Hakan
Ma jambe me réveille vers deux heures du matin, je prends les deux cachets d'un coup pour le rendormir au plus vite. C'était sans compter la rituelle douleur de six heures. La mâchoire crispée, je marche en silence pour détendre ma jambe désormais raidie. Je n'ai plus le droit à aucun médicament avant le petit déjeuner à présent. Stupide Hakan, tu es stupide !
Un bruit venant du sofa face à mon lit me parvient, me forçant à réduire le bruit que je peux faire dans ma chambre. Sherlock s'est endormi dedans, sans trop se faire prier. J'aurai pu lui proposer de prendre la chambre de mon père en l'absence de celui-ci, mais sans m'expliquer pourquoi, je me suis dit que c'était une meilleure idée qu'il reste en ma compagnie.
Puisque je sais que je ne dormirai plus, je m'empare d'un paquet de cigarettes caché sous le tiroir de ma table de nuit et ouvre la fenêtre pour m'asseoir à califourchon sur son rebord. Je grelote, mais je souris : cette position me donne l'impression de dominer. Je tire une ou deux bouffées quand mon colocataire pour la nuit se retourne et me regarde, étonné.
– Ça te prend souvent ? m'interroge Sherlock en se frottant un œil.
– Navrée si je t'ai réveillé, je m'excuse en éludant sa question. Je t'ai dérangé ?
– L'odeur m'a interpellé, admet-il.
D'un bond de chat, le première année se relève et me rejoint, enroulé dans la couverture qu'il avait sur lui. Il tente d'imiter ma position, face à moi, en entremêlant nos jambes sur le vaste appui de fenêtre. C'est juste à notre taille, pour tous les deux. Je lui tends le poison dont il se délecte avant de me tendre à nouveau le mégot rougeoyant.
– Tu as quoi à ta jambe ? demande soudain Sherlock.
En effet, c'est la première fois qu'il a l'occasion de la voir de si près. En pyjama, je ne crains pas d'être dévisagée, mais je n'ai jamais de personne étrangère qui m'ait vue habillée de cette façon. Personne qui ne connaisse pas l'histoire en tout cas.
– Tu ne devines pas ? je le taquine en fumant.
– Il te manque un muscle, explique-t-il. Ça, je le vois. Mais pourquoi ?
– Accident de voiture, j'ai regardé à gauche au lieu de regarder à droite.
(nda : réplique de mon film fétiche, comprendra qui pourra)
– Jeune ?
– Sept ans. Je... J'attends encore quelques années et une greffe sera envisageable. Si j'ai de la chance.
Nous continuons notre conversation, qui en entraîne une autre, puis une autre... Mon réveil se met à sonner, comme un rappel à l'ordre.
– Je t'ai empêchée de finir ta nuit, constate Sherlock.
– Non, c'est rien je...
Je m'interromps pour couper la sonnerie de mon instrument de torture matinal avant de revenir sur mes pas : encore cinq minutes.
– Je ne dormais plus et puis... (j'hésite avant de me confier à nouveau) Ta compagnie est agréable pour moi, ça me fait du bien. J'avais jamais eu « ça » avant.
– Quand tu dis « ça », tu parles d'un « ami » ? me demande-t-il l'air narquois.
– Ouais, c'est ça...
– C'est donc comme ça que tu me vois ? insiste-t-il.
– Ouais c'est bon arrête de crâner, j'exige. Mais oui, même si l'idée même de me faire un ami m'est défendu, je continue à croire que c'est mieux quand tu es là.
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Les Amis Proscrits
FanfictionRetrouvons Sherlock, Mycroft, John... mais aussi Hakan, Leif et tous les autres personnages fétiches d'« Une colocataire irascible » à l'âge de vingt ans. Dans cet univers particulier, le père d'Hakan est là pour former et diriger au mieux sa progé...