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Les jours suivants furent merveilleux pour Augustus et Maia. Ils avaient annoncé leur mariage et, malgré ses jérémiades incessantes, Belinda Octavius ne pouvait plus s'y opposer. L'automne était déjà installé à Rome et ils avaient décidé de se marier dès le retour d'Arès. En attendant, ils ne se quittaient plus mais dormaient séparément, comme le voulait la tradition.

De son côté, Maximus était plus serein. Il faisait confiance à son beau-frère et s'occupait des chevaux dans l'étable des Octavius. On disait même qu'il se marierait bientôt, lui aussi.

Belinda avait fini par accepter la décision de son fils et faisait de la couture avec Maia comme elle en faisait jadis avec Laure.

Car s'il en avait bien une qui les inquiétait, c'était bien Laure.

Elle ne parlait plus du tout et faisait comme si elle n'entendait pas, même avec ses proches. Ils craignaient qu'elle ne se rende malade à force de penser à Arès. Laure avait perdu son appétit - et donc du poids - et passait des heures sous le kiosque à regarder les étoiles et à serrer sa lyre sans jamais en jouer.

Parfois, elle demandait de l'encre et des parchemins pour réécrire la courte lettre d'Arès. 《Nous deux formons une multitude.》Elle connaissait l'écriture de ces mots par cœur. C'était devenu la seule phrase qu'elle écrivait parfaitement.

- Laure, lança un jour Maia en pénétrant dans sa chambre. Comment vas-tu ?

Sa belle-sœur était radieuse. Ses longues boucles rousses étaient nouées en tresses et sa toge rose était de la même teinte que ses joues.

- Bien, croassa Laure.

Maia prit sa main tachée d'encre noire.

- Tu vas devenir folle à force d'écrire cette phrase, dit-elle prudemment. Accompagne-moi au marché. Nous t'achèterons des fruits.

- Pas aujourd'hui.

Maia eut l'air très déçue. Elle embrassa le front de sa future belle-sœur et quitta la pièce, laissant Laure en tête à tête avec sa peur de ne jamais voir rentrer Arès avant l'hiver.

- Qu'a t-elle répondu ? s'enquit Augustus dans le couloir.

- À ton avis ? Elle refuse catégoriquement.

Elle posa sa tête sur l'épaule de son fiancé. Ils restèrent blottis l'un contre l'autre jusqu'à ce qu'un bruit se fasse entendre à l'étage inférieur.

- Qu'est-ce donc ? demanda Maia.

- Allons voir.

Ils virent que les Cornix étaient arrivés. Hélène et Flavius avaient tout deux l'air en colère, ce qui ne présageait rien de bon pour eux.

- Bienvenue, Flavius, Hélène, les salua Belinda. Que nous vaut l'honneur de cette charmante visite ?

- Le menuisier Lucius, répondit assez durement Flavius.

- Augustus, reprit Hélène, penses-tu qu'il soit convenable de kidnapper la fiancée d'un autre ?

- Parfaitement, répondit-il avec une pointe d'arrogance. Si Lucius n'est content, qu'il se présente ici. Nous nous affronterons en duel.

- Je t'en prie, non ! s'affola Maia.

- Lucius est déshonoré mais là n'est pas le problème, avança Flavius. Où est Laure ?

Leur esclave s'empressa de la chercher. Laure descendit à contre-cœur, renfrognée. Elle s'attendait à ce que ses parents viennent l'embrasser mais à sa grande surprise, ils n'en firent rien.

- Lucius nous a raconté en détail la façon dont vous tous l'avez humilié, tonna Flavius. Maximus et Maia, vous n'avez pas respecté votre parole alors que nous avons eu la générosité - par égard pour Arès - de vous offrir un toit et du travail. Augustus, tu as souillé ton nom en frappant un homme chez lui. Et toi, Laure...

Flavius planta un regard si froid dans le sien qu'elle frémit.

- Le bruit court dans tout Rome, et tout ça à cause de ce menuisier, que l'épouse du général entend et parle à la perfection.

Laure baissa ses paupières, le cœur battant à une allure folle. Voilà. C'était arrivé. Le moment qu'elle avait redouté pendant toutes ces années se produisait.

- Ce n'est pas ce que vous croyez, s'empressa de dire Maia.

- Avant que nous ne quittions la demeure des Octavius, poursuivit Maximus, Laure a subi un accident de cheval, ce qui lui a permit d'entendre et de parler un peu près comme...

- Foutaises ! rugit Flavius. C'est une autre de ses machinations pour obtenir ce qu'elle voulait ! Ma fille a toujours été une manipulatrice hors pair ! Capricieuse, pourrie gâtée et menteuse !

- Ton père et moi te connaissons bien, Laure, poursuivit Hélène. Tu ne voulais pas du mariage que nous t'avions organisé, alors tu t'es inventé un handicap. Je n'aurais jamais cru que tu nous mentirais ainsi.

- Prie pour ton mari rentre un jour, déclara Flavius. Nous, nous ne pouvons plus te faire confiance. Tu nous a couvert de honte une fois de trop.

Des larmes brûlèrent les yeux de Laure. Elle retint son souffle, son cœur et son estomac douloureux. Hélène et Flavius quittèrent la demeure et Belinda les bombarda de questions.

- Ma belle-fille parle ? Les Dieux soient loués ! Laure, dis-moi quelque chose !

J'aurais voulu être sourde pour ne pas entendre ces mots.

Augustus et les jumeaux roux lui demandèrent si elle allait bien, mais leur voix n'étaient plus que des échos.

J'aurais voulu être muette pour ne blesser personne.

- Laure, dit Maia, assied-toi quelques minutes. Tes parents ont parlé sous l'effet de la colère ; tu sais qu'ils t'aiment malgré tout.

- Ils reviendront assurément s'excuser, compléta Augustus.

Laure s'assit sur le divan, le regard vitreux. Elle avait pris une décision.

Tant qu'Arès ne sera pas rentré, je ne parlerai plus.

Couronne de laurierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant