Le plateau de l'Yrian, cœur historique du royaume homonyme, était coupé en deux par le fleuve Unster.
L'ouest, largement irrigué par les rivières descendant des montagnes, était fortement boisé. Les humains avaient défriché pour y construire de grandes exploitations agricoles qui étaient à l'origine de la richesse du pays. La capitale de la province, Elmin, avait pu devenir un important centre économique et intellectuel, même s'il était loin de rivaliser avec la grandiose Sernos.
L'est, en revanche, était plus austère. Là, aucune rivière, seules les pluies de feu l'arrosaient. La végétation était clairsemée. Beaucoup d'endroits, ceux où l'eau empoisonnée s'accumulait, étaient totalement désertiques, et pour certains même leur simple traversée s'avérait mortelle. La principale activité était la mine. On y extrayait du cuivre en petite quantité, et de la bauxite, minéral qui ne servait à rien que pourtant les Helariaseny achetaient à foison. Karghezo, seule ville et chef-lieu de la province, aurait périclité si elle avait dû vivre de ce que produisait son arrière-pays.
Toutefois, abritées des vents d'est, les pentes du plateau étaient creusées de nombreuses vallées fertiles. Si l'amont était stérile comme le sommet, en aval, des résurgences purifiées par les centaines de perches d'épaisseurs de roche permettaient à la vie de se maintenir. Elle n'était pas luxuriante, elle avait même un air maladif. Après tout, elle recevait les pluies de feu. Mais elle révelait suffisante pour autoriser des communautés humaines à vivre de façon autonome.
C'est dans l'une de ces vallées, sur la pente nord, que cheminait une charrette. Vide de chargement, elle comportait trois passagers. Le conducteur était un homme, un jeune adulte de taille moyenne, musclé comme l'étaient ceux qui travaillaient dans les champs, les cheveux brun coupés court. Il était accompagné d'une femme ayant encore un pied dans l'adolescence. Elle était si emmitouflée dans une large houppelande qu'on ne pouvait distinguer d'elle que sa taille, minuscule telle une enfant. Si elle s'était si étroitement emmaillotée dans toutes ces couches de vêtements, c'était parce qu'elle protégeait dans ses bras un nouveau-né de quelques mois à peine.
Dresil, puisque tel était le nom de ce jeune fermier, guidait sa charrette le long de la rivière qui courait au fond du vallon. Plus il se rapprochait de sa destination, plus il était pressé, tant il avait hâte de faire découvrir son exploitation à la femme de sa vie. C'est au détour d'un chemin que Deirane la vit pour la première fois. C'est donc là qu'elle allait vivre maintenant, qu'elle allait élever son fils Hester, en compagnie de l'homme qu'elle aimait. Elle parcourut les lieux du regard, émerveillée par tout ce qu'elle voyait.
Le corps d'habitation était un petit bâtiment de bois constitué de plusieurs blocs accolés. Cette structure permettait d'agrandir facilement la maison en cas de besoin. Et le fait est qu'un ajout récent venait d'être effectué, si l'on en jugeait à la couleur des murs encore claire.
Tout autour, on ne voyait que des arbres. L'exploitation produisait des fruits secs de divers types : noix, noisettes et noix de beurrier principalement. Ce dernier arbre en particulier était bien représenté : les plans, à hauteur d'homme, étaient alignés derrière la maison comme les militaires à la parade . Ces arbustes, réputés pour s'accommoder des pluies de feu, étaient resplendissants. Les autres avaient l'air malingre que prenait tout ce qui poussait dans la région, mais ils produisaient quand même leurs fruits.
Sur le côté, une basse-cour de juraves – ces animaux qui tenaient lieu de volailles depuis la disparition des poules, dindes et autres gallinacées – devait fournir les œufs et la viande nécessaires aux besoins du fermier, et peut-être occasionnellement ajoutait un appoint financier toujours bienvenu. Une grange complétait l'ensemble.
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L'esclave (La malédiction des joyaux - Livre 2)
FantasíaSoixante ans se sont écoulés depuis la guerre qui a mis fin au règne des tyrans. Une civilisation a pu renaître sur les ruines, malgré la subsistance de poches de chaos. Mais la plus grande partie du continent reste mortelle. Vivant en limite de la...