Elle ne versa qu'une larme. Les autres couleraient plus tard.
Laure se savait incapable de dormir tant elle était rongée par l'angoisse. D'abord, elle était tombée malade. Ensuite, les jumeaux étaient partis. Maintenant, Arès allait risquer sa vie.
Pourquoi les Dieux lui infligeaient-ils cela ? Pourquoi tant de malheur, alors que cette nouvelle vie s'annonçait radieuse ?
Arès la gardait dans ses bras mais ne put la consoler. Ils restèrent dans le jardin pour observer l'aube orange pointer et les étoiles disparaître. Arès ne disait rien pour ne pas gâcher ce moment. Quand il se battrait contre ses assaillants, dans le nord de l'Empire, il songerait à ces grands yeux bleu-gris qui brillaient dans la nuit comme des étoiles, et dont il était si amoureux.
- Le jour se lève si vite, murmura Laure d'une voix brisée. J'espérais que cette soirée soit un cauchemar et que tu ne me quittes jamais.
Le ciel s'éclaircissait à vue d'oeil et le chant des oiseaux peuplait le jardin où ils étaient assis.
- Je reviendrais, promit-il en le pensant de tout son être. M'attendras-tu ?
Laure embrassa la commissure de ses lèvres et il ne douta pas un instant que oui, elle l'attendrait.
Arès dû ensuite faire ses adieux à sa mère, qui faillit s'écrouler de peine. Augustus, pour sa part, faisait bonne figure. Seul le tremblent de ses mains trahissait son inquiétude.
- Je sais que tu nous reviendras sain et sauf, sourit-il. Tu es un guerrier.
Il serra son aîné dans ses bras quand ce dernier lui dit :
- Maia est toujours à Rome.
- Je... Tu en es sûr ?
Le visage d'Augustus rayonnait d'espoir.
- Certain, répondit Arès. Demande aux Cornix où elle se trouve, ils le savent. Désormais, elle n'est plus une esclave et peut se marier - même avec le plus fou des patriciens.
Augustus reprit son frère dans ses bras.
- Merci, grands Dieux merci !
- Prend soin de Laure, entendu ? reprit Arès d'un ton sérieux. Fais un sorte qu'elle ne tombe pas malade et qu'elle mange à sa faim. Je veux que tu la protège comme si elle était ta sœur.
- Tu as ma parole.
Laure gardait les yeux fixés sur Arès. Il ne restait plus qu'elle à saluer. Dehors, un cortège attendait déjà Arès qui devait rejoindre un camp de soldats dans le nord.
Laure serra les lèvres pour ne pas lui crier de rester ou pleurnicher. Arès était fier et ému par sa force. Elle était l'épouse la plus digne qu'il aurait pu avoir, et il regretta de ne pas avoir pu consommer leur mariage.
Il prit ses mains délicates, les embrassa, puis il glissa ses lèvres sur ses poignets, son front, sa bouche et ses joues. Le regard de sa famille lui importait peu, et la bienséance encore moins. Seule Laure comptait.
Il pencha son visage vers le sien pour prononcer les mots dont elle avait tant rêvé qu'elle les aurait entendu même en étant sourde.
- Je t'aime.
Arès n'ajouta rien. Il lâcha sa peau brûlante, ses lèvres douloureuses et ses mains glaciales. Il lui sourit et pivota.
Il part pour de vrai.
Son sourire lumineux lui avait retourné les entrailles. Elle fixa son large dos et ses cheveux bruns en se demandant si elle les reverrait.
Je t'en supplie, ne me laisse pas seule. Retourne-toi !
Belinda Octavius était sortie pleurer tout son soul mais Laure était figée sur place, les yeux douloureusement humides et l'esprit en vrac.
Je n'ai pas pu lui dire que je l'aimais aussi. C'est peut-être trop tard.
- Laure, s'étonna Augustus, tu ne joues pas de la lyre ?
Elle ne répondit pas, incapable d'articuler la moindre syllabe. Elle avait l'impression que le sol allait se dérober sous ses pieds.
De toute façon, Augustus l'avait déjà entendue parler. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne perce totalement son secret.
- Je dis ça parce qu'à chaque fois que tu es triste, tu joues de la lyre.
Laure esquissa un sourire contrit ; c'était effectivement le cas. Son beau-frère lui tendit une lettre.
- Tiens, dit-il. Arès l'a rédigée et m'a demandé de te la remettre.
Laure fixa le parchemin plié qu'il lui tendait. Puis elle secoua la tête.
- Tu ne sais pas lire ? devina t-il.
Elle fit des vagues avec sa main pour lui faire comprendre que son niveau était moyen, en raison de l'éducation peu axée en lettres des filles.
- Je te la lirai, alors, déclara t-il.
Elle le remercia en serrant son épaule.
Ainsi, Augustus et Laure allèrent s'asseoir sous le kiosque. Elle tenait sa lyre contre sa poitrine mais refusa d'en jouer tant qu'Arès ne serait pas rentré.
- Toi et moi n'avons pas beaucoup de chance en amour, ma sœur. Néanmoins, je continue de croire qu'un jour, nous serons réunis tous les quatre, sous ce kiosque, sans rien pour nous séparer à nouveau. À présent, je vais te lire ce que mon frère a écrit.
Augustus déplia la lettre et lut la seule phrase qu'elle comportait :
- 《Nous deux formons une multitude 》
Augustus prit un air songeur.
- C'est une citation d'Ovide, précisa t-il, mais je ne comprends pas sa signification.
Nous deux formons une multitude.
Laure ferma les yeux pour inscrire ces mots en elle. Elle les aimait. À sa manière, elle savait les interpréter. Oui, une multitude de pensées et de sentiments. Où qu'il soit, Arès penserait à elle et ce serait réciproque.
Je t'attendrai, jusqu'à ma mort s'il le faut. Oh, Arès, si seulement je t'avais dit combien je t'aimais !
Laure serra la lettre contre son cœur en versant les larmes qu'elle avait retenu devant son mari. Il lui manquait déjà.
Ce qu'Arès et Laure ignoraient, c'est qu'Ovide avait écrit d'autres choses, parfois plus sombres.
《À tous les amoureux, la solitude est dangereuse 》
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À ce week-end pour la suite ❤❤❤
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Couronne de laurier
RomanceRome antique, Un combattant dans une arène. Ce qu'il veut ? Gagner pour sortir de son exil et retrouver sa place parmi les siens. Ce qu'il ignore, en revanche, c'est qu'il n'y a pas seulement une couronne de lauriers à remporter, mais aussi la main...