Chapitre 19 : province de Karghezo. (1/3)

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La veille, Saalyn et Öta avaient aidé les fermiers à remettre de l'ordre dans les affaires de Dresil. Il fallait rattraper les animaux, les soigner, les nourrir. D'eux-mêmes, ils étaient revenus vers leur étable. L'odeur de brûlé qui s'échappait des ruines les effrayait. Mais la faim fut la plus forte.

Le reste de l'exploitation n'avait pas été touchée, la plantation d'arbres était intacte et les réserves n'avaient pas été abîmées. Il y avait là une fortune pour les paysans du coin. Il allait falloir trouver une personne pour s'en occuper. En attendant, Nëppë avait décidé de s'en charger. Nul doute que les amis de Dresil l'aideraient. Mais le groupe avait perdu son commerçant, et aucun d'eux ne se sentait capable de le remplacer.

Et le matin, ils avaient mis le corps de Dresil en terre. La ferme des parents du jeune homme n'était qu'à quelques longes de là. Le petit cimetière contenait encore peu de tombes. Les deux guerriers libres avaient assisté à la cérémonie, brève comme c'était le cas en Yrian.

Saalyn portait toujours Hester sous sa chemise. Il dormait à point fermé, blotti contre sa poitrine. Elle alla rejoindre Nëppë, entre ses parents et la dernière sœur qui lui restait. Les trois femmes étaient en larme. Le père, lui, avait plutôt l'air plein de colère.

— Je vous présente toutes mes condoléances, leur dit-elle, si vous avez besoin d'aide, vous pourrez compter sur moi.

— Trouvez ceux qui ont fait ça, répondit-il, ça me suffira.

— Je vais mettre tous mes talents à leur recherche.

— Dans ce cas, j'ai confiance.

Il passa un bras protecteur autour des épaules de sa femme.

— Il reste un problème à régler, continua Saalyn. Hester.

— Quoi Hester ?

— Qui va le prendre en charge, vous ou votre fille ?

— Ce n'est pas le fils de Dresil, répondit Nëppë.

— Qu'est-ce que ça change ?

— Ça change que cette femme a apporté le malheur sur notre famille, répondit la mère. Je ne vois pas pourquoi on élèverait son enfant s'il n'est pas de mon sang.

— Ce n'est qu'un enfant. Il n'est pas responsable de ce qui se passe.

— Les pierres de cette femme sont responsables de ce qui s'est passé, répondit Nëppë.

— Elle n'a pas choisi de les avoir. On les lui a imposées.

— De toute façon, les affaires de cet enfant ont brûlé, tenta de tempérer le père, nous n'avons plus rien pour nous occuper de lui. Il faudrait plusieurs jours pour faire l'aller-retour vers Karghezo. Vous y serez avant nous.

La mauvaise foi du paysan était évidente. Mais Saalyn choisit de se taire.

— Et puis, vous pourrez le nourrir mieux que nous.

Sur ce plan, par contre, il n'avait pas tort. Ainsi qu'elle l'avait promis à Nëppë, quelques heures après la première tétée, Saalyn avait commencé à produire un peu de lait. Il faudrait plusieurs jours avant qu'il puisse manger à sa faim, mais il pouvait déjà faire des repas partiels. Toutefois, l'attitude de la jeune femme avait profondément choqué Saalyn. Pour un stoltz, un enfant était sacré. Jamais l'un d'eux n'aurait refusé de prendre en charge un nourrisson qui aurait perdu sa mère. En Helaria, beaucoup d'enfants s'étaient retrouvés orphelins à la suite des différentes guerres qui avaient marqué le règne des feythas. Ils avaient été pris en charge par la communauté. Même les pentarques s'étaient occupés de quelques-uns. Saalyn, en bonne stoltzin, n'avait pas insisté. Elle avait gardé Hester avec elle.

L'esclave (La malédiction des joyaux - Livre 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant