Toutefois, Deirane remarqua autre chose : le regard que Surlo et Nëppë avaient échangé. Ces deux-là éprouvaient beaucoup de tendresse l'un pour l'autre. Peut-être même étaient-ils amants. Et de fait, elle n'avait aucune peine à imaginer le corps mince comme une liane de la jeune femme enlacé entre les bras musculeux du colosse blond.
— Ce gamin-là, continua-t-elle en montrant celui qui avait réagi au nom de Saalyn, tellement jeune que si on lui tordait le nez, il en coulerait le lait de sa mère, c'est Vorsu.
— Ma mère ne m'a jamais donné le sein, répondit l'interpellé, elle a chargé une nourrice de ça.
— Et ça se voit. Par contre, celui-là semble manifester une certaine impatience.
Elle tira une chaise pour que la jeune mère puisse s'asseoir, tout en continuant à parler. Il était temps, Hester commençait à s'agiter. Dresil s'en voulait de ne pas y avoir pensé tout seul.
— Il a quand même son utilité, continua-t-elle. C'est lui qui nous nourrit ce soir. Dans ses serres, il cultive les légumes qui ont servi à préparer le pot-au-feu.
Enfin, de son ustensile, elle désigna le dernier convive.
— Et celui-là...
— Merci, Nëppë, mais je vais me présenter moi-même si ça ne te dérange pas.
— Mais bien sûr, fais donc.
Deirane s'assit. Elle jeta un regard de reconnaissance à la jeune femme. Puis elle dégagea Hester de l'écharpe qui lui avait permis de le porter pendant la chevauchée. Il s'était réveillé et commençait à pleurnicher. Elle le berça doucement. Puis elle reporta son attention sur les trois hommes installés autour de la table.
— Je me présente. De tous, je suis ici le plus utile. Je permets aux amoureux de déclarer leur flamme à l'élue de leur cœur, je décore les cheveux des belles dames et embellis les chambres des demoiselles. J'aide dans son travail le dieu de l'amour. Toute l'année, j'ai le plaisir de produire des fleurs pour toutes les représentantes du beau sexe de Sernos et au-delà. Mace mes parents m'ont nommé, et Mace je suis.
Instinctivement, Deirane porta la main à la fleur accrochée dans ses cheveux. Mais c'était Dresil qui l'avait cueillie dans un arbre à l'entrée de la vallée. Ce poète n'y était pour rien.
— À vous maintenant, dit Nëppë. D'où venez-vous ?
Se retrouver le point de mire intimida Deirane. Elle chatouilla Hester qui s'était calmé.
— Il n'y a rien à dire, dit-elle enfin, je suis la fille cadette d'un fermier de Gué d'Alcyan, un village proche d'Ortuin, dans le nord. Je suis partie de chez moi il y a quelques mois et j'ai habité quelque temps à l'ambassade d'Helaria.
— À vous regarder, j'ai l'impression que vous avez fait une escale entre Ortuin et ici, remarqua Nëppë. J'espère que vous nous la raconterez un jour.
— Peut-être, répondit Deirane en restant évasive.
— Bon, eh bien voilà. Nous nous sommes tous présentés, dit Nëppë, nous nous connaissons tous. Nous allons pouvoir manger.
— Non. Pas tous, intervint Deirane, il manque quelqu'un.
Son regard se tourna vers Dresil. Le visage du fermier exprimait son étonnement.
— Mais enfin, dit-il, tu sais qui je suis.
— Je sais que tu vends des noix au marché de Sernos. Et Celtis m'a dit que parfois tu avais des fleurs et de la charcuterie. Et maintenant, j'ai appris que ce n'est pas toi qui les produis. Mais c'est tout.

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L'esclave (La malédiction des joyaux - Livre 2)
FantasySoixante ans se sont écoulés depuis la guerre qui a mis fin au règne des tyrans. Une civilisation a pu renaître sur les ruines, malgré la subsistance de poches de chaos. Mais la plus grande partie du continent reste mortelle. Vivant en limite de la...