Chapitre I - L'ambition

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C'était l'une de ces belles matinées de Mai, de celles qui vous font vous lever du bon pied. Or donc, ce matin là, dans un petit lycée de province, une élève déambulait encore dans les couloirs à cette heure avancée de la matinée. Après avoir monté un escalier, puis un deuxième, elle arriva non sans peine devant la porte du laboratoire, qu'elle ouvrit à la dérobée. Aussitôt, elle entendit la réprimande du professeur.

- Fabiola, tu es encore en retard. Je te préviens, c'est la dernière fois.

Haussant les épaules, elle prit place au premier rang, puis sortit ses affaires. Derrière elle, les conversations allaient bon train.

- Tu sais Simone, ça fait déjà une semaine qu'on a pas vu Chacha. Cha m'inquiète.

- Martha, ce jeu de mots devient lourd. Malgré tout, c'est vrai que c'est étrange. En plus, il est injoignable.

- Mesdemoiselles, un peu de calme !

Surprises, elle se retournèrent vers le professeur qui les regardait d'un air sévère.

Elle ne pipèrent plus mot jusqu'à la récréation.

Tout comme Fabiola, Martha et Simone étaient en Première Littéraire, classe composée d'à peine 7 élèves, dont Sacha, alors absent depuis une semaine. Chaque élève avait une personnalité radicalement différente de celle des autres, apportant une sorte de dimension hétéroclite plus que nécessaire dans cette classe à petit effectif.

Ainsi donc, profitant de la récréation pour prendre un bain de Soleil, les deux pipelettes du cours précédent discutaient de tout et de rien. Alors qu'elles entamaient un passionnant débat sur leur style de garçon idéal, le ciel s'assombrit d'un coup. La terre se mit alors à trembler, et l'alarme eut tôt fait de sonner dans tout l'établissement. En trombe, la directrice sortit sur la terrasse, criant de se rassembler par classe à qui voudrait bien l'entendre. Paniquées, Simone et Martha coururent loin de la structure tandis que la terre continuait de trembler. Postées au milieu de la cour, elle furent rapidement rejointes par Zélie et Mara, toutes deux en Première L également. Cependant, alors que la panique régnait dans la cour, les secousses s'arrêtèrent aussi brusquement qu'elles étaient venues. Lorsque tout le monde eut repris ses esprits, Prescilla Lecourt, directrice de l'établissement, était sur le point de renvoyer les élèves chez eux pour le reste de la journée, lorsqu'un détail attira l'attention de la plupart d'entre eux : une trouée circulaire était en train de se former dans les nuées, transperçant le ciel opaque d'un rayon de lumière crue.

Zélie maugréa entre ses dents :

- Quelque chose cloche. D'abord, cette percée circulaire n'est pas normale, et ensuite, les nuages sont relativement bas.

Simone fut la seule à acquiescer. Effectivement, la chape de plomb qui recouvrait le ciel semblait si proche qu'elle menaçait de s'effondrer à tout instant. Mais à présent, le plus troublant, ce n'était pas cela, ni la trouée anormalement circulaire dans les nuages; mais plutôt la silhouette qui en descendait. D'allure humanoïde, elle possédait bien deux bras et deux jambes, à la différence près qu'elle semblait posséder une paire d'ailes dans le dos. Aussi ébahie que le reste de l'assemblée, Martha parvint à articuler :

- Serait-ce... un ange ?

Elle n'eut pas à attendre longtemps pour avoir sa réponse. En effet, une voix rauque et caverneuse s'éleva, semblant venir de partout à la fois.

- Salutations, camarades. Ha ha... Qui s'attendait à ça ? Personne ne m'a jamais pris au sérieux. Mais à présent, mon utopie est enfin sur le point de se réaliser !

Martha avait pâli instantanément. Elle ne connaissait qu'une seule personne employant cette formule pour s'adresser aux autres. Et cette personne, c'était...

- Sacha, souffla Simone, comme si elle avait pu lire les pensées de son amie.

Celui-ci reprit :

- Je vois que certains m'ont déjà identifié. Voyez-vous, maintenant que je suis omniscient, il ne m'est pas difficile de déceler vos arrière-pensées les plus tordues. Je suis le Prêtre Suprême du Saint Pain au chocolat. Et pour recréer le monde à mon image, je dois vous éliminer, vous, les hérétiques qui incarnez le péché à l'état pur ! Vous, pauvres sudistes illettrés qui vénérez cette fausse déité qu'est la chocolatine ! Je vois également que personne ne semble comprendre quoi que ce soit, pas vrai ? Et bien, seuls les élus auront des réponses. D'ici une semaine, j'aurai rasé toutes les villes du pays, et finirai avec celle-ci. Et comme je suis magnanime, je vous laisse ce même délai pour tenter de m'arrêter. Bonne chance, misérables insectes.

Suite à ce discours, les nuages se refermèrent sur la silhouette, avant de laisser à nouveau place au ciel clément de Mai.
Introverti et lunatique, Sacha restait en général une personne assez gentille. Autoproclamé "Prêtre Suprême du Saint Pain au chocolat", il se mettait cependant dans une rage folle dès qu'il entendait quelqu'un prononcer le mot "chocolatine". Mais qui eut cru qu'il aurait été capable d'aller jusque-là pour un débat si futile ? Ça dépassait l'entendement.

Dans la cour, tout le monde, affolé, cherchait des réponses, se demandant bien quel pouvait être le rapport avec une quelconque viennoiserie. Cependant, se tenant à l'écart des autres, une jeune fille observait silencieusement cette effervescence. Avant de se mêler au flot d'élèves qui se pressait maintenant devant le portail, elle murmura entre ses dents :

- Alors cet enfoiré a finalement mis son plan a exécution...

Histoire d'une Ascension Où les histoires vivent. Découvrez maintenant