Chapitre 11

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- XI -

La réunion de Lexa n'est qu'à 10h mais elle tenait à arriver plus tôt, certainement pour peaufiner des détails de dernière minute. Sans surprise elle a de nouveau essayé de me dissuader de venir, sous prétexte que j'allais m'ennuyer à mourir, seule dans ce grand appartement vide. Il était bien entendu hors de question que je cède et c'est comme ça que je me suis retrouvée ici, à tourner en rond dans cet immense salon à seulement 8h30, un lundi matin férié.

Tous les gens d'Amérique du nord ne fêtent pas Thanksgiving en même temps, les canadiens le fêtent plus tôt que les américains. Ceci pour la bonne raison qu'historiquement, Thanksgiving était une fête qui permettait de célébrer la fin des récoltes, le Canada étant plus au nord, le froid arrive plus tôt dans l'année et donc les récoltes se terminent également plus tôt. Il y a donc presque un mois entre les fêtes dans les deux pays. Enfin, c'est ce que j'ai appris grâce au prospectus qu'une femme m'a donné dans la rue juste avant d'entrer dans les bureaux de la tour Wood, que j'ai eu le temps de lire déjà deux fois.

Lexa m'a dit que la réunion durerait probablement jusqu'à 11h30, ce qui me laisse trois heures pour faire... absolument rien ! Ma curiosité me pousse à m'aventurer dans cet appartement qui semble absolument immense, mais mon éducation et mes principes me l'interdisent. Je me contente donc de fouiller du regard dans ce grand salon et par cette immense baie vitrée. Mes doigts passent doucement sur le bois noir et brillant du piano à queue. Pendant un instant j'ai peur d'y laisser une trace mais voyant que rien ne se passe, je m'aventure même jusqu'à laisser courir mes doigts sur les touches. Je me demande s'il est accordé ? Mon index appuie sur l'une des touches blanches, laissant échapper un son pur et parfait qui vibre avec force dans le silence de la pièce. Est-ce que quelqu'un a déjà joué sur ce piano ? Est-ce que Lexa joue du piano ? Je note mentalement de le lui demander quand elle sera revenue de sa réunion.

N'ayant noté aucune réaction au son du piano, je me permets de m'installer sur la banquette devant le clavier. J'hésite un instant, mes doigts flottant au-dessus des touches, avant qu'ils ne viennent naturellement prendre place dans un souvenir lointain de quelques cours de piano. Je ferme les yeux et prends une grande inspiration avant de laisser mes doigts jouer sur le clavier grâce à une mémoire qui leur est propre. La mélodie qui envahit la pièce me plonge dans une époque maintenant révolue, où joie et tristesse se mêlent. Sentant que je perds pied, je force mes doigts à se figer, laissant mourir les dernières notes avant que le silence ne regagne l'espace qui m'entoure.

Je laisse mon regard se balader et cherche à imaginer une famille vivre ici : une petite fille aux yeux d'émeraude, jouant du piano pendant qu'un homme et une femme avec les mêmes yeux que la petite fille s'activent en cuisine, écoutant et surveillant d'un regard plein d'amour leur jeune prodige. L'image est floue, si floue même que je me demande si quelqu'un a vraiment vécu ici un jour, si quelqu'un a déjà joué sur ce piano, déjà préparé le repas dans cette cuisine. C'est comme si cet appartement n'avait jamais servi à personne. Soudain une idée me vient. Je me lève et me dirige vers la cuisine. Après une seconde d'hésitation, je me permets d'ouvrir les tiroirs et les placards un à un, faisant un rapide inventaire de ce qu'ils contiennent. Satisfaite de mes trouvailles, j'attrape rapidement mon téléphone portable et envoie un SMS à Titus, dont Lexa m'a obligé à enregistrer le numéro, au cas où je m'ennuis trop et souhaite partir avant la fin de la réunion. Sans attendre sa réponse, je récupère mon manteau et monte dans l'ascenseur.


OoOoO


Quand les portes de l'ascenseur s'ouvrent et que Lexa entre dans l'appartement, je suis fière et soulagée d'avoir réussi à presque tout finir. Le regard ahuri de Lexa vaut tout l'or du monde. Arrivée au milieu de mes préparatifs j'avais eu peur d'avoir fait une grosse bêtise et que Lexa m'en veuille d'avoir ainsi pris mes aises. J'ai essayé de me rassurer comme j'ai pu, et en voyant son expression je ne regrette absolument pas ma décision. Je l'accueille avec mon plus beau sourire.

LOTS - Looking Over The StarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant