Chapitre 22

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Le lendemain de notre arrivée, Louis me prend à part dès le matin, alors que je sors de la chambre en baillant.

« Je vais aller chercher Roxy à la SPA, tu veux venir? »

Il a l'air tout excité à l'idée d'enfin avoir son chiot. Ses cheveux blonds sont ébouriffés et des mèches lui retombent sur le front: il n'a même pas pris le temps de se regarder dans le miroir, je crois. Je ris légèrement et acquiesce.

« Ok, alors prépare toi et on y va. »

Je retourne en vitesse dans la chambre de Sarah, et récupère des vêtements et une paire de baskets pour me préparer en vitesse, avant de le rejoindre dans l'entrée pour prendre mon manteau et mon écharpe.

Tout le monde est encore endormi, et nous sortons comme des voleurs, sans un bruit. J'avoue que c'est une sensation plutôt excitante, je nous imagine déjà débarquer dans l'appartement tout à l'heure, et arriver avec le chiot pendant que tout le monde prendra son petit déjeuner...

Nous marchons quelques minutes jusqu'à la station de métro la plus proche. Il fait frais, mais beaucoup moins que chez nous. Le vent parisien soulève mes cheveux, et je lève la tête vers le ciel teinté de rose au lever du soleil. D'ici, on a une vue imprenable sur la Tour Eiffel, dont la grandeur se détache sur les nuages orangés, c'est magnifique.

Arrivés dans la bouche de métro, nous achetons des tickets et descendons sur le quai. Louis est fébrile. Je le vois à sa façon de jeter un œil toutes les cinq secondes au tableau d'affichage, et de taper nerveusement du pied par terre. Il ouvre son sac pour la troisième fois, vérifiant qu'il a bien les papiers qu'il lui faut. Amusée, je pose une main sur l'avant-bras de mon grand frère.

« Détends-toi, Lou. »

Il tourne la tête vers moi et me sourit.

« J'ai trop hâte!

- Je vois ça, oui! »

Le métro entre en gare et nous y montons. Il n'y a personne en ce dimanche matin, aussi trouvons-nous des places assises.

Après environ une demi-heure, nous descendons et sortons enfin des souterrains. Nous marchons quelques minutes à nouveau, et voyons se dessiner au loin le bâtiment de la SPA. Louis trépigne d'impatience en allongeant le pas. Il me consulte du regard une seconde, et nous piquons un sprint ensemble jusqu'à l'immeuble, avant d'arriver à l'accueil, essoufflés et riant aux éclats.

Presque aussitôt, nous sommes pris en charge par une jeune femme, et je dois avouer que je suis aussi excitée que mon frère. Elle nous guide à travers plusieurs couloirs, et rapidement nous sommes entourés de cages et de chiens aboyant sur notre passage. À ma gauche, j'aperçois un vieux chien borgne qui lève sa tête en nous voyant, et mon cœur se serre. En quelques instants, nous nous retrouvons enfin là, devant la cage. Roxy est là, petite boule de poil, jouant avec un os en corde tressée. En nous voyant nous arrêter devant elle, la petite chienne lâche son jouet et lève ses yeux bleus vers nous, avant de s'approcher du grillage d'une démarche joviale en remuant la queue. Louis a des étoiles dans les yeux, et un immense sourire illumine son visage alors qu'il s'accroupit pour passer un doigt à travers la cage, que le chiot s'empresse de lécher d'un air appliqué.

L'employée de la SPA les laisse faire quelques secondes en souriant, avant d'ouvrir la cage et de prendre Roxy dans ses bras, pour la placer dans ceux de mon frère. Aussitôt, la chienne commence à essayer de lui grimper sur l'épaule, pour lui lécher l'oreille. Attendrie, je sors mon téléphone et les prends en photo, c'est vraiment trop mignon.

Après être restés une bonne demi-heure là à jouer avec le chiot, nous regagnons l'accueil, où un jeune homme nous fournit laisse, croquettes, et papiers à remplir. Il présente des papiers à Louis, que celui-ci remplit et signe avec application, pendant que je garde Roxy dans mes bras. Celle-ci entreprend d'escalader mon épaule et commence à me lécher le menton. Mon cœur se liquéfie sur place et je lui donne  mon index, qu'elle commence à mordiller. Je souris et commence à lui parler, totalement gaga. Au bout de quelques secondes, je relève la tête et vois mon frère m'observé d'un air amusé. Gênée, je ris légèrement et lui tends son chien, qu'il attache en laisse, et nous sommes partis. Malgré sa petite taille, le chiot semble déjà tirer sur la laisse en essayant de courir. Je m'amuse à la voir sautiller pour tenter d'aller plus vite, mais mon frère, en tant que maître responsable, commence déjà à raccourcir la longueur de la laisse en lui lançant des « au pied! » d'une voix ferme. C'est plutôt drôle de voir mon frère faire preuve d'autorité, on dirait presque un père rabrouant sa fille. J'ai hâte de voir comment il agira avec ses propres enfants dans quelques années. Malgré moi, cette pensée me déstabilise quelque peu. Mon frère a vingt-et-un an, bientôt vingt-deux, et il semble volontaire pour une relation sérieuse. Donc oui, dans quelques années, il serait tout à fait vraisemblable de l'imaginer marié, et avec des enfants. Cependant, cette prise de conscience me donne un petit coup au moral. Il est bel et bien un adulte, à présent, et avant même d'avoir le temps de m'en rendre compte, j'aurai moi aussi un pied dans la vie active. L'appréhension s'immisce peu à peu en moi, enroulant ses doigts froids autour de ma gorge. Je n'ai pas envie que tout change, d'avoir des responsabilités, d'être seule. Je n'ai pas envie que mon insouciance m'échappe, pour faire place aux dures réalités de la vie. Je n'ai pas envie de laisser partir tous ces dimanches matins passés avec mes frères et sœurs, tous ces vendredis soirs au skatepark avec mes amis. Une sensation d'insécurité me gagne, et j'allonge le pas pour rattraper Louis et Roxy, glissant ma petite main dans celle de mon grand-frère. Peu importe ce qu'il se passera dans les années à venir, je sais que je pourrai toujours compter sur lui, et sur tous mes proches.

SnowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant