Chapitre 21 : province de Karghezo.(1/2)

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Il faisait nuit quand la barque atteignit l'Unster. Afin d'éviter tout risque de se faire entraîner dans le courant, le mercenaire préféra accoster quelques perches avant l'embouchure. À cet endroit un pont enjambait la petite rivière. Il était d'une seule portée, sans pilier pour le soutenir tant sa longueur était courte : deux massives poutres de bois recouvertes de planches épaisses, il pouvait supporter même les équipages les plus lourds. La berge, bien qu'en pente douce, était suffisamment haute pour qu'il n'y ait pas besoin de le surélever. L'espace en dessous était suffisant pour fournir un abri. D'ailleurs le pont avait été conçu de façon à ce que des voyageurs surpris par des pluies de feu puissent se réfugier dessous. Il fut facile d'échouer la barque. Et quelques enjambées suffirent à Jevin pour remonter sur la route.

La grande route du sud était une des deux artères majeures qui traversaient le continent d'Ectrasyc. Elle était suffisamment large pour que trois chariots puissent rouler de front. Deux grandes puissances et quelques royaumes mineurs assuraient son entretien et sa surveillance. L'endroit était assez sûr, condition indispensable pour le commerce. La grande route du sud. Jevin savoura l'ironie de la situation. Tout le monde l'appelait ainsi, même l'Helaria qui était située à son terminus. Un nom hérité de la période feytha, quand ces tyrans représentaient le centre du monde. Elle débutait à Sernos un peu plus d'une cinquantaine de longes au nord, et finissait à Kushan au bord de l'océan. Les deux villes les plus grandes et les plus riches du monde. Deux des plus belles aussi. Presque la moitié du commerce mondial transitait par cette voie. Une bonne part empruntait le fleuve, un fleuve si large que de sa position Jevin ne voyait pas la rive opposée. Mais les trois seules nations à disposer d'une flotte de commerce n'avaient pas assez de navires pour transporter tous les biens et les voyageurs. La route restait donc un élément incontournable du commerce Polinal.

La route comme le fleuve était vide de toute présence. Mais le chef mercenaire ne pouvait pas en être sûr. La seule lune présente dans le ciel était voilée par des nuages. Elle n'éclairait pas suffisamment pour repérer un éventuel bateau. Normalement un navire aurait allumé des fanaux pour éviter les collisions. Mais cette règle n'était pas très respectée. Beaucoup comptaient sur la largeur du fleuve pour éviter les accidents. C'était un mauvais calcul. Les navires de commerce naviguaient au sein d'une flotte pour se protéger de la piraterie. Et l'expérience avait montré que quand un navire helarieal percutait un bateau concurrent, ce n'était jamais lui qui allait par le fond. Les navires de la Pentarchie étaient rapides, légers et incroyablement solides. Et personne ne savait comment ils arrivaient à un tel résultat.

Jevin aurait bien voulu utiliser l'un d'eux en la circonstance. Malheureusement, la nature de sa mission l'en empêchait. Un siècle plus tôt, ce qui n'était qu'un royaume insulaire avait tant souffert d'une attaque de négrier que leur simple évocation suffisait à les mettre en colère. Ce pillage avait cependant donné le coup de fouet qui avait propulsé la Pentarchie dans la cour des grands. Là où beaucoup auraient baissé les bras et se seraient soumis, elle avait résisté et fait en sorte que cela ne puisse plus jamais se reproduire. Et c'est à cause de cela qu'une personne telle que Saalyn existait, qu'il était obligé de prendre tant de précautions pour s'en protéger.

La situation était ironique. Les attaques de pirates qui avaient obligé l'Helaria à évoluer étaient parties d'Orvbel. Et aujourd'hui, c'était encore l'Orvbel qui commanditait son action. Mais entre-temps les humains avaient massacré les anciens habitants du royaume et pris leur place. Les habitants étaient différents mais les pratiques étaient les mêmes.

Non, Jevin n'attendait pas un navire helarieal, mais un navire orvbelian. La petite nation pirate avait capturé sa flotte en chassant les stoltzt autochtones pour s'emparer du pays. Mais ils ne savaient pas fabriquer de navires. La technique était maîtrisée par des esclaves. Et ceux-ci ne manifestaient pas un zèle particulier pour travailler. La flotte de l'Orvbel, bien qu'importante en taille, était donc archaïque. Heureusement, il n'aurait pas à monter à bord. Il n'avait juste qu'à y livrer son colis.

L'esclave (La malédiction des joyaux - Livre 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant