Chapitre 25 : cours de l'Unster (1/2)

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Le navire qui avait pris Deirane en charge battait pavillon de Shaab. Ce pays, fondateur de la Hanse de la Vunci n'avait aucune tradition de construction navale. Il sortait des chantiers du Mustul, en Shacand. Il avait donc le même poli, la même qualité de finition que les navires helarieal. Mais la technologie était radicalement différente. Alors que la Pentarchie ne fabriquait quasiment que des multicoques, celui-là était plus traditionnel avec une seule coque. Et il était en bois, des planches fixées sur des membrures de bois. Destiné à naviguer sur l'Unster et le long de la côte sud du continent, les chantiers navals de Renaissance avaient fabriqué une goélette, avec des voiles qui permettaient de remonter au vent.

Si les Shaabianos ne savaient pas construire ce genre de navire, ils savaient en revanche les entretenir, comme pu le constater Deirane en montant sur le pont. Il était briqué comme un sou neuf, les cordages lovés. Tout était à sa place, rien ne traînait.

Le capitaine de bord accueillit Deirane comme tout élément de cargaison. C'est-à-dire sans s'y intéresser le moins du monde. À peine cilla-t-il un peu en découvrant les pierres précieuses et les fils d'or qui couvraient sa peau. Mais cela s'arrêta là. Dès que le représentant du roi l'eut entraînée dans le rouf, il l'oublia pour se consacrer à la manœuvre.

Le commanditaire fit descendre un escalier à Deirane pour l'amener dans la cale. Elle était remplie de tonneaux, sa cargaison officielle, mais l'un d'eux masquait un passage vers une petite cabine qui avait été aménagée à l'arrière. Elle était très simple, deux lits, une table, une chaise, une armoire et une petite commode. Aucun hublot ne s'ouvrait sur l'extérieur, mais une lampe à bioluminescence helarieal – idéale pour cet endroit confiné – éclairait la petite pièce. Elle était réglée au minimum de sa puissance, ne répandant qu'une faible lueur. La seule décoration : au-dessus de la table, une série d'icônes gravées dans du bois représentaient les cinq dieux majeurs du panthéon yriani.

La pièce n'était pas vide, un vieil homme était allongé sur l'un des lits. Quand Deirane fut poussée à l'intérieur, il se leva. Il tourna la molette d'alimentation de la lampe. Peu à peu, sa luminosité augmenta.

— C'est ici que tu vas dormir pendant les trois prochaines douzaines, dit le commanditaire. On viendra te chercher pour le dîner. Sois prête !

Il sortit et referma la porte.

Deirane resta immobile, debout, juste devant la porte, ne sachant que faire. Le vieil homme toussa pour se rappeler à son existence. Elle se tourna vers lui. Il n'était pas Yriani. Son teint était sombre, ses cheveux crépus rendus gris par l'âge, sa barbe rase de même couleur et son nez épaté. Il venait de la Nayt ou d'un pays voisin. Il avait dû être très musclé étant jeune, il en restait une certaine vigueur dans sa silhouette malgré les années. Vigueur qu'on ne retrouvait pas dans ses mouvements cependant.

— Je m'appelle Soleil Ardent, mais on m'appelle Ard, se présenta-t-il.

Il utilisait l'yriani standard, celui d'Elmin, mais avec un accent qu'elle ne put identifier.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.

— Si tu veux savoir mon rôle auprès de toi, je suis ton instructeur.

— Mon instructeur ?

— Pendant le voyage, je dois faire de toi une concubine digne d'un roi.

Elle resta muette d'étonnement. Elle ne comprenait pas ce que cet homme racontait. Juste qu'il semblait prisonnier comme elle. Soudain, l'émotion de tous les événements accumulés ces derniers jours remonta en force. Elle craqua. Les pleurs, si longtemps retenus, furent libérés. Ard ne fut pas surpris. Il enlaça le corps secoué de sanglot et le serra contre lui. Il se rendit compte que malgré sa petite taille, c'était bien une femme qu'il avait dans les bras, pas une gamine. Elle se raidit à son contact, mais elle ne repoussa pas. Si le contact des pierres incrustées dans sa peau le surpris, il ne le montra pas.

L'esclave (La malédiction des joyaux - Livre 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant