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Arès détourna les yeux en serrant la mâchoire. Laure avait sa réponse.

Même si elle s'y était attendue, sa déception fut cuisante. Elle, n'avait pas connu d'hommes avant lui. Alors pourquoi n'avait-il pas attendu le mariage de son côté ?

La tristesse de Laure s'évapora vite devant une aigre jalousie. Fallait-il qu'elle s'abaisse à piquer une crise d'hystérie à cause d'un homme ? Furieuse, elle s'éloigna d'Arès et trottina jusqu'à l'autre bout du jardin.

- Laure ! s'écria t-il en la rattrapant. C'est Paulla qui te l'a dit ?

- Qu'est-ce que ça change ? grinça t-elle. Si moi j'avais eu un amant, tu en aurais fait toute une histoire ! Mais toi, tu es un homme alors ce n'est pas grave, n'est-ce pas ?

Elle vit qu'Arès ne la prenait toujours pas au sérieux et cela fit davantage bouillir sa colère. Était-ce bien l'ombre d'un sourire, sur ses lèvres ?

- L'as-tu vue, récemment ? demanda t-elle sur le qui-vive.

Il ouvrit la bouche sans rien dire et la referma. Laure eut envie de le frapper.

- Vous avez entretenu votre liaison après notre mariage ? s'étrangla t-elle.

- Non ! Ça fait dix ans que c'est terminé - depuis mon exil.

- Et j'imagine que tu as connu d'autres femmes, dans la forêt ou la grotte où tu as vécu toutes ces années !

Elle sentait qu'elle allait trop loin, mais les mots lui échappaient comme l'eau d'un vase qui déborde.

- Pour l'amour du ciel Laure, calme-toi. Tout Rome va t'entendre.

- Qu'ils entendent ! Qu'ils découvrent quel genre de goujat tu...

Il ne la laissa pas finir en plaquant sa paume contre sa bouche. Laure mordit sa main mais il ne la lâcha pas pour autant. Son pouce caressa sa joue rose.

- Laure, commença t-il prudemment. Je suis désolé. Pendant mon exil, je pensais ne jamais rentrer chez moi. Et pour Paulla, j'étais jeune et impulsif. C'est fini depuis longtemps. Ne vois-tu pas combien je suis attaché à toi ?

Laure ne l'avait jamais entendu s'excuser, ni se confesser autant sur ses sentiments avant cette nuit. Cela ne dissipa guère sa fureur mais elle tâcha de ne plus crier. Ses yeux gris ombrageux se plantèrent dans ceux d'Arès comme des lames de métal.

- Tu es adorable quand tu es jalouse, murmura t-il. J'ai très envie de t'embrasser.

- Pas moi. Nous devrions dormir dans des chambres séparées.

Arès se fit violence pour ne pas l'emmener de force dans leur chambre à coucher ou l'embrasser à pleine bouche. Laure était si bornée qu'il valait mieux la laisser se calmer d'abord.

- Laure, dit-il avec un désespoir qui filait dans sa voix grave, la mauvaise nouvelle que je voulais t'annoncer, c'est que je vais bientôt devoir partir.

Partir ?

- Comment ça ?

Sa colère retomba en flèche devant son inquiétude.

Arès prit ses mains et souffla dessus pour les réchauffer. Il prenait du temps pour choisir ses mots et apaiser Laure, en vain.

- L'empereur va m'envoyer au front.

Laure baissa les paupières, la respiration sifflante. Non, il dit ça pour me faire peur. Il veut que je le pardonne.

- Un général ne se bat jamais, pourtant, croassa t-elle en refusant d'y croire.

Sa voix brisée attendrit Arès, qui embrassa ses doigts glacés. Cela ne la réchauffa pas. Laure se sentait comme une enfant qui a besoin d'être rassurée. Elle était si vite passée du chaud au froid.

- Sauf en dernier recours, la corrigea t-il.

Ils restèrent silencieux tandis qu'une légère brise bruissait parmi les arbres. Laure n'aimait pas l'idée qu'il parte. Comment le retenir ? Comment lui demander de rester, alors qu'ils avaient tant à découvrir l'un chez l'autre ?

- Es-tu obligé ? demanda t-elle seulement.

Il encercla ses épaules en posant son menton sur sa tête. Laure ne se sentit pas mieux. Elle pensait déjà à ce futur proche où il ne pourrait plus la prendre dans ses bras. Cette pensée la tétanisait.

- C'est mon devoir, Laure. Je suis obligé.

Elle savoura sa façon de prononcer son prénom, bien que ses paroles la rendirent triste.

- Et quand dois-tu partir ?

- N'y pense pas. Nous devons d'abord nous mettre d'accord au sujet de Paulla, car elle ne représente...

- Dis-moi quand pars-tu, l'interrompit-elle, trop angoissée pour encore songer à son ancienne amante. La semaine prochaine ?

Arès soupira. Il n'avait pas l'énergie de tenir tête à Laure Octavius. Alors il resserra son étreinte.

- Je pars demain.

Couronne de laurierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant