vous de prendre une décision, je n'ai pas que ça a...

Fabiola ne lui laissa pas finir sa phrase. Elle lui décocha un violent coup de poing dans la mâchoire, lui arrachant un cri de douleur. Tandis que sa professeure porta la main à sa bouche ensanglantée, elle regarda son poing.

- Putain. Ça fait un bien fou.

Fulminant, Mme Qualach n'attendit pas leur réponse plus longtemps. Malgré ses lèvres qui commençaient à gonfler, elle articula :

- Je vais... Bande de sales gosses... Vous l'aurez cherché !

Expirant un grand coup, elle lâcha sa mâchoire ensanglantée; et leva la tête vers le plafond.

Histoire d'une Ascension Où les histoires vivent. Découvrez maintenant