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Le mariage allait commencer dans une heure.

Arès avait les paumes moites et l'estomac retourné. Il n'avait aucune envie de se marier.

Augustus et sa mère avaient été incapables de lui changer les idées. Quant aux autres Octavius et Cornix, ils ne faisaient qu'empirer sa tension.

La cérémonie allait avoir lieu chez Flavius et Hélène Cornix. Un prête attendait avec les autres invités tandis qu'Arès était en retrait.

- Arès, dit Flavius en le rejoignant. Une offrande a été faite pour les Dieux du Foyer. Bientôt, le prêtre vous unira devant témoins et...

Arès n'écouta pas la suite. Son regard bicolore était captivé par un point derrière Flavius. En l'occurrence, Laure Cornix courrait à une vitesse effrénée.

Elle essayait de fuir !

Il en demeura bouche bée, avant de se ressaisir. C'était l'occasion parfaite pour fuir son mariage. Il aurait pu la laisser fuir et échapper à cette alliance, mais elle ne serait pas allée loin avant que des soldats ne la retrouvent. Tenir ses engagements était une question d'honneur. 

Arès courut à grandes enjambées à travers le jardin et attrapa un bout de tissu blanc. La robe de Laure se fendit au niveau de sa jambe, dont il ne put s'empêcher de relever la douceur. Il poussa un juron en l'attrapant par la taille. Elle se débattit de toutes ses forces, en le griffant et le mordant, sans se soucier du regard des invités. Pour une fille si menue, elle était très forte. Mais Arès vint à bout d'elle en quelques secondes.

- Laure ! s'écria sa mère.

Hélène arracha sa fille à Arès et la serra dans ses bras.

- Je vous en prie, jeune homme, s'excusa t-elle. Elle est effrayée, c'est tout. Promettez-moi de ne jamais lui faire de mal...

- Il va devenir son mari, rappela Flavius, couvert de honte après un tel spectacle. Il saura se montrer juste, n'est-ce pas ?

Arès jura une seconde fois.

Ainsi, Paulla avait raison. Laure tentait de fuir à la première occasion et pouvait se montrer dangereuse. Il n'allait pas prendre une épouse mais une ennemie, un monstre à surveiller jusqu'à ce que la mort ne les sépare.

Laure aurait été ravissante si sa couronne de tresses n'avaient pas été décoiffée par son altercation avec Arès. Sa robe déchirée et son air furibond lui valurent des regards moralisateurs dont elle ne souciait guère. Arès, pour sa part, tâcha de demeurer inexpressif. Au fond, il se sentait catastrophé.

- Félicitations, lui dit Flavius au terme de la cérémonie. Tu es mon fils, dorénavant. Prend soin de Laure.

- Par pitié, ajouta une Hélène larmoyante.

La mère de Laure cherchait vainement une trace de compassion dans le regard glacial du jeune époux.

Arès, son frère, sa mère, son épouse ainsi que leur esclaves Maximus et Maia se rendirent donc dans la nouvelle demeure offerte par Flavius. C'était une grande propriété à la blancheur aveuglante et aux jardins verdoyants. Arès s'arrêta quelques instants devant, pour observer le bosquet, le ruisseau ainsi que le kiosque. Il savait déjà qu'il passerait plus de temps dehors qu'à l'intérieur.

Laure, que Maximus tenait fermement, se précipita à l'étage. Maximus finit par la lâcher quand elle s'enferma dans ce qui devait être sa nouvelle chambre. Notre chambre, se corrigea amèrement Arès.

- Tu es aussi digne que ton père, murmura Belinda Octavius. Ta décision de te marier fut un acte noble qu'aucun Octavius n'oubliera jamais. Je suis fière de toi.

Augustus hocha la tête, comme pour confirmer ces dires.

- Je prépare le repas, maîtres, annonça Maia. Il y a de quoi faire dans les cuisines.

À peine ouvrit-elle la bouche qu'Augustus oublia le reste. Il posa sur la rouquine un regard brûlant et Arès se sentit brusquement las.

- Je ne vais pas manger ce soir, déclara Arès. Je vais visiter les jardins.

- Comme tu voudras, mon fils, soupira sa mère. Mais ne tarde pas trop. Les Cornix nous rendent visite demain.

Arès sortait déjà. La fraîcheur de l'air nocturne lui faisait du bien. Il s'assit au bord du ruisseau, qui reflétait la lune, en se laissant transporter par ses pensées. Il lui tardait d'intégrer l'armée. Après son triomphe et son mariage, l'empereur ne tarderait pas à lui confier de hautes fonctions.

C'était ce qu'il voulait et pourtant, Arès n'était toujours pas satisfait.

Deux, trois heures passèrent. Il se résigna à rentrer. Maximus et Maia avaient éteint le feu, ce qui signifiait que leur maîtres étaient couchés. À grande peine, Arès gagna la chambre où Laure s'était cloîtrée. Il dormirait parterre ou sur un divan - n'importe où, tant qu'il était seul.

Contre toute attente, il vit une bougie allumée et Laure, en tenue de nuit, parfaitement réveillée.

- Tu...

Il s'interrompit. Ne connaissant pas la langue des signes, il ne pourrait communiquer avec elle autrement qu'avec les mains. Il désigna le lit. Laure l'ignora. Après une brève hésitation, elle quitta sa chaise et se précipita vers lui avec sa bougie à la main. Arès se prépara à toute éventualité. Si elle l'attaquait à nouveau, il serait obligé de l'arrêter en levant, pour la première fois, la main sur une femme.

Laure tendit sa bougie vers le visage anguleux d'Arès en plissant les paupières. Que regardait-elle ? Ses cicatrices ? Les griffures qu'elle lui avait infligé un peu plus tôt dans la journée ?

Il sentit la colère le submerger et posa sur elle un regard inquisiteur. Il dominait Laure de deux têtes et était deux fois plus imposant. Laure n'en démordit pas. À sa grande stupéfaction, elle se rapprocha encore - leur proximité devint troublante - et dit :

- Je me disais bien que tes yeux n'étaient pas de la même couleur.

Couronne de laurierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant