Chapitre 15 : province d'Elmin. (1/4)

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Saalyn quitta l'ambassade trois jours après le passage de Wotan. Comme elle envisageait de faire de Karghezo sa base d'opération pendant quelque temps, elle emportait tout son équipement avec elle. Sa seule concession à ses habitudes était l'utilisation de chevaux plutôt que de hofecy comme monture. À l'arrivée, elle devrait les parquer dans l'écurie de Deirane. Il lui semblait inutile de faire cohabiter les deux espèces. C'est avec un équipage de deux chevaux de bât qu'elle et son compagnon Öta se mirent en route. Au lieu de prendre la route directe vers Sernos, elle prit la direction de l'est, sur les traces de Wotan. Mais très vite, elle quitta le chemin pour obliquer au sud, en pleine campagne.

— Tu es sûre de ce que tu fais ? demanda Öta.

— Ne t'inquiètes pas, je connais bien l'endroit. J'y ai déjà travaillé.

— Ce n'est pas le meilleur trajet pour atteindre Boulden. C'est bien là que nous allons ?

— Absolument pas.

— Alors comment comptes-tu traverser l'Unster ? En dehors de Boulden ou de Sernos, je ne connais pas d'endroit proche.

— Moi j'en connais un.

Elle le regarda avec un grand sourire.

— Tu m'avais dit avoir choisi cette enquête parce qu'on n'était pas loin de Karghezo. Eh bien, nous en sommes beaucoup plus proche que tu ne le crois.

Öta remarquait un changement chez Saalyn. Elle était plus joyeuse que ces derniers jours. Le contraste avec la morosité qu'elle avait affichée pendant toute son enquête, malgré l'interlude de la fête du printemps, était saisissant. Cela ressemblait plus à l'ancienne Saalyn, celle d'avant sa captivité en Orvbel. Il ne savait pas trop si c'était la visite qu'ils faisaient chez son amie ou l'annonce par Wotan des actions lancées contre Brun. En tout cas, cela lui plaisait.

Vers le soir, ils arrivèrent au bord de la falaise. Saalyn les guida vers un village en ruine, certainement détruit pendant la guerre contre les feythas. Au temps où des gens y vivaient, il semblait avoir une certaine importance. Pourtant les champs en friche qui l'entouraient semblaient bien insuffisant pour justifier une telle population. Certains bâtiments faisaient penser à une caserne, tout au moins à un poste de garde pouvant héberger deux douzaines de soldats. Mais pour protéger quoi ? Mais le plus surprenant était deux tours basses reliées par une arche. Une porte ? Au bord de la falaise ! Ridicule ! Pourtant il y avait un texte gravé au-dessus du passage. Il était en Okarian impérial, une langue pas encore tout à fait morte mais en passe de l'être, qu'Öta ne connaissait pas. Les locuteurs vivaient en Helaria, il n'en restait que quelques centaines, derniers survivants d'un empire qui avait compté des millions d'habitants.

Contre toute attente, Saalyn ne s'arrêta pas. Pourtant l'endroit semblait parfait pour bivouaquer. Au lieu de ça, elle se dirigea vers la porte et la traversa. Öta la suivit, circonspect. À sa grande surprise, il y avait un chemin. Ses constructeurs avaient profité de ce qu'en cet endroit la falaise n'était pas parfaitement verticale pour creuser un passage à flanc de paroi. Vu l'ancienneté des ruines, ce ne pouvait être que des Stoltzt. Les Humains et les autres Nouveaux Peuples n'existaient pas encore quand il avait été tracé. Même s'il n'avait pas vu la porte, il aurait compris qu'il était face à un vestige de l'ancien empire Okarian. Aussi près de Sernos, il en restait bien peu, il fallait aller plus au sud dans le Salirian, ou mieux encore au nord bien au-delà d'Ortuin pour en rencontrer en grand nombre. C'est la première fois qu'Öta en en voyait.

Öta vérifia que les chevaux dont il était chargé le suivaient bien, puis il s'engagea sur le chemin derrière sa maîtresse d'arme. Le chemin n'était pas très large, il avait été prévu pour des piétons, les chevaux passaient à peine. Et des hofecy n'auraient jamais pu, une raison de plus pour laquelle Saalyn avait préféré les équidés aux sauriens. Mais bien qu'étroit et très ancien, il était en excellent état. Visiblement, il était entretenu. Par endroit, la chaussée était soutenue par des murs en pierres sèches, ils avaient été réparés à de nombreuses reprises. Pas une pierre ne manquait. Et s'il était entretenu, c'est qu'il était suffisamment emprunté pour justifier un tel effort.

L'esclave (La malédiction des joyaux - Livre 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant