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- Éléana tu me ramènes chez moi. Je ne passes pas une semaine sous le même toit que cette...

- Calmes toi Claudia, je la coupe avant qu'elle ne fasse une bêtise. Vous êtes mes deux meilleures amies. Si tu me prends, tu l'as prends dans le même lot. Maintenant je ne t'oblige pas à lui parler.

Voila dix minutes que nous roulons vers Nice. Deux jours de trajet. On roule jusqu'à Dijon aujourd'hui et demain nous passerons six heures dans la voiture jusqu'à Nice.

- Tu peux mettre la radio, demande doucement Kenza à l'arrière.

- Je vais mettre le Bluetooth, la coupe Claudia.

- Mets le mien, je lui dis en lui tendant mon téléphone.

Elle attrape le combiné et lance la Playlist voiture. Un assemblage de musiques qui bougent fait par Raphaël en Espagne. Raphaël. Je sais que je fais une bêtise mais je n'ai toujours pas digéré le coup du tranfert. Sin pijama radoucit la tension dans la voiture. Je connais cette musique presque par cœur. En début d'année, bien avant que nous soyons tous noyés par nos histoires personnelles, nous allions en boîte en hurlant les paroles de cette chanson. Mais aujourd'hui elle n'évoque rien de plus que du regret pour une amitié perdue, et moi, et bien de la nostalgie. J'aimerai tellement vivre une journée simple, sans problème.

- Les filles, il faut qu'on s'arrête, lâche soudainement Claudia.

- Parce qu'on est plusieurs maintenant, réponds Kenza en chuchotant.

Claudia ne relève pas la réponse et continue son discours.

- Code Rouge.

Nous savons toutes ce que ça veut dire.

- Tu n'aurais pas pu prévoir ça avant, dis Kenza à haute voix cette fois ci.

- Tout ne peut être prévu, tu es bien placé pour le savoir.

Kenza fixe soudainement la route, elle sort son téléphone et ses écouteurs et nous ignore.

- Je vais m'arrêter dès que je peux.

Je tourne à la première aire de route et j'accompagne mon amie aux toilettes. Ce n'est pas le grand luxe. Le papier humide se déchire comme un rien, les murs sont tachés de jaune et l'odeur des toilettes se rapproche à la friture plutôt qu'au Febreze. Claudia ressort cinq minutes après et elle se lave les mains soulagée.

- Tu sais c'est pas facile pour elle non plus, j'essaie de lui faire comprendre alors qu'elle dépose une noix de désinfectant sur ses mains.

Elle me regarde dans le miroir usagé comme si j'avais fait un crime.

- Elle m'a pris celui que j'aimais.

- Mais lui ne s'est pas dérangé de lui sauter dessus dès que tu avais le dos tourné.

Je soupire. J'ai l'impression que cette situation l'a rend heureuse. Claudia à toujours aimé être au centre de l'attention. Il fallait toujours qu'elle fasse les meilleures soirées, qu'elle ait les meilleures notes - sur ce point elle ne m'a jamais dépassé - qu'elle ait les derniers vêtements à la mode... Cette situation l'a met au centre de l'attention de tous et sans s'en rendre compte elle détruit sa meilleure amie.

- Vous avez toutes les deux vos tors. Mais dis toi que parfois, même quand les choses se passent extrêmement bien, la vie nous poussent à agir autrement que dans le bon sens. Je parle en connaissance de cause.

Cette fois-ci, elle semble plus apte à écouter mes conseils. Je sais bien que je n'ai pas gagné la guerre, mais au moins cette bataille.

- Allez, on reprends la route.

Elle me suit en trotinnant. Avant de reprendre le volant, je jette un rapide coup d'œil sur mon téléphone. Dix nouveaux messages de Raphaël. Un mélange de Ça va et de Pourquoi tu ne réponds pas. Ce jeu entre nous m'agace. Qui blessera le plus l'autre. Pourtant, je fais comme lui. Je décide tout de même de lui répondre.

Pas le temps, bisous.

Au final, je ne sais même pas quel plan suivre. L'ignorer, lui dire que je pars, revenir sur mes pas. Mais trop tard, la machine est lancée et je ne peux faire demi-tour. Je crois bien que pour le moment, je vais vivre au jour le jour, voir ce que la vie m'apporte.

- Eh oh, Élé ? me dit Kenza en me secouant le bras.

- Oui, je réponds, excuse moi j'étais dans mes pensées.

- Claudia proposait de faire la route d'une traite pour être débarrassé.

J'écarquille les yeux.

- Ça fait plus de dix heures de routes, je ne vais jamais tenir.

- Justement on fait un roulement on change toutes les deux heures. Ça fait à peu près trois tours chacune.

Je repense à son idée. À vrai dire, plus vite je serai à Nice mieux ça sera. Mais l'idée de faire dix heure de route en ayant comme pause les aires d'autoroutes m'effraie.

- Très bien, on l'a fait d'une traite.

***

Claudia prend le volant pour la seconde fois. Elle baille. Je lui ai proposé de passer son tour mais elle refuse. Plus têtue tu meurs. Elle s'engage sur la route alors que je ferme les yeux avec mes écouteurs dans les oreilles.

Je repense aux années lycée. Maintenant je vais vivre autonome, seule, sans la responsabilité de mes parents à chaque fait et geste. C'est une soudaine liberté qui m'est offerte. J'aime l'idée de changer de vie du tout au tout.

Je m'endors paisiblement, laissant mon entière confiance entre les mains de Claudia. Au final, peut être qu'elle avait raison en voulant faire la route en un trajet. Cette nuit je pourrais enfin entre dans mon appartement Niçois.

Mais alors que je rêvasse, un douleur fulgurante me prends dans le torax, puis dans tout le corps. Tout tourne autour de moi. La ceinture de sécurité me bloque la respiration alors que mes jambes sont coincées. La voiture est sur le bas côté, à l'envers. Mes écouteurs pendent lamentablement dans le vide.

- Non, crit Kenza, Claudia réveilles toi.

Un peu de sand coule le long de son arcade sourcilière et de sa bouche. Ma tête me fait horriblement mal. J'ai l'impression d'être compressée. Puis, des décharges partent de mes jambes pour remonter dans tout mon corps, comme si on me cisallait chaque partie de moi même. Je me raccroche à un visage. Mais même en me raccrochant à ça, je ferme les yeux et je me laisse allé dans la douleur. Je sors un dernier petit cri étouffé.

- Raphaël.

𝒲𝒽ℯ𝓃 ℐ𝒲𝒶𝓈 ℋℯ𝒾ℊ𝒽𝓉ℯℯ𝓃Où les histoires vivent. Découvrez maintenant