3. Hak-oster

183 25 8
                                    

Hakan

Je suis très juste au niveau du timing, mais malheureusement, je ne suis pas encore trop en retard. Ce cours obligatoire de première me hérisse le poil au point de vouloir en rater la moindre minute. De plus, Mrs. Hooper (nda : il fallait bien que j'utilise un nom, alors pourquoi pas faire du recyclage de personnage) n'est pas des plus faciles à amadouer. À défaut de l'avoir dans mon camp, je lui ai collé l'étiquette de parfaite imbécile sur le front et la tourne en ridicule quand j'en ai l'occasion.

Cherchez pas, je comprends pourquoi j'ai pas réussi son cours l'an passé. Elle veut sa vengeance. Elle va essuyer un échec aussi gros qu'innommable.

– Tiens, me lance-t-elle, mademoiselle Selens nous fait l'honneur de sa présence ce matin.

– Que voulez-vous ? je rétorque, Il faut bien se montrer magnanime de temps à autre.

L'auditoire entier se met à rire, notre professeur se vexe : j'ai gagné cette manche. De loin, je repère facilement le frère de Mycroft. En fait, je n'ai pas vraiment tous les noms à mettre sur tous les visages, mais j'avais déjà vite retenu le sien. Les deux Holmes ne se ressemblent pas, d'ailleurs, même en ayant le même nom, jamais je n'aurai pensé que l'un soit le frère de l'autre. Bon d'accord, le fait qu'il s'isole en permanence pouvait me mettre sur la piste ! Je le rejoins, prend place à côté de lui et pendant qu'il me dévisage, je demande de but en blanc :

– C'est toi Sherlock, je me trompe pas ?

– Si tu venais plus souvent, répond-t-il, tu en serais sûre.

Génial, le cadet est aussi cinglant que l'aîné. Ça va être sympa, cette année scolaire, dis donc.

– Pour un garçon qui a autant d'assiduité que moi en terme de fréquentation des cours, tu es mal placé pour en parler. Écoute, je n'avais pas envie de t'adresser la parole, mais on m'a dit que c'était dans mon intérêt de le faire alors je tente le coup. Si tu n'es pas intéressé par ma proposition, tu le dis, moi je retrouve ma place et jamais plus on ne se reparlera, t'es d'accord ?

J'ai déblatéré tout mon discours d'une seule traite. Il m'a écoutée, ça j'en suis convaincue.

– Le travail de recherche à effectuer pour Mrs Hooper, c'est ça ? m'interroge-t-il. Je ne l'ai pas encore commencé.

– Tu sembles omettre un détail important de ce travail, je souligne. Il doit être effectué en binôme. Je sais que tu n'en as pas, faisons équipe.

– Pourquoi avec toi ?

– Parce que Hooper me déteste, mais que sans raison particulière, elle t'adore. Ça équilibre les forces, non ?

– Tu mens, affirme-t-il. Il y a autre chose.

Là, il me laisse sans voix. Je mens bien, en toute modestie. En plus il me parle comme ça avec une telle aisance ! La collaboration attendue va être compliquée, s'il me tient tête en permanence.

– Bon d'accord, je lui concède. J'ai plusieurs raisons de te proposer qu'on travaille ensemble. Premièrement, car c'est ton frère qui me l'a demandé. Je ne le porte pas dans mon cœur, mais ses arguments sont convaincants.

– Quels arguments ?

– Personne ne veut travailler avec moi de son plein gré, j'admets. Non seulement je suis une plaie pour la plupart des étudiants qui me connaissent, mais ceux qui ne me connaissent pas me dévisagent avec le regard empli de pitié ce qui a le don de m'énerver encore plus.

– Tu te détournes encore du véritable sujet, dit-il imperturbable. Quels arguments ?

– Il semblerait que le travail d'équipe ne soit pas ton fort non plus. Alors autant prendre sur nous et réussir ce cours idiot pour qu'on en soit débarrassé.

– C'est un meilleur argument, ça.

– Ça veut dire que tu acceptes ?

– Ai-je le choix ? soupire-t-il.

J'allais lui répondre quand Mrs. Hooper m'en empêche en nous rappelant à l'ordre.

– Ça suffit, vous deux au fond ? nous sermonne-t-elle. Vous dérangez ceux qui veulent suivre !

Tant pis, je vais sans doute dépasser les bornes, mais je ne peux pas m'empêcher de l'ouvrir. Maudit soit mon franc parlé.

– Ça dépend, je lance. Vous êtes la seule à être dérangée apparemment. Vous en déduisez quoi ?

Là, l'auditoire n'a pas ricané : je suis allée trop loin. J'en suis consciente, mais c'est trop tard.

– Mademoiselle Selens est pleine d'esprit à ce que je vois, poursuit-elle. Dans ce cas, peut-elle exprimer une réflexion constructive sur le cours d'aujourd'hui ?

– Je...

Merde, je ne trouve rien pour la contrer. D'habitude je suis sans limite quand il s'agit de lancer des vacheries ! J'ai l'habitude de rebondir alors qu'est-ce qui cloche ?

– Voulez-vous dire par là, commence le jeune Holmes, que mademoiselle Selens est mieux placée que quiconque ici pour évoquer un sujet lié d'aussi près à de telles infirmités ?

Tout le monde dévisage le jeune homme avec une mine déconfite. Nous parlions justement des douleurs fantômes et autres troubles psychologiques liés à l'amputation. Personne ne sait ce que j'ai à la jambe ici, mais chacun y va de sa petite hypothèse, je le sais. Le lien un peu houleux que vient de soulever mon camarade, beaucoup y ont sans doute pensé. Hooper se met subitement à rougir, manifestement gênée qu'on ait soulevé sa remarque. Pourtant, j'aurais juré qu'elle l'avait fait exprès.

– Je ne voulais nullement... commence-t-elle.

Si, elle le voulait.

– Le mal est fait, je rétorque faussement offusquée. Si on poursuivait ? Plutôt que d'évoquer d'autres blessures de ma pauvre existence.

Finalement, sans en ajouter plus, notre professeure reprend où elle s'était arrêtée. Pour ma part, je me réinstalle confortablement sur mon siège.

– Bien joué, j'adresse à Sherlock qui se pavane, j'aurai dû y penser à celle-là.

– Ton faux air meurtri n'était pas mal non plus, me dit-il.

– Alors, partenaire, je lance, tu vas choisir un sujet de la liste imposée à la fin du cours ?

– Pourquoi moi ? demande le garçon.

– Parce que cette prof me hait. Si c'est moi qui y vais, ça va encore tourner au vinaigre. En plus, toi, elle ne t'embête jamais.

– Je sais, répond-t-il. Tu crois que je lui plais ?

Je ne cache pas une vilaine grimace de dégoût à l'écoute de sa remarque. On se sourit pour ne pas rire. Bon, Mycroft n'avait pas tout à fait tort, chacun pourrait y trouver son compte à travailler ensemble en fait.

Les Amis ProscritsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant