19. Choc matinal du dimanche

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*Dimanche 30 novembre 2014*

Cher Journal,

Quand j'avais fait la connaissance d'Alexeï, le demi-frère aîné de Xavi, je ne pensais pas le revoir aussi rapidement après ce qui s'était passé la veille, en fin de matinée. J'aurais dû prendre plus en considération les dires de Xavi, qui m'avait prévenue que son frère avait le hic de faire la connaissance des familles de ses amis pour avoir une opinion de ces derniers.
Oui, je crois que j'aurais dû l'écouter, parce que ça aurait évité la syncope dès le réveil.
Je dormais tranquillement dans mon lit, quand Stacy déboula sans prévenir dans ma chambre et me secoua doucement à une épaule. Cela eut pour conséquence de me réveiller en sursaut.
- Félicia. Félicia, réveille-toi ! Nous avons de la visite.
- Quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes ? Et qui sont ces abrutis qui débarquent chez les gens sans y avoir été invités ?
- Apparemment, il s'agirait d'un de tes amis de collège accompagné de son frère, ils disent t'avoir vue au lieu de travail de ta mère. L'aîné a émis le souhait de venir ici pour justement lui parler.
Alexeï Candice.
Le demi-frère de Xavi.
Xavi m'avait prévenue que son frère était capable de se rendre chez les nouvelles fréquentions de mon ami, pour se faire une opinion sur les amis de Xavi et leurs familles. Il flippe parce qu'il sait pertinemment qu'Alexeï obtiendrait les infos — avec ou sans son aide — sur tout ce qui concerne ses amis. Un vrai flic ! Xavi se sent honteux qu'Alexeï se comporte ainsi, bien que celui-ci prétend que c'est pour s'assurer que son jeune frère ne tombe pas sur des gens qui « abuser de sa confiance », et il a à chaque fois envie de s'enterrer six pieds sous terre. Je sais bien que mon ami n'y est pour rien, et je ne le lui reproche pas. Si ma mère devait surveiller en permanence mes propres relations à chaque fois que je traîne avec elles, je ne me ferais pas beaucoup de nouveaux amis. Et je me sentirais également fliquer !
Alexeï réagit peut-être de cette manière parce qu'il s'inquiète pour Xavi ? Va savoir. Je ne suis pas devin, donc j'ignore ce qui se trame dans sa tête. En tout cas, je n'aimerais pas être à la place de Xavi ; il doit être mort de honte. Je compatis pour lui.
Stacy sort finalement de ma chambre. Elle me demande de m'habiller avant de les rejoindre en bas. Ma tête retombe sur mon oreiller tandis que je grogne de mécontentement, les yeux lourds de fatigue, et n'ayant pas envie de me lever. Fantastique. Moi qui voulais tant faire la grasse matinée, c'est réussi ! Se lever aux aurores n'est pas mon truc — j'ai horreur, même ! Pourquoi faut-il donc qu'il y ait toujours des jours où nous sommes brusquement réveillés par je ne sais quel délire ?
Car, tu vois, il m'arrive d'avoir la tête dans le cirage, le matin. Maman sait qu'il faut absolument ne pas me parler dans cet état, pendant que je prenais le petit-déjeuner ; je risquerais de ne pas répondre (ou de lancer un regard noir). Encore une caractéristique héritée de ma mère ! Enfin, je ne vais pas m'en plaindre, mais quand même... Mais cela explique pas mal de choses, comme pourquoi je déteste être réveillée tôt le matin.
Bien que je sois la tête dans le cirage, me faisant plus ressembler à un zombie qu'autre chose, je n'eus pas d'autres choix que de me lever. C'est en traînant des pieds que je choisis mes vêtements — une jupe à carreaux rouge et noir, un T-shirt gris à manches longues, et des collants blancs — dans mon placard, avant de me diriger vers la salle de bain. Pour te dire que j'étais vachement motivée !
Après une douche bien chaude qui réussit à me tirer de ma torpeur, m'être séchée, habillée, et avoir arrangé mes cheveux encore légèrement humides, j'étais fin prête. L'angoisse me tiraille. Tout un tas de questions se bousculaient dans mon esprit. Qu'est-ce qui allait se dire en bas ? Qu'est-ce qui se racontait actuellement, entre Stacy, ma mère et le frère de Xavi ? Je ne le saurai jamais si je n'y vais pas, alors calmons-nous, respire un bon coup, et je fonce la tête haute. Tout allait très bien se passer.
Tout allait bien se passer...
Je suis mal placée pour faire la morale, mais ce n'est pas en paniquant et en se faisant des films que ça nous aidera à quelque chose. (Voilà que je me mets à parler toute seule, maintenant !)
En descendant, des bribes de conversation me parvinrent, sans que j'arrive à mettre un nom sur qui tenait les propos ou pas. Le truc pas évident du tout. Remarque, comment peux-tu le savoir quand tu ne vois pas par toi-même les visages des gens se tapant la discute ? On ne va pas jouer aux devins seulement parce qu'on ne voit pas le visage !
C'est ce que je me disais jusqu'à ce que j'arrive dans la grande pièce de vie, côté salle à manger. Stacy, Actarus qui était sur ses genoux, et maman sont assises sur le canapé, face à Alexeï, le frère de Xavi, qui avait pris place dans le fauteuil placé à gauche du canapé. Mon ami se tient à l'écart, mal à l'aise de se retrouver là. (Je peux comprendre son ressenti d'avoir été entraîné là sans qu'il soit d'accord.) Des tasses de café fumantes sont posées sur la table basse. Je fixe tout ce petit monde avec un air aussi choqué que détaché. Je n'arrivais tout simplement pas à croire ce qui se passait sous mes yeux. J'aurais pu croire que je rêvais !
Stacy s'aperçut de ma présence.
- Ah, Félicia ! Viens, nous t'attendions.
Voilà — comment ne pas passer inaperçue. Si je voulais m'approcher discrètement, c'était rapé. Merci Stacy, je te maudis intérieurement.
Mais pas le temps de me reposer sur mes lauriers. Je m'approche de tout ce petit monde, dont les yeux se sont levés dans ma direction. Fantastique. Être le centre de l'attention, j'ai horreur de ça, comme tu t'en souviens. J'avais toujours cette sensation étrange d'être considérée comme la risée de tous. Et imagine quand la situation te fait mourir de honte ! C'est plus ou moins exactement ce qui se passe - je me sentais liquéfier sur place en disant timidement « Bonjour ». Ne pas saluer les invités serait mal poli, mais, là, je me sentais rougir de gêne. Avoir tous ces regards sur moi... c'est trop dur.
Surtout le frère de Xavi, qui me portait un certain intérêt à mon attention. (Je remarquais seulement maintenant qu'il était super bien sapé, Alexeï Candice. Vêtements classes, rasé de près, le chic total quoi. Il devait avoir un poste important pour se le permettre. En comparaison, ce n'est pas avec son salaire de vendeuse de jeux vidéo et ce qu'elle perçoit comme droits d'auteur, suite aux livres qu'elle écrit, que ma mère peut se payer un tel luxe ! Mais il faut reconnaître que maman restait simple et la tête sur les épaules, bien qu'elle gagne assez de la vente de ses livres.)
En tout cas, voici une photo du frère de Xavi, que j'ai réussi à prendre discrètement avec mon téléphone portable. Un air pas très commode, néanmoins.

𝐿𝑒 𝑗𝑜𝑢𝑟𝑛𝑎𝑙 𝑖𝑛𝑡𝑖𝑚𝑒 𝑑'𝑢𝑛𝑒 𝑓𝑢𝑡𝑢𝑟𝑒 𝑒́𝑐𝑟𝑖𝑣𝑎𝑖𝑛𝑒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant