Chapitre 21

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Après avoir déposé Marine à la gare de bonne heure, nous quittons Bourg-Saint-Maurice en voiture. Nous avons sept places mais ne sommes que six, et je réussis à obtenir les deux places du fond pour moi toute seule. J'ai donc la place d'étendre mes jambes. Des écouteurs enfoncés dans mes oreilles diffusant une playlist datant de quelques années déjà, je cale ma tête contre la vitre et observe le paysage défiler.

Je suis plus qu'heureuse de partir pour Paris avec ma famille, mais j'ai toujours le même pincement au cœur lorsque je quitte ces montagnes, mes montagnes. Ce paysage qui m'a bercé depuis la plus tendre enfance me manque lorsque je ne l'ai pas sous les yeux, et je cherche toujours ces hauteurs enneigées partout où je vais, mon cœur serré et angoissé à la vue des grandes étendues plates de la campagne.

Mes pensées dérivent, comme souvent ces derniers temps, vers Tristan. Ouvrant un réseau social sur mon téléphone, je vois apparaître dans mon fil d'actualité une vidéo éphémère sur son profil. Elle date d'il y a quelques minutes à peine, et Michael et Catherine sont identifiés. Celle-ci est sur le dos de Tristan. Et les deux sont en plein fou-rire. Même si je voue une confiance sans faille à Cath', un pincement de jalousie tiraille mon cœur à cette vue. C'est plus fort que moi et pas du tout rationnel, mais je suis possessive avec lui, bien que nous nous soyons éloignés ces derniers jours et qu'il s'agisse de ma meilleure amie. Je ne peux m'empêcher de vouloir être la seule fille ayant le privilège de le connaître, d'être proche de lui. Mes yeux commencent à se fermer malgré moi, mes pensées s'entremêlent et dérivent trop loin pour me laisser les attraper. Mon imagination forge d'elle-même une odeur citronnée s'enveloppant chaudement autour de moi pour me bercer, comme les bras de son propriétaire.

La voiture cahote en roulant sur un nid de poule, et cette chaleur nouvellement trouvée m'échappe, file entre mes doigts en même temps que l'odeur si familière s'évapore, s'envole loin, trop loin.
Mes yeux s'ouvrent et je me retrouve frissonnante de froid, la joue collée contre la vitre glacée.

*

J'ai dû m'endormir tout de même, puisque la voiture est arrêtée dans une station service lorsque mes paupières lourdes se soulèvent, me dévoilant le visage de Camille qui me secoue doucement l'épaule pour me réveiller.

« Sors de là, on va s'acheter à manger! »

L'esprit embrumé, je jette un œil à l'écran de mon portable. J'ai dormi deux heures, je crois. Je suis mes frères et sœur et ma mère sur le parking tandis que mon père remplit le réservoir d'essence. Aussitôt à l'intérieur de la station, je vais chercher un paquet de mes chips préférées, auxquelles je n'ai droit que lors des trajets en voiture.

Pour la deuxième partie du voyage, je cède la banquette du fond à Théophile qui souhaite faire un somme et m'installe entre Louis et Camille, l'ordinateur de mon grand-frère sur les genoux.

Nous fouillons longuement dans les films téléchargés par Louis, avant de porter notre choix sur une science-fiction.
Malgré l'intérêt qu'elle porte au film, Camille finit bientôt par s'endormir, et se roule en boule pour poser sa tête sur mes cuisses. Louis et moi décidons d'arrêter le film afin de discuter à voix basse. Mon père s'est également endormi, ma mère est concentrée sur la route, donc nous sommes relativement tranquilles.

« Je ne t'ai pas dit! chuchote-t-il joyeusement. Je vais adopter un chiot! »

Mes yeux s'écarquillent et un grand sourire étire mes lèvres.

« Quoi! Quand ça? »

Il pose un doigt sur ses lèvres avec un clin d'œil, me faisant signe de baisser d'un ton. Personne n'est donc au courant. Enfin, sauf moi maintenant. Mon frère a toujours été un grand amateur de surprise, et on peut vraiment s'attendre à tout avec lui. Il sort son téléphone de sa poche et se rapproche de moi pour que je puisse voir.

SnowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant