16. « Que la force soit avec toi. »

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Samedi 18 octobre 2014

Cher Journal,

Les vacances de la Toussaint sont commencées depuis hier soir, dès la fin du dernier cours de la journée. Au revoir, les réveils à 6 heures, les bus à prendre à 6h45 pour se rendre à mon collège situé à Blois, et le retour à Cheverny à 17h30, et bonjour les grasses matinées pendant deux semaines ! Évidemment ça voulait aussi dire que je devrais m'occuper de mon petit frère pendant les vacances, mais ça ne me dérangeait pas plus que ça. Je suis, en fait, plutôt contente d'avoir Actarus ; je me sentirai moins seule.
Ce matin, je lui ai raconté le dérouler de ma journée tout en lui donnant le bib'. Il était intéressé par ce qu'il buvait, puis par moi, et me sourit quand ses yeux croisaient les miens. Comme s'il comprenait un seul mot de ce que je lui parlais.
Trop mignon !
- Tu vois un peu le truc, Actarus, toute la classe rêve de se débarrasser de cette peste d'Océane, dis-je en lui essuyant la bouche. Surtout après ce qu'elle avait fait à Clémence, cet été ! Et ce n'est non plus l'envie qui manque de faire partir Molly et Céline. Mais on ne peut pas. On n'a pas tout ce qu'on veut, dans la vie !
Le biberon terminé, je redressai mon frère et le déposai sur mon épaule, avant de lui tapoter légèrement le dos. Le rot ne tarda pas à venir. Ça lui a fait beaucoup de bien.
Marion, Hoshi et Sally-Anne arrivèrent à la maison en fin de matinée. Stacy et maman étaient parties rendre visite au fils de Stacy, qui habite à Blois. J'avais donc la maison pour moi toute seule et je gardais Actarus. Elles m'ont dit de me préparer ce que je voulais pour ce midi. « Fais quand même attention à ne pas faire brûler la maison ! » a blagué ma mère avant de fermer la porte derrière elle. Elle en a de bonnes ! Ce n'est pas moi qui laisse les côtes de bœuf brûler dans le four jusqu'à ce qu'elles soient noircies, ou qui laisse déborder la casserole remplie de spaghettis parce que c'était trop fort, ou même qui rate complètement la sauce à la carbonara pour les spaghettis. Il y a une fois où maman avait failli nous intoxiquer - dans le bon sens du terme ! - avec du filet d'agneau et des épinards, moi et Stacy. Elle avait laissé la nourriture sans surveillance pendant trop longtemps, et l'alarme incendie s'était brusquement mise en marche ; de la fumée recouvrait presque toute la pièce de vie. Nous avions dû sortir de toute urgence de la maison, les pompiers arrivant peu de temps après. On leur a expliqué qu'aucun incendie ne s'est déclaré dans la maison. Maman avait reconnu qu'elle ne s'était pas très bien débrouillée avec le filet d'agneau, que le thermostat du four avait été mis trop fort, et c'est ça qui avait brûlé et causé l'alarme incendie...
Plus de peur que de mal, ce jour-là, mais nous nous étions demandé ce qu'il se passait. J'avais 8 ans et demi.
Mais tout ça pour dire qu'il vaut mieux éviter que maman soit derrière les fourneaux, ou elle brûle la nourriture ! La seule chose qu'elle savait faire cuire, c'étaient les poissons panés, les frites et les saucisses. Pas très bon pour le régime, mais ça, étrangement, ma mère arrive à les cuisiner sans qu'ils finissent flamber. Bizarre...
Au menu de ce midi, épinards au lardon et œuf à la coque. J'ai préparé un pain à faire cuire au four. Les filles étaient venues manger à la maison pour plusieurs raisons : les parents de Hoshi avaient pris leurs vacances pour partir à la Réunion pendant les deux semaines de la Toussaint, le père de Sally-Anne avait invité son patron, quelques collègues et leurs épouses chez eux, et la mère de Marion était allée voir son grand-père à l'hôpital (il vient de se faire opérer de la prostate) et avait emmené ses enfants, excepté l'intéressée. Cela expliquait leur venue.
La conversation allait bon train, les rires fusaient. La bonne humeur, quoi ! Et tout d'un coup, Hoshi devint aussi sérieuse que si elle s'apprêtait à réviser un contrôle important. C'était inquiétant.
- Vous êtes au courant, les filles ? Une rumeur circule au collège ces derniers jours. Cela concerne Océane. Je pensais qu'elle se tenait tranquille depuis cet été, quand elle avait apporté de fausses accusations contre Clémence pour qu'elle soit obligée de changer de collège... Apparemment elle avait été surprise par deux élèves de 6ème et trois de 5ème, cette semaine : elle cachait des cigarettes au fond de son casier. Je pense qu'elle ne voulait pas que ses parents découvrent que son témoignage visant son ex-meilleure amie était en réalité fausse sur toute la ligne. Le principal l'a convoqué dans son bureau et sermonnée par rapport au non-respect du règlement intérieur.
- Non ?! Tu déconnes ! s'écria Marion, choquée. Océane n'a pas fait ça ?
- Si, elle l'a fait. Ça ne lui a pas suffi, son coup tordu de cet été qui consistait à faire porter le chapeau à Clémence.
- Eh bien... Je ne sais pas où cette peste va, mais elle y va, et franco ! soupira Sally-Anne. Elle n'a pas peur de se faire choper, quitte à prendre des risques considérables. Je me demande si elle a seulement conscience des conséquences de ses actes...
- Je ne crois pas, murmurai-je. Océane n'en a sans doute rien à faire de ça. Tant pis si ça ruine sa réputation de fille sage ! Mais ce qui l'attendra malheureusement au fond du tunnel, c'est l'exclusion définitive du collège.
- L'autorité ne lui fait pas peur, ajouta Hoshi. Des fois, je ne la comprends plus. Où se trouve la véritable Océane, celle que je trouvais gentille à l'école primaire ?
Depuis notre entrée au collège, Océane est devenue excentrique, sûre d'elle et de très mauvaise foi quand elle se trouvait dans le déni. Elle répondait aussi aux professeurs et n'hésitait pas, avec sa langue de vipère à dénigrer tout le monde dans leur dos de n'importe qui, ce qui lui a plus d'une fois valu des conseils de disciplines et des colles le mercredi après-midi. C'est étonnant qu'elle soit encore acceptée au collège après tout ce qu'elle a fait et ce que notaient ses profs dans son dossier... Moi, je ne crois pas à la chance ! Elle doit se débrouiller pour faire la gentille avec son masque qui adoucit tout le monde, et ainsi passer à la classe supérieure sans aucun problème. C'est pathétique, tous ces coups bas !
Je réfléchissais, le regard vague, les sourcils froncés. Je me posais aussi des questions sur le changement de comportement d'Océane, et pourtant elle était très loin d'être mon amie.

𝐿𝑒 𝑗𝑜𝑢𝑟𝑛𝑎𝑙 𝑖𝑛𝑡𝑖𝑚𝑒 𝑑'𝑢𝑛𝑒 𝑓𝑢𝑡𝑢𝑟𝑒 𝑒́𝑐𝑟𝑖𝑣𝑎𝑖𝑛𝑒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant