Chapitre 22 : province de Karghezo. (2/3)

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De la main, le tavernier montra la salle autour de lui.

— J'ai déjà dû élever mes filles dans ce genre d'endroit. Je ne veux pas qu'elles y passent leur vie. Celle-là a une chance d'y échapper. Et maintenant je suis sûr d'une chose, avec l'Helaria derrière elle, même si elle échoue, au moins elle ne finira pas sur le trottoir.

— C'est une bonne raison en effet, remarqua Saalyn.

Elle regarda son jeune disciple qui dévorait son repas comme s'il n'avait pas mangé depuis des jours. Il avait passé la nuit avec l'une des filles du tavernier. Et si elle s'était donnée volontairement, sans rechercher une quelconque faveur qu'il aurait été de toute façon bien en peine de lui donner, il n'en restait pas moins qu'il était un inconnu pour elle. Que le maître des lieux veuille un autre destin pour sa benjamine était compréhensible.

Öta se sentit gêné du regard de sa maîtresse d'arme. Il hésita.

— Mange, dit-elle d'un ton rassurant, tu as tout ton temps. On part dans trois calsihons.

— Nos affaires... commença-t-il.

— J'ai donné des consignes. Nos chevaux seront prêts au moment voulu.

Elle se tourna vers le tavernier.

— Il est encore jeune, il n'a pas fini sa croissance.

— Eh bien, s'il continue comme ça, je vais devoir agrandir la porte, dit-il en riant.

À ce moment, la porte en question s'ouvrit, laissant entrer un petit groupe de voyageurs.

— Je dois vous laisser. Les affaires.

Elle lui fit un petit salut de la tête. Puis elle entreprit de nettoyer son nécessaire d'écriture. Elle allait bientôt devoir se procurer de nouvelles feuilles de papier. Il y aurait certainement un commerçant qui en avait à Karghezo, c'était une capitale de province après tout. En dernier recours, le consulat devrait pouvoir lui en fournir.

Elle se leva enfin, laissant son disciple finir son repas. Elle retourna à sa chambre relever la berceuse de son office. Elle avait déjà versé l'argent pour ses services à son père. Mais elle voulait lui donner directement un petit quelque chose qu'elle serait sûre de pouvoir garder. Elle l'avait mérité. Après tout, elle avait donné de sa personne, dans tous les sens du terme.

À l'heure dite, Öta était prêt. Le temps d'aller chercher leurs chevaux à l'écurie et ils étaient sur la route. Comme elle l'avait prévu, les palefreniers avaient tout préparé. Ils n'eurent plus qu'à se mettre en selle. Quand Saalyn fut installée, son disciple lui passa Hester qu'elle plaça dans un harnais que lui avait donné le tavernier. C'était plus pratique que de le passer sous sa chemise qui commençait à souffrir du poids du nourrisson, même renforcé d'une ceinture. Elle l'avait d'ailleurs remplacée par une de ces tuniques de lin qu'elle utilisait la plupart du temps sur la route. Elle n'avait toutefois pas lacé le corsage de façon à pouvoir garder un contact physique avec lui. Sa peau n'avait ni la texture, ni la chaleur de celle de sa mère, mais cela semblait malgré tout le rassurer.

Öta monta en selle à son tour, puis il prit la longe qui permettait de guider le convoi de leurs bagages. Ils quittèrent enfin l'écurie. Au bout de quelques perches, Saalyn se rendit compte que le prêt du tavernier était vraiment pratique. Hester était bien plaqué contre sa poitrine, presque immobilisé, il ne risquait pas de tomber. Il avait la tête qui reposait doucement contre elle. Elle pourrait le nourrir assez facilement en cas de besoin. De plus, elle était totalement libre de ses mouvements. Elle put saisir les rênes de son cheval sans être gênée.

L'esclave (La malédiction des joyaux - Livre 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant