Bientôt, l'hiver fit tomber les dernières feuilles et les premières neiges. On n'eut plus de nouvelles des soldats partis au front avec le général Octavius. Les rumeurs disaient qu'ils étaient tous morts et que l'Empire avait du soucis à se faire face aux envahisseurs.
Bien que n'y croyant pas une seule seconde, Augustus avait été obligé de se marier sans la présence de son frère. Maia et lui nageaient dans le bonheur. Ils vivaient toujours dans la demeure avec Maximus, et de nouveaux esclaves s'occupaient des travaux domestiques.
La réputation des Octavius pâtissait suite à de nombreux scandales. Arès était - pour beaucoup - considéré comme mort ; Augustus avait épousé son ancienne esclave ; et Laure avait berné tout le monde avec son mutisme et sa surdité. Les Cornix ne voulaient plus rien avoir à faire avec eux, à l'instar de beaucoup de patriciens. C'étaient notamment les Cassius, dont Sextus, qui plaidaient pour que la famille Octavius soit déchue.
Le moral était donc au plus bas pour Laure, qui culpabilisait d'avoir entraîné les siens dans sa chute.
- Tu maigris, ma sœur, commenta Maia en une matinée hivernale. Arès ne sera pas content quand il rentrera.
Laure avait comme une boule à la gorge. Elle n'était plus si certaine qu'il rentrerait.
Les deux filles descendirent pour rejoindre leur belle-mère qui était tout aussi démoralisée.
- Si l'Empereur n'obtient aucune nouvelle d'ici un mois, lança aigrement Belinda, il nommera un nouveau général. Et ce sera sans doute un Cassius.
Elle avait prononcé ce nom comme une insulte.
- Mais il y a pire, reprit Augustus d'une voix grave en regardant Laure.
Elle aurait aimé le supplier de se taire. Trop de malheurs d'un coup, c'était insupportable.
- Pour ces imbéciles, mon frère est mort. Ils disent que c'est du gâchis : tu es trop jeune et que tu n'as pas d'enfant car tu es mariée à un "fantôme". Ils veulent te remarier pour "faire oublier ta mascarade honteuse".
Laure crut qu'elle allait vomir. Elle se leva en renversant par mégarde un vase, ce qui fit sursauter Belinda. Le message était clair : Laure refusait de se marier.
- Si tu te mariais avec un autre qu'Arès, plaisanta Augustus, j'aurais plus peur pour ton mari que pour toi.
Maia esquissa un sourire mais Laure, elle, était enragée.
- Dites donc, geint Belinda, il serait peut-être temps que Laure et Augustus cessent de tout casser.
- Ne t'en fais pas, ma sœur, dit ce dernier. Jamais nous ne te laisserons à un autre que mon frère.
Laure ne se laisserait pas faire. Ça non.
Ce n'est que quelques heures plus tard que cette menace de deuxième mariage se concrétisa : une cousine de Belinda leur rendit visite pour leur annoncer une sombre nouvelle.
- Que se passe t-il ? demanda Augustus.
Leur parente posa un regard attristé sur Laure.
- La femme de Sextus Cassius - elle se nommait Paulla, je crois - est décédée dans la matinée. Sextus ne souhaite pas rester veuf...
- Mais c'était déjà son second mariage ! s'exclama Augustus.
Laure était pétrifiée, son sang ne fit qu'un tour. Elle baissa ses paupières en pensant à Paulla, qui avait mené une vie bien sinistre. Elle n'avait pas mérité un tel sort. Il fallait rendre hommage aux morts, quels qui soient.
- J'imagine qu'il a empoisonné sa propre femme pour prendre celle d'Arès, cracha Belinda. C'est terrible mais cela lui ressemble bien !
- Cet homme est prêt à tout pour venger Marcus, déplora Maia. Oh, Laure...
- A t-il le soutien de l'empereur ? demanda Maximus.
Laure ne souhaita pas entendre la réponse. Elle s'enferma dans sa chambre et se rendit compte qu'elle était furieuse contre Arès. Où était-il ? Que faisait-il, bon sang ? Pourquoi ne rentrait-il donc pas ? À cause de lui, on allait peut-être la donner à l'un de ses pires ennemis !
Elle vida la mallette où étaient pliés les vêtements d'Arès. Il y a quelques mois, leur odeur était rassurante car c'était celle de son époux. Les nuits où elle se sentait mal, elle n'avait qu'à les serrer contre elle pour s'endormir. À présent, elle avait envie de les réduire en morceaux et de les brûler.
Est-ce que tu m'as abandonné ?
Laure jeta au sol les affaires d'Arès. Puis elle déchira tous les parchemins où elle avait répété la même phrase. Elle pleurait à chaudes larmes, maintenant, car les mots avaient perdu tout leur sens.
《Nous deux formons une multitude》
Et seule, Arès ? Que va t-il advenir de moi si tu me laisses seule ?
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Couronne de laurier
RomanceRome antique, Un combattant dans une arène. Ce qu'il veut ? Gagner pour sortir de son exil et retrouver sa place parmi les siens. Ce qu'il ignore, en revanche, c'est qu'il n'y a pas seulement une couronne de lauriers à remporter, mais aussi la main...