𝐿𝑒 𝑗𝑜𝑢𝑟𝑛𝑎𝑙 𝑖𝑛𝑡𝑖𝑚𝑒 𝑑'𝑢𝑛𝑒 𝑓𝑢𝑡𝑢𝑟𝑒 𝑒́𝑐𝑟𝑖𝑣𝑎𝑖𝑛𝑒

15. Les soucis de l'automne

Mercredi 15 octobre 2014

Cher Journal,

Plus que deux jours avant le début des vacances de la Toussaint. Deux semaines de repos nous feront le plus grand bien, si on ne compte pas les devoirs que les profs nous donneront pour la reprise des cours. Fantastique ! Je m'en réjouis d'avance... 😔
L'automne est arrivé depuis un moment déjà. Les feuilles des arbres, devenues jaunes, puis orangées et enfin rouges, tombent en masse de leurs arbres depuis plusieurs jours. Marcher sur les feuilles mortes est cependant glissant si on rajoute la pluie.
On était tous passés pour l'exposé d'histoire. Heureusement Océane avait — pour une fois — mis de côté sa mauvaise foi, et elle et Hoshi avaient eu 15,5/20 au leur. Peut-être avait-elle compris le sens des regards noirs de l'autre fois ? J'en doutais. Et je ne sais pas si notre prof d'histoire a cerné la personnalité véritable de cette saleté d'Océane ; elle cache si bien son jeu qu'on ne s'en rend pas compte au départ... et quand on s'en aperçoit, il est trop tard. Une fois qu'Océane avait mis le grappin dessus, impossible d'en sortir indemne sans être la cible de ses horribles manigances. Quelle fourbe, cette fille !
En plus de Hoshi, le prof nous avait tous bien notés. Sally-Anne et Naomi avaient eu la note de 15,5 (comme le binôme Hoshi-Océane), Arthur et Marion 15, et moi et Xavi 16. Chaque binôme se trouve dans la moyenne. Bon, on ne va tout de même pas sauter au plafond pour si peu, mais ça prouve que les recherches ont bien été menées pour les exposés.
Xavi, pour une raison que j'ignore, s'est soudain mis à me parler de son frère — enfin, demi-frère — au début de la récréation de 10 heures. Ça m'a étonnée, parce que je ne savais pas du tout qu'il en avait un.
- Alexeï a dix ans de plus que moi, m'expliqua-t-il en attendant que les autres arrivent. On a le même père, mais pas la même mère. La sienne est morte il y a seize ans, à la suite de complications arrivées pendant son opération qui aurait dû lui sauver la vie ; elle avait un cancer des os. Mon frère n'avait que 4 ans, à l'époque. Notre père, lui, était effondré, il aimait vraiment beaucoup sa femme. Et, en plus d'être devenu veuf, il avait un enfant à charge. Un enfant qu'il devait nourrir et faire vivre, pour qu'il ne manque de rien.
- C'est terrible ! m'exclamai-je, compatissante. Entre la mort de son épouse et son enterrement, son travail, et ton frère à gérer, ça ne devait pas être facile pour ton père.
- Pour ne pas être simple, ça l'était. Mon père avait dû faire appel à une assistante maternelle pour s'occuper de mon demi-frère, pendant qu'il travaillait. Avocat n'est pas un métier très facile. Alexeï a surtout hérité des yeux et de certains traits du visage de sa mère, il rappelait involontairement sa défunte mère à notre père. Mes grands-parents paternels habitaient trop loin pour venir s'occuper d'Alexeï : ils ont leur maison dans le Pays Basque.
Xavi me raconte également que ses parents s'étaient rencontrés. La surprise m'a prise de court (désolée pour le jeu de mots !) quand il me dit que sa mère, Eufrosina Bianchi, italienne de naissance, est comédienne dans des pièces de théâtres et donne sa voix pour les personnages fictifs dans les films d'animation, les séries télévisées et autres, lors des doublages français. J'en tombe de haut. Pas étonnant qu'il ne parlait jamais du métier de sa mère à nos camarades de classe, quand ceux-ci lui posaient la question ! Là aussi, ça ne doit pas être simple d'être « enfant de », lorsque l'un de ses parents — ou les deux — se révèle être une star célèbre. Je plains énormément Xavi pour ça.
A côté de son boulot actuel, ma mère est romancière et, tu vois, cher Journal, elle arrive à être discrète sur sa vie privée. Rien à voir avec les personnes connues, mais rares d'entre elles arrivaient à rester très discrètes concernant leur vie privée. Chapeau !
Pour revenir aux parents de Xavi, ils avaient connaissance dans un café, en ville. Sa mère répétait son rôle pour une pièce de théâtre — d'après Xavi, elle jouait Ismène, la sœur d'Antigone, dans la pièce éponyme — et, assis pas loin, son père l'avait entendue. Ils en étaient venus à discuter de tout et de rien, et c'est là que maître Nikolaï Candice (c'est le nom du père de Xavi) a appris avec joie qu'elle adorait Le Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas. Peu après, ils sont tombés amoureux et ont entretenu une relation discrète pendant plusieurs mois. Alexeï, âgé de 8 ans et demi à l'époque, l'ignorait.