Chapitre 5

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- V -

Boire pour oublier semble toujours être une bonne idée jusqu'à ce qu'on ait trop bu et que tous les problèmes qu'on souhaitait oublier nous reviennent comme un boomerang en pleine figure. Rajoutez à ça les problèmes courants rencontrés en soirée, insignifiants en temps normal mais tout simplement insupportables quand on boit pour les mauvaises raisons, et me voilà en pleine nuit, fatiguée, frigorifiée et seule, assise sur les marches du perron de chez Jasper et Monty, loin de chez moi et sans aucun moyen de rentrer. Comment cette soirée a pu finir de la sorte ?

J'aurais dû le voir venir pourtant, quand après quelques verres à Arkadia, quelqu'un a décidé de délocaliser la soirée chez Jasper et Monty qui vivent en colocation en-dehors du campus. Déjà, il avait fallu trouver quelqu'un de suffisamment sobre pour nous conduire jusque là-bas en un seul morceau, et il avait aussi fallu trouver une solution pour le retour, du moins j'avais été la seule à m'en inquiéter et ça aurait déjà dû m'alarmer.

Visiblement la maison de nos hôtes était assez grande pour héberger tout le monde, mais ça c'était sans compter sur les couples qui se forment inéluctablement durant ce genre de soirées et qui nécessitent une certaine intimité. Au final, quand Finn a commencé à insister pour qu'on partage ensemble le minuscule canapé du salon, seul couchage encore disponible, j'avais décidé que j'avais assez bu et assez oublié pour la soirée et que je voulais juste rentrer dormir dans mon lit à moi. J'avais alors attrapé ma veste en cuir et j'étais sortie, bien déterminée à rentrer chez moi. Arrivée sous le porche je m'étais rendue à l'évidence : j'étais trop loin du campus pour rentrer à pied et j'avais bien trop bu pour emprunter une voiture. Alors je me suis assise là, les yeux perdus dans le noir profond du ciel parsemé de millions d'étoiles à peine visibles à cause des lumières de la ville, en réfléchissant à tous les événements qui m'avaient conduite à cet instant précis.

L'automne au Canada n'a rien à voir avec l'automne en Australie et je regrette d'avoir voulu jouer la fille sexy avec cette petite robe qui ne me couvre clairement pas assez. J'ai quand même eu la bonne idée de prendre ma veste en cuir mais c'est loin d'être suffisant. J'ai les doigts engourdies à cause du froid et je suis presque sûre que sous mon gloss, j'ai les lèvres bleues, pourtant il est hors de question que je retourne à l'intérieur. L'air et le calme que je trouve ici sont bien trop précieux. Je glisse les mains dans les poches de ma veste pour les protéger du vent glacial, bougeant chaque articulation pour essayer de faire passer l'engourdissement. Dans ma poche droite, mes doigts trouvent une boule de papier avec laquelle ils commencent à jouer nerveusement. Plus jamais je ne me laisserai embarquer dans ce genre de plan !

Par curiosité je sors le morceau de papier de ma poche et le défroisse pour voir de quoi il s'agit. Je reconnais immédiatement les chiffres inscrits à l'encre noire et je sais exactement ce que je vais voir écrit en retournant le papier. C'est la note que m'a laissée Lexa avant de partir, celle qui me rappelle qu'à ses yeux je ne suis probablement qu'une gamine qui a besoin d'une baby-sitter. Une nouvelle bouffée de colère s'empare de moi. Là toute de suite j'ai cet horrible sentiment d'en vouloir à la terre entière : j'en veux à Finn et Octavia pour m'avoir embarqué à cette soirée, j'en veux à Jasper et Monty d'habiter aussi loin du campus, j'en veux aussi à ma mère de m'avoir poussé à boire autant, et pour une raison obscure j'en veux même à Lexa... Non, en réalité si je suis honnête avec moi même, la seul personne à qui j'en veux vraiment c'est moi même. C'est trop pour une seule soirée.

Je relis les mots de Lexa en passant plus de temps à admirer la forme de chaque lettre, de chaque mot, qu'à réellement lire. Comme tout chez cette fille, son écriture aussi semble dénuée d'imperfections et d'hésitation. Chaque lettre est parfaitement dessinée, sans la moindre irrégularité, dans un style à la fois féminin et formel qui laisse toutefois transparaître une pointe de « je ne sais quoi » tout aussi mystérieux que la personne qui a écrit ces mots.

LOTS - Looking Over The StarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant