Les Amis Proscrits

13. Inter-Hak-tions

Hakan

Une sonnerie à peine, ça décroche déjà.

– Père ?

– Bonsoir, Hakan. J'attendais ton appel.

– Bien, me voilà.

– Peux-tu m'expliquer ton comportement ? Il semblerait que tu n'es pas allée en cours aujourd'hui, d'après le personnel de maison.

– On vous a mal renseigné, Père, ce n'était que l'après-midi. Je n'étais pas très bien ce matin. Quentin pourra en attester, car je suppose que le personnel, c'est juste Grace.

– Elle m'a dit aussi que tu es retournée voir le jeune Holmes malgré ton état, toi qui te disais « souffrante ».

Oh, maudite soit cette ménagère qui ne peut pas s'occuper un tant soit peu de ses propres affaires. Je vais la bâillonner avec un torchon humide, la ligoter avec la corde à linge et lui enfoncer sa brosse à récurer dans le...

– Hakan ? j'entends à l'autre bout du fil.

– D'abord, il me semblait que Grace n'avait pas besoin de me surveiller. Elle manque à ses obligations à force d'être dans le dos de votre postérité. Surtout quand il s'agit de venir faire des commérages sans savoir ce que j'ai convenu avec d'autres !

Je finis par crier, pour éviter de m'étrangler de rage. Cette femme va payer ses incursions dans ma vie privée, ça commence dès maintenant.

– Développe ta réflexion.

– Je n'étais pas en état de suivre les cours, c'est vrai. Mais je pouvais travailler tant que je restais au calme dans mon bureau. J'ai d'ailleurs pu terminer d'analyser les offres que vous m'aviez demandée. Les cours se rattraperont, mais pas ces analyses. Elles étaient urgentes.

– En effet. Mais alors pourquoi te rendre chez ton ami alors que...

– Je ne suis pas vraiment allée chez lui ! Je suis restée devant la porte !

– Ne m'interromps pas !

– Je vous corrigeais, Père, rien de plus.

Si ma voix se faire plus douce, la sienne devient grinçante. Des avertissements, des ordres, toujours des injonctions ! Raz-le-bol !

– Surveille bien tes paroles, Hakan, sinon c'est toi qui sera corrigée.

– Vous... vous me menacez ?

– Je fais ce qu'il faut pour gagner le respect que je mérite.

– Autre chose à blâmer ?

J'essaye de me contenir, mais j'ai très envie de pleurer. Même à plusieurs centaines de kilomètres de moi, mon père me terrifie. Je ne pourrai jamais avouer cela à personne, je suis incapable de le montrer... À n'importe qui. J'aurais honte, définitivement honte de moi.

– Tu avais quelque chose à demander ? demande-t-il comme si de rien n'était.

– J'ai besoin d'assister à une conférence demain soir. C'est important que j'y assiste, car elle peut être une source particulièrement judicieuse pour mon travail de fin d'année. J'ai pu m'organiser pour ne plus avoir de travail supplémentaire pour me libérer ce soir-là, je peux m'organiser pour arriver à mes fins.

– Je vois. Que dirait Quentin si je lui demandais son avis ?

Bien sûr, incapable de me faire confiance. Comment fera-t-il quand je serai devenue son bras droit officiel à la sortie de mes études ? Écoutera-t-il seulement mes idées, mes options, mes conseils... Non, évidement que non. Respire Hakan, tu vaux mieux que lui, tu seras toujours mieux que lui.