Chapitre 9

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Je ramène une mèche de cheveux derrière mon oreille me laisse redescendre doucement la rampe sur mon skate. Debout sur ma planche, je roule lentement vers mes amis. Michaël me croise en s'engageant vers la rampe sur son VTT alors que je m'approche des autres. Catherine est allongée sur le dos, les jambes pliées et joue distraitement avec la main de Benoît, sur les cuisses duquel elle a posé la tête, tout en discutant avec lui.
Tristan, quant à lui, est assis sur le dossier du banc, et me suit des yeux avec un léger sourire en coin.

Intriguée, je sens ma bouche s'étirer à son tour. Je réduis à néant la distance qui me sépare d'eux et descend de ma planche avant de l'attraper et de la caler contre le banc. Ensuite, je me hisse aux côtés du châtain qui me détaille toujours.

«Quoi? souris-je.

-Rien, rien.»

Je rigole légèrement et mon regard se pose sur Ben, que je surprends à nous observer. Ses joues rosissent et il détourne aussitôt les yeux. Notre échange a duré moins d'une seconde mais j'ai tout de même eu le temps de lire dans ses yeux gris une peine profonde. Je cligne plusieurs fois des yeux, désorientée, avant de fixer mon regard sur le dos de Michaël en train d'effectuer une figure avec son vélo. Je ne sais pas ce qu'a Ben en ce moment, mais il a l'air mal. Et cela me rend malade parce qu'il est mon ami, et je déteste le voir malheureux. Pourtant, je le connais, et je sais que lorsqu'il est comme ça, la communication est impossible. Il n'est pas du genre à se confier sur son mal-être et il faut simplement attendre qu'il soit prêt à en parler et qu'il vienne de lui-même plutôt que lui rentrer dedans. Il avait aussi traversé une mauvaise passe lorsque nous avions treize ans, lors du divorce de ses parents. Il était constamment morose, ne parlait presque plus contrairement à d'habitude où il est un véritable moulin à paroles, et était devenu très susceptible. Nous ne savions pas ce qu'il se passait au sein de sa famille et avions fini par aller lui parler pour nous faire jeter brutalement. Il nous avait ignorés pendant plusieurs semaines avant de finalement venir s'excuser et tout nous raconter.

Michaël appelle alors Cat' qui se redresse en grommelant et le rejoint avec son vélo. J'en profite alors pour me glisser sur le banc et m'approche de Ben. J'attrape sa tête et lui colle un bisous baveux sur la joue. Il sursaute mais ne me repousse pas et ricane. Mon ami m'attrape par les épaules et me frotte vigoureusement les cheveux pour me décoiffer. Nous rions tous les deux puis je m'éloigne légèrement et souris. Tristan nous observe, perdu en fronçant un sourcil, ce qui me fait rire à nouveau.

Ce que cela fait du bien, de passer du temps avec ses amis! Maintenant que Tristan s'est bien intégré dans la bande, je peux passer du temps avec eux tous en même temps, et c'est vraiment agréable! Cependant, une sombre pensée vient troubler ce précieux moment. Mes yeux se posent successivement sur Michaël et Catherine qui rient sur la rampe en enchaînant les descentes, puis sur Benoît près et de moi, et enfin Tristan. Les trois premiers ont toujours fait partie intégrante de ma vie, depuis mes premiers pas, si bien que je n'imagine pas ma vie sans eux. C'est comme si vous essayiez d'imaginer votre vie sans, je ne sais pas, un de vos membre! Ça n'aurait aucun sens! Et pourtant. Cette année, nous achevons notre lycée, et qui sait si je les reverrai après? Je veux dire, si mon rêve se réalise, si je fais du ski mon métier, je ne les verrai plus. Eux poursuivront leurs études, peut-être seront-ils toujours tous ensemble, sans moi. Quel casse-tête! Le ski est ce que je désire depuis toujours, et pourtant je me rends maintenant compte concrètement que cela entraînera maints sacrifices.

Une boule s'installe dans mon estomac. Non, je ne veux pas terminer mon lycée! Alors, des pensées désespérées d'une adolescente sur le point d'être projetée dans la vie active, et absolument pas prête à l'être envahissent ma tête. Je ne veux pas être une adulte. Un désir de ne jamais grandir me submerge, désir que le temps s'arrête, à jamais. Après tout, c'est vrai, je ne pourrais rêver mieux que ma vie actuelle: je suis jeune, belle, forte, en pleine santé, j'ai tout mes amis à mes côtés, ma famille également, je suis libre mais j'ai toujours mes parents pour me conseiller et me rassurer lorsqu'il s'agit de prendre de vraies décisions. J'ai toujours mes frères et sœurs avec moi, chaque jour qui passe, et je ne veux pas que cela change! Je ne veux pas vivre loin d'eux! Je ne veux pas de responsabilités!

SnowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant