8. Hak-ointance

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Klaus

Hakan a l'habitude de me rejoindre pour le déjeuner, mais il me semble qu'elle traîne un tantinet aujourd'hui. Quand elle arrive enfin, elle me toise avec un œil dédaigneux. Elle devine ce dont je veux lui parler instinctivement, c'est pas croyable.

– Ça va ? lance-t-elle comme politesse. Tu as l'air de te retenir depuis des heures.

– J'ai une nouvelle piste, j'annonce simplement.

– Oh non, Klaus, encore ! s'énerve-t-elle. Tu peux pas simplement laisser tomber ?

– Regarde ! j'insiste. Ça se tient !

Je lui tends mon fameux carnet vert pour qu'elle y jette un œil, mais elle s'en empare de suite pour le dissimuler rapidement dans son sac. Elle explique son geste immédiatement.

– Leif ne va pas tarder. Il est hors de question qu'il voit ça.

– Tu ne veux pas qu'il connaisse la vérité ?

– Klaus, me somme-t-elle. Il n'y a que toi qui cherche à retrouver un homme qui a voulu disparaître. Il ne voulait ni femme, ni enfant dans sa vie, alors pourquoi se soucier de lui ? Merde à la fin !

L'idée même de chercher mon père agace ma cousine. Il faut savoir que son père et le mien étaient des amis de longue date qui se sont connus quand ils étudiaient à Londres. David Reisman était un autre belge ayant obtenu une bourse pour aller étudier à l'étranger et séjourner dans la maison Greenfield, le pensionnat de la Greenfield High School. Quand Lawrence Selens l'a rencontré, ils se sont immédiatement liés d'amitié. Mon père a rencontré la sœur d'oncle Lawrence et se sont mariés. Oui, ma mère aimait David... Je suis certain que cela n'était pas une union basée sur l'intérêt.

Plus tard, les deux hommes ont fondé Selens Incorporation ensemble. Puis, contre toute attente, alors que ma mère et tante Victoria étaient toute les deux dans l'attente d'un enfant, David a disparu sans laisser la moindre trace.

Si Hakan a été conçue pour le détester, je suis toutefois le seul à encore me souvenir des traits de cet homme qui m'a engendré. Je ne cherche pas à renouer le contact, ni même à gagner son affection, juste trouver quelques réponses. Ma curiosité m'a poussé à entreprendre ce genre de recherche l'année dernière, ces recherches que je consigne précieusement dans mon carnet, dans lequel ma cousine fait, de temps en temps, quelques annotations. Elle insiste pour ne rien dire au clan, pas tout de suite. Pour les préserver, dit-elle. Je pense qu'elle refuse simplement d'apprendre un jour la vérité.

– Tu parles de mon père, Hakan.

– Je sais Klaus, concède-t-elle comme une excuse. Cependant, j'énonce que les faits. S'il avait des raisons de s'enfuir, il n'en avait aucune pour ne pas garder contact avec vous.

– Tu regarderas ce que j'ai écrit tout de même ? je m'inquiète.

– Comme d'habitude, soupire-t-elle. Je corrige à l'encre rouge et tu récupères ton carnet ce soir.

– Qu'est-ce que tu lui rends ce soir ? demande une voix dans mon dos.

Il s'agit de Leif qui arrive un peu essoufflé. Nous lui répondons ensemble, d'une même voix.

– Un devoir !

Nous finissons promptement par changer de sujet pour brouiller un peu les pistes. Cela fonctionne plutôt bien, mais je remarque le regard dans le vide d'Hakan.

– Hak ? je l'interpelle. Ça ne va pas ?

– Non, ça va.

– Tu m'as l'air pensive.

Les Amis ProscritsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant