Chapitre 10: Pris au piège

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Alain courait à en perdre haleine et naviguait à contre-sens dans la foule, tout en essayant de ne pas perdre Margie des yeux, lorsqu'un inconnu le saisit par la manche.

- Eh mon gars ! Je sais pas ce que t'as l'intention de faire, mais c'est dangereux par là-bas, tu devrais éviter de...

- Je sais, le coupa le dresseur en se dégageant.

Le jeune homme continua à se frayer un passage à travers les passants affolés, à la recherche de sa nouvelle et improbable alliée. Il lui sembla discerner l'éclat d'une barrette métallique au loin et reconnut son étrange chevelure couleur lilas. Il parvint à remonter jusqu'à elle et elle lui cria :

- Tu es sûre qu'elle est là-bas ?

- Non, je veux seulement vérifier, répondit-il sur le même ton pour couvrir le bruit ambiant.

Alain avait rencontré la jeune fille peu après sa dispute avec Manon (elle devait d'ailleurs être à peine plus âgée que celle-ci), lors de son passage à la bibliothèque de la ville, où il avait espéré trouver des informations supplémentaires à propos des Ultra-Chimères. Bien sûr, il ne s'était pas attendu à tomber sur quelque chose de capital, pour cela il aurait tout aussi bien pu se renseigner auprès de Vicky ou de Beladonis, mais ce soudain regain d'intérêt pour les créatures inter-dimensionnelles n'aurait rien eu de naturel (autant se balader avec l' écriteau « j'écoute aux portes » placardé au milieu du front). Il avait néanmoins pensé que les vieilles légendes d'Alola lui auraient permis de se faire une vague idée de leur puissance. Il avait fini par mettre la main sur un ouvrage mythologique qui racontait la création de la vie dans l'archipel par deux entités surgies d'une cavité béante dans la voûte céleste. Il allait entamer le second paragraphe, lorsqu'il avait eu la désagréable impression d'être observé. C'est alors qu'il s'était retourné pour se retrouver nez-à-nez avec l'étrange gamine à la robe rapiécée. Sans la moindre gêne, elle avait tiré un tabouret de sous la table et s'était assise à côté de lui en examinant attentivement la page à laquelle il se trouvait. Puis, elle s'était mise à lui conter la suite du mythe plus en détail. Il avait pu lui poser quelques questions, notamment sur la nature de ces créatures légendaires, qui, il s'en doutait, n'étaient pas des Pokémon au sens propre du terme, mais leur conversation avait été bien vite écourtée par des cris provenant de la rue en dessous.

Margie et Alain furent à nouveau séparés par un homme qui les bouscula brutalement. Le noiraud manqua de perdre l'équilibre et heurta sans le vouloir un petit garçon qui se trouvait derrière lui. Il se dépêcha de relever l'enfant déboussolé, le porta jusqu'à l'échoppe la plus proche et le confia à la gérante.

- Attends-moi ici, je reviens, lui dit-il avant de repartir précipitamment.

Le dresseur lutta pour rejoindre la jeune fille et réussit à la rattraper à nouveau.

- On est encore loin ? lui cria-t-il.

- Non, plus que quelques mètres. Mais ne t'inquiète pas, je suis certaine que Tonton Danh est déjà sur le coup.

Ne pas s'inquiéter ? Plus facile à dire qu'à faire avec une compagne de voyage qui avait le don de disparaître dans les pires moments...

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Il était trop tard pour fuir, il fallait l'affronter ou essayer tout du moins. Manon eut à peine le temps d'aligner ces pensées, que la créature se précipita sur eux en poussant un cri aigu, semblable à un sifflement rageur. Le Pokémon plante et la dresseuse s'écartèrent in extremis et l'Ultra-chimère termina sa course contre le mur derrière eux, le fracassant au passage. La jeune fille se releva en hâte, attrapa Marisson et se mit à courir vers le rivage. Maintenant qu'ils étaient repérés, autant tenter le tout pour le tout et essayer de traverser à la nage les quelques mètres d'eau qui les séparaient de l'autre côté. Mais elle n'eut pas le temps d'aller bien loin, car la bête, qui n'avait pas tardé à reprendre ses esprits, achevait de s'extraire des décombres. En désespoir de cause, Manon plongea derrière l'un des grands parasols renversés de la terrasse dévastée et pria pour que l'Ultra-Chimère se lasse et retourne saccager le reste du parc. Mais malheureusement, le cri strident qui retentit non loin d'eux lui indiqua que la créature n'était pas de cet avis. La jeune fille se recroquevilla un peu plus contre la toile et tint Marisson serré contre elle. Cette attente avait quelque chose d'insoutenable. Certes, elle s'était déjà retrouvée en présence de Pokémon légendaires et sentie démunie face à leur incommensurable puissance, mais ils se battaient alors pour des enjeux qui la dépassaient totalement. Ils n'avaient été pour eux que de simples gêneurs momentanés qu'ils s'étaient empressés de chasser tels des insectes un peu trop insistants. Or, cette fois-ci, les choses étaient différentes, car c'était véritablement après eux que la bête en avait. De là où elle était, Manon devinait la soif de meurtre qui agitait chaque cellule de la créature. À vrai dire, elle avait même l'impression que ce torrent de violence et de colère s'insinuait en elle, l'assaillait, l'écrasait même. Quelque chose frôla le tissu et la jeune fille retint son souffle. Elle étouffait. L'étau qui lui emprisonnait la poitrine ne cessait de se resserrer, son crâne la lançait atrocement et les images du cauchemar de la nuit précédente lui revinrent par flashs. L'obscurité, le froid, la grotte, la douleur, l'angoisse, la possibilité de mourir à chaque instant... Aussi, lorsque le parasol s'envola, les laissant à découvert, elle ne parvint pas à réagir et resta prostrée à terre. Sa conscience prise au piège entre le rêve et la réalité demeura sourde aux appels de Marisson qui en dernier recours, s'interposa entre elle et l'Ultra-Chimère. Le Pokémon plante tenta de lui opposer une attaque « Fouet liane », mais il fut aussitôt balayé au loin par un puissant coup de tentacule. À terre et à bout de forces, le hérisson mobilisa toute sa volonté pour faire bouger ses membres qui lui paraissaient maintenant aussi lourds que de la pierre, mais en vain. Il resta cloué au sol et fut forcé d'assister impuissant à la scène. La créature flottait devant sa pauvre dresseuse amorphe et s'apprêtait à l'emprisonner dans ses membres gélatineux. Le Pokémon plante essaya de bouger à nouveau avec l'énergie du désespoir et cria de détresse lorsque le visage de la jeune fille disparut dans la masse flasque et immaculée.

Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant