1. S'Hak-omoder

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Hakan

Quelques secondes, c'est tout ce dont j'ai encore besoin. J'essaye tant bien que mal de dompter mes boucles noires qui refusent délibérément de prendre forme ce matin. Depuis la grande porte d'entrée de notre résidence secondaire de Londres, une voix masculine nous rappelle avec autorité.

– Mesdemoiselles ! Messieurs ! Nous allons être en retard si nous ne partons pas maintenant !

À tous les coups, je reconnaîtrai cette voix, même un peu essoufflée comme elle l'est en ce moment. Il s'agit de Quentin, l'ancien valet de mon père qui est devenu notre tuteur en l'absence de ce dernier. Il ne trahirait jamais la confiance de Lawrence Selens et se coupe en quatre pour nous satisfaire tout en gardant le contrôle sur notre quotidien. En arrivant dans l'entrée, je tente de négocier une dernière fois une excuse pour m'absoudre des cours d'aujourd'hui.

– Quentin, j'essaye avec une voix plaintive, je me sens vraiment faible aujourd'hui. Ma jambe me fait tellement souffrir...

– Mademoiselle Selens, me sermonne le valet, vous me jouez cette comédie chaque mardi. Même votre père ne se laisse plus berner.

– Vous avez raison, je devrais me plaindre dès le lundi.

– Mademoiselle Selens, soupire Quentin.

Tous les mardis, juste avant le déjeuner, j'ai un cours de psychologie de base. Il s'agit d'un cours obligatoire en 1ère année qui me répugne au plus haut point et pour lequel je n'ai pas fait le moindre effort pour le réussir. Résultat ? Je me le coltine encore cette année en espérant que je réussirai.

Du haut de mes dix-neuf ans, je m'apprête à finir mes études au plus vite et rejoindre mon père à la présidence de la société qu'il dirige d'une main de fer. J'ai de l'ambition et des idées plein la tête, je me sens prête à reprendre ce relais aux côtés de mon cousin Klaus, qui sera le meilleur des bras droits sur lequel je puisse me reposer.

Finalement, Quentin sort pour faire chauffer le moteur de la voiture. J'attends que Klaus descende l'escalier et qu'il s'habille pour sortir dans l'air un peu frais. Il s'agit du plus âgé de notre petit clan : cheveux clairs et coiffés soigneusement, toujours tiré à quatre épingles. Bien sûr, je devance mon aîné pour piquer la place du passager avant.

– Hakan ! grogne-t-il. T'es chiante !

– C'est moi devant, je justifie. C'est pour ma jambe.

– Et ta canne ! hurle une voix féminine dans mon dos.

Grace, notre ménagère qui s'occupe de la maison à Londres, me rapporte ma troisième jambe avec insouciance. Elle lance un sourire innocent à mon cousin qui, lui, monte à l'arrière en lui souhaitant une bonne journée. S'il croit que je n'ai pas compris leur petit jeu...

– Arrête de baver Klaus, je le taquine. C'est sale !

– De quoi tu parles ? feint-il.

– Vous vous plaisez tout les deux, je m'explique, Ça se voit comme Lizzy devant un euro qui tombe par terre.

– Hak ! s'indigne-t-il. Tu exagères !

– À propos de toi ou de ta sœur ? je le nargue.

– Hakan ! hurle-t-il.

– Pourriez-vous baisser d'un ton s'il vous plaît, intervient Quentin qui s'impatiente devant le volant.

– Pardon ! nous excusons-nous en chœur.

– Qui ne baisse pas d'un ton ? demande Leif en montant dans la voiture à son tour.

Les Amis ProscritsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant