L'armée avait traversé les plaines sans difficulté majeure. Une douzaine de jours plus tôt, elle avait abordé dans la petite baie située entre celles de Kushan et d'Orvbel. Ce territoire n'avait pas de nom. Il était habité par des communautés edorianes totalement isolées. Moins d'une centaine de longes au nord, c'était le pays des Sangärens. Les pillards nomades faisaient des raids fréquents dans cet endroit. À l'est, à une cinquantaine de longes, c'était la forêt qui entourait l'Orvbel. Et à l'ouest, tout proche, à peine plus d'une douzaine de longes, on entrait dans le Lumensten. Cette province helarieal occupait tout le cap qui séparait les deux baies et elle remontait assez haut dans les terres. En fait, elle était aussi grande que le Kushan et par le passé avait été aussi peuplée. Mais trente ans plus tôt, le pays avait éclaté. Des chefs de guerres s'étaient partagés le territoire. Le roi n'avait pu rien faire. Puis le gouvernement s'était effondré et l'Helaria avait hérité de la zone.
Les villageois rencontrés sur le chemin avaient été affolés à leur arrivée. Il faut dire qu'un régiment complet de douze bataillons de cent-quarante-quatre hommes, sans compter l'intendance, n'était pas particulièrement rassurant. Mais les soldats avaient payé tout ce qu'ils avaient pris. Les edorians avaient fait une bonne affaire, ils avaient vendu leur production sans avoir à rejoindre les ports du Lumensten, tout proches mais dangereux. Et sans que les différents intermédiaires prélèvent leur part de bakchich.
Le régiment longeait l'est de la province, hors de vue des gardes-frontières. Le soir, un bataillon de fantassins passa à l'action à la faveur de la nuit. Il traversa la frontière, matérialisée par une rivière peu profonde, à l'écart du poste de douane. Puis il prit position sur la route qui le reliait à la ville la plus proche. Quand ils furent prêts, un fantassin prit un arc emporté à cet effet et lança une flèche enflammée en l'air. Aussitôt le gros des troupes se mit en branle.
Les douaniers helarieal n'opposèrent qu'une résistance symbolique. De vrais soldats de la Pentarchie auraient essayé de combattre le temps de permettre à l'arrière-pays de s'organiser. Mais ceux-là n'avaient d'helarieal que le nom. En fait, c'était des hommes de Dakan, le « khan » autoproclamé d'Elvangor. À six seulement, ils n'avaient aucune chance et surtout aucune motivation pour se faire tuer. Ils ne protégeaient pas leur pays, ils n'étaient que des brigands qui se payaient en rançonnant les voyageurs qui entraient ou sortaient de l'Helaria, en l'occurrence, les pauvres edorians qui vivaient dans la plaine à l'est. Ils se rendirent sans combattre. Comme prévu, un cavalier prit la fuite dès de début de l'attaque, en direction d'Elvangor, pour donner l'alerte. Il n'alla pas loin, la brigade qui avait pris position sur la route veillait. Une pierre lancée par une fronde l'intercepta en plein galop. Il tomba sans connaissance sur le sol.
La ville ne se trouvait qu'à huit longes de la frontière. La prise du poste de douane n'avait duré que deux calsihons. Il n'en fallut qu'un seul pour que le régiment se réorganise. Il reprit la route à marche forcée, la distance fut parcourue en trois monsihons. Les bataillons se disposèrent autour de la cité edoriane. Quand les habitants se réveillèrent le lendemain matin, c'est pour découvrir qu'ils étaient assiégés.
Dakan, le chef de guerre qui dirigeait la ville au mépris de toute légalité ne s'était pas préparé à ce genre de coup de force. Il n'avait que trois cents hommes d'arme dans ses murs. Aucun de ses adversaires potentiels ne disposait de plus, cela aurait suffi en temps normal. Les seuls qui disposaient de forces capables de le vaincre, les pentarques, ne pouvaient rien contre lui. La province ne faisait partie de la Pentarchie que depuis moins de dix ans. Elle était en plein chaos, l'Helaria n'en contrôlait qu'une petite partie : la ville de La Tour et quelques longes autour. Dix-huit chefs de guerre, humains pour la plupart, avaient profité de l'effondrement des institutions pour s'emparer d'une portion de cet ancien royaume. Cinq fiefs, tous aux mains de la pègre, faisaient une barrière efficace entre la capitale et son domaine. Il ne s'attendait pas à ce qu'une telle armée traverse la frontière pour l'attaquer. Il se demanda quels seigneurs de guerre s'étaient ainsi rassemblés pour l'abattre. Et surtout pourquoi ?
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L'esclave (La malédiction des joyaux - Livre 2)
FantasiaSoixante ans se sont écoulés depuis la guerre qui a mis fin au règne des tyrans. Une civilisation a pu renaître sur les ruines, malgré la subsistance de poches de chaos. Mais la plus grande partie du continent reste mortelle. Vivant en limite de la...