Chapitre 2

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Je crois bien que lui tendre la main ainsi fut la pire idée de mon existence.
Il passa l'après-midi entier avec moi, me racontant sa vie.

Ainsi, j'appris qu'il était né et avait grandi dans les Pyrénées, où son père était pisteur en saison et guide de haute montagne le reste de l'année. Ce qui explique probablement le bon niveau de ski du jeune homme: en effet, il a obtenu ses chamois et flèche vermeil, qui se situent juste en dessous de l'or, a onze ans mais n'a pas refait de slalom depuis. Il a à présent dix-sept ans et vient vivre dans la petite ville de Bourg-saint-Maurice, où j'habite également. Son père a été engagé chez les pisteurs des Arcs, la station où nous nous trouvons. Il m'a appris qu'il était arrivé ici il y a une semaine, au début des vacances de Noël et qu'il étudierait à la cité scolaire Saint-Exupéry de Bourg-saint-Maurice à partir de la rentrée, en terminale ES tout comme moi, ce qui m'a valu je l'avoue, un instant de découragement. Ce mec allait-il donc me coller toute ma vie?

Nous sommes à présent assis sur un télésiège et il me parle toujours, mais je ne l'écoute plus vraiment. Soudain je me rends compte qu'il m'observe avec insistance. Mince, il doit m'avoir posé une question. Il est temps de mettre à l'épreuve tes talents d'improvisation, Alice!

«Heu, ouais ouais... je réponds, hésitante.

-Quoi? C'est-à-dire?

-Ben....

-Tu ne m'écoutais pas, c'est ça? il fait, vexé.

-Si, si...

-Sérieusement? je ne le vois pas à cause de son masque, mais je suis certaine qu'il lève les yeux au ciel. Je te demande ce que font tes parents dans la vie, et toi tu me réponds «ouais ouais»?»

Je me mords la lèvre pour ne pas rire. Oups, la boulette... Il va vraiment falloir que j'améliore mon improvisation...

«Désolée... Mon père et ma mère sont professeur de ski de l'esf. Ils donnent des cours tous les matins en saisons, mon père est ingénieur agronome et ma mère tient une boutique de vêtements toute l'année dans bourg-saint-Maurice: elle dessine ses propres vêtements et a quelques salariés, ça marche plutôt bien...

-C'est cool!

-Ouais...je marque une longue pause avant de poser la question qui me taraude l'esprit depuis un moment déjà: Et...tu ne vis pas avec ta mère?»

Il se tait un long moment, regardant droit devant lui. Il semble perdu dans ses pensées et j'hésite à reposer ma question lorqu'il me répond sans même se tourner vers moi:

«Elle est morte d'une leucémie lorsque j'avais huit ans.»

Un frisson glacé me parcourt le dos, et je suis soudainement submergée de peine et de compassion pour ce garçon drôle et plein de joie de vivre que je connais à peine. Timidement, je tends la main vers lui et la pose sur son avant-bras, ce qui me fait vraiment bizarre, puisque nous ne nous connaissons pas, avant de commencer d'une petite voix:

«Tristan...Je suis vraiment désolée, je suis bête, je n'aurais pas dû te poser la question...

-Ce n'est pas grave... il a la voix morose et éteinte. Tu ne pouvais pas deviner.»

Le cœur serré par la culpabilité, je l'observe du coin de l'œil. Je ne suis pas du genre à parler facilement aux inconnus, mais avec lui, pour une raison qui m'échappe, le courant passe bien. Lorsque nous arrivons en haut de la remontée mécanique, il doit être seize heures environ, il me reste donc une heure de ski avant de commencer à rentrer.

«Ça te dirait une pause chocolat chaud? Je t'invite! propose-t-il gentiment

-Ça marche!» souris-je.

SnowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant