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Arès en oublia de respirer.

Il pensa d'abord avoir rêvé. Mais ses oreilles avaient bel et bien entendu Laure parler, de cette voix rauque qu'elle n'utilisait pas souvent.

Comme on peut s'y attendre, la colère remplaça vite la surprise d'Arès.

- Répète un peu ce que tu viens de dire.

Il eut l'impression qu'on s'était moqué de lui. La bonne blague. Cette "nuit de noces" était une plaisanterie de mauvais goût, et Flavius Cornix paierait très cher cet affront.

- Ne te vexe pas, répondit Laure d'un ton ironique mais cassant. Être vairon n'a rien de dramatique en soi, même si cela te donne un air bipolaire. Comme si tu avais deux personnalités, tu comprends ?

Arès inspira profondément, les traits déformés par la rage. Non seulement elle n'était pas muette, mais en plus elle entendait ?

Il serra le menton de Laure dans sa main en l'attirant vers lui. Son parfum de lavande emplit ses narines, une douceur opposée à la personnalité de Laure. Elle l'insulta de tous les noms sans parvenir à se dérober.

- Lâche-moi ! Et c'est moi qu'ils traitent de folle, par tous les Dieux !

Il appuya sa paume sur sa bouche pour qu'elle se taise. Elle le mordit encore ! Dépassé, il avait besoin de réfléchir - de comprendre - sans qu'il ne soit question de réveiller les autres.

- Comment se fait-il que tu ne sois ni sourde, ni muette ? demanda t-il.

Il retira sa main. Laure suffoquait en le fusillant du regard.

- Lâche-moi si tu veux des explications, espèce de sauvage !

Il faillit rire jaune. N'était-ce pas elle qui l'avait mordu et griffé à deux reprises ?

Il la reposa au sol sans délicatesse. Laure toucha sa mâchoire douloureuse en pestant à nouveau.

- Une fille ne devrait pas jurer ainsi, lança t-il aigrement.

Les prunelles bleu-gris de Laure brillaient à cause de la fureur, comme un ciel ombrageux. À l'instar d'Arès, elle était habitée par la colère.

- Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, rétorqua t-elle, je ne suis pas comme les autres filles.

Elle désigna sa tête en ajoutant :

- Ils me prennent tous pour une cinglée.

- Et je ne leur donne pas tort. Tu vas tout expliquer sur le champ.

- Ou quoi ? s'enflamma t-elle. Tu vas me frapper ?

Arès s'approcha de sorte à ce qu'elle recule. Il aurait pu la casser en deux, s'il le voulait. L'éclairage de l'unique bougie donnait un aspect terrifiant à Arès.

- Il existe bien d'autres manières de torturer une personne.

Après un bref silence, Laure finit par retrouver l'usage de la parole. Son regard se fit accusateur.

- Tout est de ta faute, commença t-elle. Si tu n'étais pas tombé du ciel jusqu'au Colisée, j'aurais été mariée à Marcus et j'aurais pu quitter Rome.

Agacé, il claqua la langue. Il ne voyait toujours pas où elle voulait en venir. Laure s'était assise sur le lit en fixant la flamme de sa bougie. Arès prit place sur la chaise et l'intima de continuer.

- À douze ans, mon père voulait me marier à un homme pour consolider l'influence des Cornix. Je ne savais pas comment y échapper. Marcus a eu l'idée de mettre en scène un accident de cheval, suite auquel "j'ai perdu la parole et l'audition". Il a attendu pendant des années l'occasion de nous marier et pour quitter Rome mais il a fallu que tu ruines tous nos efforts !

Une bouffée d'injustice s'empara d'Arès.

- J'ai été le plus fort, j'ai mérité cette couronne de laurier ! Alors je te conseille de baisser d'un ton. Une femme ne peut hausser la voix sur son mari, surtout pour plaider en la faveur d'un autre homme.

Laure ne sembla pas l'écouter. Était-ce une habitude ?

- Marcus est mort, dit-elle. À ce qu'on raconte, c'était le dernier à tomber. Tu lui aurais tranché la gorge et les crocodiles l'auraient dévoré.

Arès se souvint du gladiateur blond qu'il avait eu tant de mal à tuer. Marcus. Jusqu'au bout, il s'était battu pour Laure.

"Je la veux" avait-il dit.

Arès crispa les poings.

- Tu avais donc un amant ! s'exclama t-il en se levant. Tu es impure !

Indignée, Laure se redressa à son tour.

- C'était mon ami ! s'égosilla t-elle.

- Sache que je n'aurais aucun remord à te répudier, la menaça t-il. Tu as menti à ta famille mais à présent, je vois clair dans ton manège. Tu es à ma merci.

Il se dirigea vers la porte où il ajouta :

- Joue les invalides ou non, cela m'importe peu. Mais si tu deviens gênante, je trouverais un moyen de me débarrasser de toi. Je n'aurais aucun scrupule. Je n'en ai jamais eu.

Laure bouillait de l'intérieur mais elle eut la sagesse de se taire. Dans l'atmosphère électrique de la chambre, ils avaient tout deux les nerfs à vif et des envies de meurtre.

Arès retourna dans le jardin, incapable de fermer l'œil ou de passer une seconde de plus avec Laure.

Laure Octavius.

La fille qui avait trompé tout le monde.

La fille qui le détestait.

La fille qu'il avait épousé.

Arès s'assit sur l'herbe humide pour observer les étoiles. Les Dieux étaient sévères, le destin impitoyable. Il se sentait partagé entre la fureur et la lassitude.

Et dire que le lendemain, les Cornix allaient dîner chez eux...

Voilà pour les explications de Laure 😊 Je vous retrouve très vite pour la suite ❤❤❤

Couronne de laurierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant