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Ni Arès, ni Laure ne parlèrent jusqu'à ce qu'ils n'arrivent à la demeure. Maximus se chargea d'escorter sa maîtresse dans sa chambre, où elle s'efforça de se changer les idées. En vain. Le souvenir d'Arès était trop présent - trop suffoquant. Elle avait terriblement envie de l'embrasser, et cela l'effrayait. Certes, elle était unie à lui pour toujours. Mais tomber amoureuse... Elle s'était jurée de ne pas en arriver jusque là. Ce n'était même pas concevable, il y a un mois.

Quand Arès cessera t-il de compromettre ses plans ?

- Avez-besoin de quelque chose ? demanda Maximus avec des gestes.

Elle réclama un verre d'eau et gratta sur des cordes invisibles jusqu'à ce qu'il comprenne qu'elle voulait aussi sa lyre.

Maximus les lui apporta et attendit quelques instants pour profiter de la musique. Laure interrompit sa mélodie à cause d'une violente quinte de toux. Maximus laissa échapper :

- Tiens, c'est curieux...

Laure se figea et Maximus eut l'impression qu'elle l'avait entendu. D'ailleurs, était-ce possible qu'une muette tousse bruyamment ?

- Peut-être refusez-vous de parler car vous n'entendez pas, dit-il à voix basse. Ce qui serait tout aussi étonnant ; vous ne produisez aucune fausse note.

Laure posa sa lyre à côté d'elle et affronta le regard de l'esclave. Bien que suspicieux, il baissa la tête en signe de respect. Laure décida de mettre un nouveau plan à exécution.

- Maximus, dit-elle devant son air éberlué, j'ai besoin de ton aide.

Arès ne retourna pas voir sa femme, bien qu'il en avait envie. Furibond, il se rendit chez les Cassius.

On ne pouvait pas empoisonner sa femme, sa Laure, sans en payer les frais. Arès essaya de se convaincre que c'était une question d'honneur.

Il tambourina la porte des Cassius, qui était sur le point de se briser. Son poing faillit s'abattre sur l'esclave mortifiée qui lui ouvrit.

- Pousse-toi ! rugit-il.

Arès déboula dans le salon, hors de contrôle. Paulla sirotait une coupe de vin sur le divan, en tenue de nuit. Ses longues jambes avaient été enduites d'huile pour briller. Elle exposait ses atouts comme des trophées. En croisant le regard meurtrier d'Arès, elle esquissa un sourire aguicheur et se leva dans sa direction, en mouvant ses hanches comme une danseuse.

- Bonsoir, Arès. Je savais que tu viendrais à moi.

Il repoussa sa main, ce qui envoya valser la coupe de vin contre le mur. Une tâche bordeaux s'y répandit, semblable à du sang, et des éclats de verre jonchaient le sol. Un sursaut fit trembler Paulla. Puis elle se ressaisit en battant des cils et en enroulant sa jambe nue contre celle d'Arès.

- Dis-moi que tu m'emmènes, soupira t-elle rêveusement.

Arès encercla sa gorge avec les deux mains. Son regard était si noir qu'il lui glaça le sang. Les pieds de Paulla ne touchaient plus le sol.

Avec Arès, on passait vite du rêve au cauchemar.

- A... Arès...

- As-tu tenté d'empoisonner Laure ? demanda t-il en resserrant sa prise.

- No... Non...

- Ne me mens pas !

Elle secouait la tête énergiquement. Des larmes lui échappèrent quand il la laissa retomber parterre.

- Tu as tenté de m'étrangler ! s'insurgea t-elle, plus choquée que blessée.

Il était tombé si bas. Ses actes ne l'étonnaient même plus.

- Je t'ai déjà dit que tu ne représentais rien pour moi. Alors, as-tu essayé d'empoisonner ma femme ?

- Non ! Le poison, c'est la spécialité de Sextus, mon mari. Il te tient pour responsable de la mort de Marcus. C'était son seul neveu...

- Où est-il ? la coupa t-il.

- Pas ici. Il... Il ne veut pas passer ses nuits avec moi. Mais ne le tue pas, par pitié !

Arès dégagea la main de Paulla qui, accroupie, essayait de le dissuader.

- Je t'en conjure, Arès ! S'il meurt, les Cassius me jetteront à la rue !

- Quand rentre t-il ? demanda t-il en dégeinant son épée au cas où elle refuserait de répondre.

Apeurée par la vision de la lame, Paulla déglutit.

- Je l'ignore. Il lui arrive de ne rentrer qu'au petit matin, répondit-elle et il sut qu'elle ne mentait pas.

Paulla n'aurait mis son existence en péril pour rien au monde. Son égoïsme était sa philosophie de vie. Voilà l'une des nombreuses raisons pour lesquelles il n'était jamais parvenu à l'aimer.

- Je reviendrais le chercher, déclara t-il en lui tournant le dos.

- Ne fais pas ça ! Si mon mari meurt...

- Je me moque de ce qui peut t'arriver ! s'emporta t-il. Tout ce qui m'importe, c'est Laure !

Il regretta instantanément ses mots. Le regard terrifié de Paulla changea. Elle se releva en s'appuyant sur le mur, le nez retroussé par le dédain. Arès eut l'impression de voir son vrai visage pour la première fois, un visage dénué de sourire factice ou de larmes de crocodile.

- Tu es fou amoureux d'elle, on dirait.

Une femme jalouse était plus venimeuse qu'un serpent. Arès restait sur ses gardes.

- Je ne crois pas en l'amour, ajouta t-il. Encore moins en ce qui concerne une personne que je connais depuis un mois. Mais Laure étant une Octavius, elle est ma priorité.

Il s'apprêta à sortir quand elle s'écria :

- Vous ne serez jamais heureux ! Les Cassius vont pourrir ta vie, et celle de ta silencieuse épouse.

- Je n'ai pas peur, répliqua t-il. 

- Je te hais, cracha t-elle en courant derrière lui. Tu m'entends ? Je te hais autant que tu te hais toi-même !

Arès traversa l'allée devant la demeure d'un pas décidé.

- Je te déconseille de monter le ton, Paulla, ou d'approcher Laure, ou tout autre membre de la famille.

Frappée de stupeur, Paulla lui posa une dernière question. Son timbre crissant trahit son angoisse.

- Tu vas la rejoindre ?

Un sourire en coin étira les lèvres d'Arès et n'échappa pas à son ancienne amante. Tant pis s'il ne pouvait pas régler le sort de Sextus tout de suite. À présent, il n'avait qu'une hâte : retrouver Laure.

Il songea à ses lèvres charnues qu'il avait embrassées et au doux parfum de ses cheveux. Mais tout cela n'était pas comparable à son caractère de feu. Elle avait du répondant, elle ne laissait personne lui marcher sur les pieds. Et une fille si fougueuse ne pouvait que lui plaire.

Il se surprit à la vouloir, corps et âme, comme il n'en avait jamais voulue aucune autre.

- C'est ma femme, répondit-il simplement - comme si c'était la réponse à toutes les questions.

À ce week-end pour la suite ❤❤❤

Couronne de laurierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant