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La première chose que Laure eut envie de crier était "Ce n'est pas ce que tu crois !". Mais elle fut incapable d'émettre le moindre son, ce qui était pour le moins ironique.

C'était la faute d'Arès. Ce maudit gladiateur avait non seulement ruiné tous ses plans en tuant Marcus et maintenant, tout le monde allait découvrir son secret ! Laure le haïssait, lui, ses grandes mains et ses lèvres brûlantes qu'elle sentait encore sur son cou. Elle savait d'avance qu'elle n'arriverait pas à effacer le souvenir de sa peau sur la sienne. C'était si troublant !

- Je vais au palais avec Flavius, déclara Arès, du ton catégorique qui lui était propre. À ce soir.

Il ne prenait pas la peine de l'aider à sortir de cette situation délicate. Évidemment, songea amèrement Laure. Elle prit une profonde inspiration alors qu'il quittait les cuisines et s'avança vers Maia, qui gardait les yeux fixés sur ses sabots.

- Maia, tu ne dois dire à personne que je parle et que j'entends.

- Comme vous voudrez, maîtresse.

La voix de l'esclave était chantante. Laure se sentit désespérée. Bien sûr, Maia semblait digne de confiance. Cependant, elle était tout ce que Laure aurait dû être : gracieuse, éblouissante et discrète. Malgré les tâches ingrates qui lui étaient accordées, elle avait une épaisse chevelure soyeuse et des ongles nacrés. Laure, elle, était incapable de passer une journée sans finir décoiffée ou sans se tâcher les vêtements.

- J'imagine que tu dois être surprise, soupira Laure en s'adossant au mur. Il y a une explication à tout cela.

- Vous n'êtes pas obligée de vous justifier, maîtresse, affirma Maia. Je ne dirai rien, pas même à Maximus.

- Je te remercie.

Laure ressentit un grand soulagement. Mis à part Marcus, elle n'avait jamais eu d'amis. En ce moment, Maia était ce qui ressemblait le plus à une confidente.

- Pourrais-tu m'emmener dans les jardins ? demanda Laure. Je me sens à l'étroit, dans cette demeure. Dehors je parlerai sans que nul ne s'en aperçoive, à moins que les oiseaux ne soient à la solde de mon père.

Maia fixa Laure en penchant la tête. Elle devait se demander si sa maîtresse était aussi folle qu'on le prétendait, ou si elle s'adonnait à l'humour.

- Mis à part Maximus, répondit Maia, il n'y a personne. Et étant donné toutes les graines que mon frère donne aux oiseaux, je pense qu'ils sont de notre côté.

Laure esquissa un large sourire, le premier depuis des mois.

- Je crois que nous allons bien nous entendre.

Laure préférait les jardins à l'intérieur. Près de l'étable aux chevaux, il y avait un bosquet, un petit lac, des rosiers et un kiosque. Elle avait résumé sa vie à Maia, et cette dernière en avait fait de même. Orphelins, elle et son jumeau avaient survécu grâce à Belinda Octavius, qui les avait acheté au marché il y a plusieurs années déjà.

- Belle comme tu es, dit Laure tandis qu'elles rentraient, tu dois avoir de nombreux prétendants.

Maia s'empourpra fortement. Laure s'amusa de sa réaction, qui en disait long.

- J'ai déjà quinze ans et je suis prête pour le mariage, mais les Octavius sont défavorables à toutes les demandes et mon frère rejette tous mes prétendants - esclaves ou non. Il se montre très dissuasif, vous savez.

Laure comprenait très bien. Ce géant roux était aussi grand et musclé qu'un gladiateur. Quand ses pensées dérivèrent vers Arès, Laure décida de rentrer pour penser à autre chose.

- Vous voilà ! s'exclama Belinda. Maia, apporte une aiguille et du fil. Je vais faire un peu de couture avec ma belle-fille.

Laure leva les yeux au ciel, ce qui fit tiquer sa belle-mère. Elles s'installèrent sur un divan dans la salle de réception, où trônaient tous les cadeaux de mariage. Laure se piquait sans arrêt le pouce et l'index, ce qui désola Belinda.

- Regarde-moi ça, tes doigts sont baignés de sang ! Pauvre Flavius, pauvre Hélène, pauvre Arès. Ils n'ont pas été gâtés avec toi. Cette broderie non plus.

Ses propos mettaient les nerfs de Laure à rude épreuve, mais elle fit mine de rien. Elle essuya les pulpes de ses doigts sur sa robe, ce qui lui valut une myriade de jurons de la part de Belinda.

Pendant des heures, elles firent plusieurs activités ensemble. La couture étant un échec mémorable, elles tentèrent de danser. Résultat : les pieds de Belinda Octavius étaient devenus rouges et enflés, car Laure avait plus de force qu'il n'y paraissait. Surtout quand elle écrasait les pieds.

La femme essaya aussi la chanson. Elle se souvint rapidement que Laure ne pouvait pas chanter, alors elle lui infligea une heure de chant lyrique en croyant que sa belle-fille n'entendait pas. Laure avait les larmes aux yeux à la fin tant ses oreilles souffraient. Belinda était tout bonnement insupportable.

- Donc, tu ne sais ni coudre, ni danser ni jouer d'un instrument, geint sa belle-mère. Je me demande si tu as accompli ton devoir d'épouse, car mon Arès a besoin d'un fils. Ne crois pas qu'il dormira éternellement dans le jardin.

Laure essaya de ne pas rougir pour ne pas se trahir. Elle désigna une lyre dorée, posée parmi les autres présents des invités au mariage.

- Tu joues d'un instrument ! s'exclama Belinda.

Laure faillit acquiescer mais se retint au dernier moment. Elle saisit la lyre et commença à pincer les cordes pour jouer un morceau qu'elle connaissait bien. Envoûtée par la douce mélodie, Belinda ferma les yeux.

- Je sais que tu n'entends pas, mon enfant, mais à chaque fois que nous nous disputerons, joue de la lyre. Cet instrument a été fait pour toi. Les Dieux soient loués, il y a quelque chose que tu maîtrises à la perfection.

Laure continua de jouer jusqu'au soir, ne s'arrêtant que pour boire et étirer ses bras. Maia et Maximus l'avaient discrètement applaudi. Augustus semblait ravi pour elle. Et, tapi dans l'ombre, Arès l'écouta jusqu'à ce qu'elle sente son regard la dévorer.

Je vous retrouve pour la suite très bientôt (c'est les vacances, profitons-en ❤❤❤)

Couronne de laurierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant