Le voyage de Saalyn et de Öta touchait à sa fin. Ils avaient pénétré dans la forêt qui couvrait le pied du plateau d'Yrian, un bref vestige de ce qu'était leur monde avant l'arrivée des envahisseurs. Depuis qu'ils avaient quitté la route principale qui reliait Karghezo à Sernos, ils ne rencontraient plus personne.
— Quelqu'un fait du feu, remarqua Öta.
Saalyn fut brusquement tirée de ses pensées. Elle huma l'air. Il avait raison, une légère odeur de fumée emplissait l'air. Mais elle venait d'assez loin pour ne pas les inquiéter.
— Nous ne risquons pas d'être pris dans un incendie de forêt. C'est certainement des paysans qui doivent défricher un champ. Ils utilisent souvent cette technique pour se débarrasser des mauvaises herbes. Ça permet aussi d'amender le sol avec les cendres.
— En résumé, ils pratiquent la culture sur brûlis.
Saalyn, qui ignorait le nom de la technique, fut un instant déconcertée par la répartie de son apprenti. Mais elle se reprit vite et lui adressa un sourire éclatant. Il était rare que les connaissances d'Öta soient supérieures à celles de sa maîtresse. Il n'en était pas peu fier.
Ils continuèrent leur voyage. Ils allaient lentement, Saalyn ne connaissait pas la route, elle devait se guider aux repères que lui avait donné Dresil, quelques mois plus tôt à l'ambassade. Certains n'étaient pas facile à trouver. Mais ils semblaient progresser dans la bonne direction. En tout cas, ils s'enfonçaient dans les contreforts du plateau.
Ils arrivèrent enfin au petit ruisseau qui courait sous les bois. Ils n'étaient plus qu'à une longe de leur destination. La progression devint sensiblement plus rapide sur cette voie qui reliait les exploitations de la forêt à la capitale de la province.
Öta leva le doigt et montra quelque chose aux dessus des arbres.
— Et ça c'est normal ? demanda-t-il.
Elle regarda la colonne de fumée noire, épaisse qui s'élevait en volutes lourdes.
— Ça ne ressemble pas à un brûlot. Et encore moins à un feu de cheminée.
— Si c'était pour fumer de la viande, on sentirait l'odeur.
— Je pars devant, s'écria Saalyn, rejoins-moi avec les bagages.
Elle lança son cheval au galop. En quelques stersihons, elle atteignit le petit pont de bois que lui avait décrit le paysan et le traversa.
Elle entra dans l'exploitation de Dresil. La maison était bien là, en feu. Des flammes hautes consumaient les murs et le toit en crépitant. Des volutes épaisses et noires s'élevaient dans le ciel, si lourdes que la légère brise ne parvenaient pas à la disperser. Des escarbilles enflammées fusaient dans tous les sens.
Saalyn resta figée un moment devant le spectacle, comme un animal surpris par un prédateur. Ce fut le hurlement de terreur des animaux qui la ramena au réel. La grange était intacte, mais elle ne le resterait pas longtemps. Elle descendit de sa monture et la chassa d'une tape sur la croupe. Elle ne demandait pas mieux. Effrayée par le brasier, elle retraversa le pont pour se mettre à l'abri au-delà du cours d'eau.
Saalyn alla ouvrir la porte de la grange pour libérer les animaux qui s'enfuirent. Puis elle retourna vers la maison, aussi près que la chaleur le permettait.
— Deirane ! hurla-t-elle.
N'obtenant pas de réponse, elle fit le tour du bâtiment pour voir s'il y avait un moyen d'y entrer. Mais la seule porte était devant. Elle retourna dans la cour, impuissante, appelant son amie, en vain. Elle se laissa tomber à genoux et se mit à pleurer.
VOUS LISEZ
L'esclave (La malédiction des joyaux - Livre 2)
FantasíaSoixante ans se sont écoulés depuis la guerre qui a mis fin au règne des tyrans. Une civilisation a pu renaître sur les ruines, malgré la subsistance de poches de chaos. Mais la plus grande partie du continent reste mortelle. Vivant en limite de la...