Sherlock
Midi cinq, l'heure où elle termine. Le temps qu'elle range ses affaires, qu'elle déplie sa canne, puis qu'elle me rejoigne prestement... Encore sept minutes. Klaus Resiman s'est installé plus loin dans la cafétéria où je suis déjà dans l'attente, il me surveille du coin de l'œil pensant que je ne l'ai pas remarqué. Il pourrait venir rechercher son carnet par lui-même, mais il ne me demande rien. Lâcheté ou méfiance ?
– Surprise ! me salue Hakan en arrivant. T'as le cahier ?
– Certainement, je confirme. Et tu as pris tes dispositions pour jeudi ?
– Presque, m'assure-t-elle. Je dois encore téléphoner à mon père pour avoir son aval, mais compte sur moi.
Elle fait un geste de tête à l'intention de notre espion, celui-ci nous rejoint. Dans le même laps de temps, je sors le carnet vert de mon sac pour le tendre à ma camarade qui le transfère à son propriétaire sans un mot de plus.
– Tu l'as lu ? me demande Reisman sans même un bonjour.
– Oui, je réponds sans mentir.
– De quoi tu te mêles ? feule-t-il.
Réflexe typique dans le clan des Selens.
– Je trouvais tes théories intéressantes, je le calme. Tes recherches sont mal construites, en revanche. Tu as les bonnes pistes, mais tu ne les exploites pas de la bonne façon.
Hakan, abasourdie par mon avis, mais tentant de ne rien laisser paraître, se presse de faire la traduction.
– En gros, c'est un compliment, affirme-t-elle à son cousin. Il semblerait que tu réfléchisses bien même si, en pratique, tu t'y prends comme un manche.
– C'est fou, dit Klaus d'un air dédaigneux, tu me dis la même chose.
– Si j'ai bien compris, j'ajoute à l'intention de Hakan, c'est toi l'auteure des paragraphes en couleur ?
– C'est ça, confirme la jeune fille. On se sert de ce moyen pour communiquer sur le sujet discrètement.
– Donc, insiste son cousin, ça nous arrangerait que cette histoire ne s'ébruite pas.
– Pas de souci, je le rassure. Alors Hakan, en l'occurrence, c'est toi le manche.
– Quoi ? s'indigne-t-elle.
– Reviens plusieurs pages en arrière, je lui explique. Tu constateras que c'est toi qui refuses obstinément l'idée que tu puisses être la fille biologique de David Reisman.
Moment de silence, sans doute gênant. À l'instant où cette phrase a franchi mes lèvres, j'ai vu le danger qu'elle représentait. C'était trop tard, je l'avais prononcée. Voilà comment je viens de briser mon étroite collaboration et mes rares moments de détente en compagnie de la jeune Selens. Bien sûr, son visage ne me révèle rien, mais d'autres tics corporels qu'elle ne peut dissimuler me révèlent sa frustration.
Sans même faire preuve de répartie, elle déplie sa canne qu'elle venait tout juste de ranger, puis tourne les talons.
– Hak, l'appelle Klaus, attends...
– J'ai pas faim, grogne Hakan pour toute réponse.
– Allez, continue-t-il en lui prenant le bras.
– Allez-vous faire foutre !
Hakan se dégage violemment de l'emprise de son cousin, qui a d'ailleurs un mouvement de recul. Elle me jette un dernier regard, empreint de colère, et quitte la salle pour de bon. Klaus décide alors de s'asseoir en face de moi, tout penaud.
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Les Amis Proscrits
FanfictionRetrouvons Sherlock, Mycroft, John... mais aussi Hakan, Leif et tous les autres personnages fétiches d'« Une colocataire irascible » à l'âge de vingt ans. Dans cet univers particulier, le père d'Hakan est là pour former et diriger au mieux sa progé...