Chapitre Cinq.

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« La maladie ou la vieillesse ne pourront jamais changer ce que l'on éprouve pour une personne » Anonyme.

***

Harry.

Lorsque l'horloge de mon bureau temporaire indique midi, j'abandonne la recherche internet que j'étais en train de mener sur les autres hôtels à proximité de Croydon et me lève de ma chaise.

On est mercredi et j'ai un appel à passer.

Je sors du commissariat de manière discrète pour éviter d'être repéré par un quelconque lieutenant qui aurait des questions à me poser à propos de l'enquête et me dirige directement vers ma voiture. J'ai envie d'être seul quand je l'appellerais parce que je ne contrôle plus vraiment ma voix ou mes mots dans ces moments-là.

Je mets le contact rapidement et sort du parking, roulant jusqu'au centre ville pour me garer sur la chaussée, en face du parc de St James. Il est très fréquenté en ce moment parce que c'est bientôt la période de Noël mais ce n'est pas grave : il est grand alors je pourrais trouver un endroit tranquille près du lac aux canards, ou près du marchant de marrons chauds.

Le froid se renforce de plus en plus, il ne fait surement pas plus de 51°F aujourd'hui seulement je ne sens rien, j'ai le trench coat noir qu'elle m'a acheté pour Noël il y a trois ans.

Trois ans.

Il y a trois ans, tout était encore normal.

Et là, d'un coup, la vulnérabilité me frappe de plein fouet comme tous les mercredis, comme tous les vendredis et les dimanches, comme à chaque fois que je pense à elle, comme à chaque fois que je m'apprête à l'appeler.

Parce que je ne sais pas si elle se souviendra, je ne sais pas si elle me reconnaitra, je ne sais même pas si elle voudra me parler.

Je ressers mon écharpe qui est pourtant bien en place et fourre les mains dans mes poches, avançant dans l'herbe qui deviendra surement gelée dans la soirée.

Je n'ai qu'une heure et demie pour manger mais je m'en fiche parce que je n'ai pas faim.

Je veux juste l'appeler pour entendre sa voix.

C'est pour cette raison que je suis maintenant assis sur un banc, sous un arbre, et que j'ai mon téléphone dans la main sans pour autant me résoudre à appeler.

C'est bête je sais, mais je n'y peux rien ; quand il est question d'elle, tout est chamboulé, je perds le contrôle de mes sentiments, de mes gestes, de ma confiance. Je ne suis plus rien, plus rien d'autre qu'un petit garçon qui a peur.

*

_Chambre 245, Mia à l'appareil ? décroche alors une voix que je connais lorsque j'ai réussi à rassembler assez de courage pour composer le numéro.

_Salut Mia ; c'est Harry.

J'ai murmuré parce que j'ai l'impression d'être constamment sur écoute ; d'être constamment surveillé. Ce n'est pas vrai pourtant mais je ne peux pas m'en empêcher. C'est juste que c'est ma vie, c'est mon passé et mon présent, c'est mon secret ; et je ne veux en parler à personne.

_Harry ! C'est super de t'entendre, tu vas bien ?

_Ça va.

Normalement, je lui demanderais comment elle va elle aussi, je ferais une blague ou lui proposerais un cinéma ; mais pas cette fois. Pas cette fois parce que je ne suis pas d'humeur, que je n'ai pas envie de rire, et que je suis de toute manière à des milliers de kilomètres, sur un autre continent. Alors je me contente juste de demander :

318 Case.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant