15

851 79 2
                                    

Laure se réveilla tardivement. En une soirée, le remède du médecin royal lui  permit de se sentir beaucoup mieux. Rien qu'à l'idée d'avoir absorbé du poison pendant plus d'une semaine, Laure se sentait mi-colérique, mi-angoissée.

Quelque chose de lourd encombrait sa taille et l'arracha à la tiédeur du sommeil. Laure ouvrit péniblement les yeux et se rendit compte qu'un bras encerclait sa taille.

Par tous les Dieux.

Arès l'enlaçait.

Elle se retourna pour lui faire face, puis repoussa délicatement son bras. Arès ne bougea pas. Ses cheveux bruns tombaient sur son front et ses sourcils étaient légèrement froncés, comme s'il faisait un cauchemar. Laure se sentit rougir à la pensée qu'ils aient dormi l'un contre l'autre. Et elle ne s'en était même pas rendue compte !

Elle l'observa d'un peu plus près. Il lui plaisait plus qu'elle ne l'aurait admis. Malgré les cicatrices qui zébraient sa peau, cette dernière était dorée et chaude comme si Arès n'avait jamais connu d'hiver. Il était différent des patriciens vaniteux et coquets qu'elle avait eu le malheur de côtoyer.

Armée d'un courage dont elle ne se serait pas cru capable, Laure passa une main dans ses cheveux pour libérer son front. Puis sa paume s'attarda sur la pommette saillante de son époux. Sa barbe de trois jours lui piquait, mais ce n'était pas désagréable. Elle se laissa transporter par ses pensées.

Méritait-il qu'elle tombe amoureuse de lui ? Serait-il bienveillant avec elle ? Ne devrait-elle pas fuir Rome comme elle l'avait toujours désiré ?

Soudain, la porte de leur chambre s'ouvrit en grand. Laure s'éloigna d'Arès, qui se réveilla en entendant les pas de Belinda Octavius.

- Pardonne-moi cette intrusion mon fils, mais les esclaves ne sont pas venus nous réveiller. Ils n'ont pas préparé à manger non plus. Pourrais-tu descendre ?

Arès grogna après avoir acquiescé. Sa mère referma la porte en quittant la chambre. Puis, le regard bicolore d'Arès s'attarda sur Laure. Elle sentit son cœur s'accélérer. Gênée, elle avait remonté sa couverture jusqu'à son menton, bien qu'elle ne soit pas nue. Elle avait brusquement l'impression qu'Arès avait deviné qu'elle l'avait touché et observé.

- Tu as froid ? demanda t-il.

Son inquiétude et sa douceur lui firent perdre la voix - notez l'ironie. Elle secoua la tête et la détourna quand il changea de tenue.

- Ça fait longtemps que tu es réveillée ?

Elle tâcha de se concentrer et donc, ne pas loucher sur ses muscles.

- Je me suis réveillée un peu avant toi, répondit Laure en restant vague.

- Et tu te sens mieux ?

- Oui. Notre empereur est entre de bonnes mains.

Elle vit à nouveau le fantôme d'un sourire éclairer le visage d'Arès et cette fois, son cœur palpita si fort qu'elle craignit qu'il ne l'entende.

J'aimerais le voir sourire plus souvent, songea t-elle, sans avoir la prétention de pouvoir faire le bonheur de quelqu'un un jour.

Mais au moins, ils semblaient enfin en paix, tous les deux.

Quand il sortit, elle fit rapidement sa toilette et le rejoignit en-bas. Maximus et Maia étaient au centre de l'attention... avec toutes leurs affaires assemblées dans des sacs.

Laure était abasourdie. Où allaient-ils ?

- Ces esclaves prennent la poudre d'escampette ! s'outra Belinda.

- Je suis certain que maître Arès nous affranchira dès maintenant, affirma Maximus sans baisser la tête.

Laure vit que Maia avait pleuré et qu'Augustus était blême. Elle posa une main réconfortante sur l'épaule de son beau-frère, sans parvenir à le rassurer.

- En effet, répondit Arès. Je les libère.

- Je t'interdis de faire ça.

Tous dévisagèrent Augustus sans croire qu'il avait osé contredire son aîné. Arès avait l'air autoritaire mais Augustus était plus borné que jamais. Laure savait qu'il ne renoncerait pas à Maia, dont les yeux rougis le supplièrent de se taire.

- Tu ne peux pas contester les décisions de ton général et de ton grand-frère, rappela Arès.

- Ce sont mes esclaves, riposta Augustus avec ferveur. Tu n'étais pas là quand je les ai achetés.

- Certes. Mais à présent que je suis le chef de cette famille, tout ici m'appartient. Je libère Maximus et Maia ; telle est leur volonté.

Le regard désespéré d'Augustus se posa sur Maia. Celle-ci se sentit brûlée par les émotions qu'elle y lisait.

- Est-ce ce que tu souhaites ? enchérit-il. Partir loin de moi ?

Une larme trahit Maia, qui répondit par la positive.

- Oui, maître. Je veux être libre.

Son jumeau sembla soulagé par sa réponse, tandis qu'Augustus donnait l'impression d'avoir été poignardé en pleine poitrine. Néanmoins, une détermination farouche l'animait encore.

- Et moi, je refuse.

Arès sembla si exaspéré que Laure prit sa main pour l'intimer au calme. Arès la fusilla du regard, sans pour autant lâcher ses doigts. Belinda Octavius, quant à elle, était sur le point de défaillir.

- Mon fils s'est épris d'une esclave ! s'exclama t-elle. Hadès aura raison de mon âme !

Augustus leva les yeux au ciel sans prêter davantage attention à sa mère. Il s'avança vers Maia mais Maximus s'interposa entre eux.

- S'il-vous-plaît, dit-il, ce ne serait pas correct pour une fille aussi vertueuse que Maia. Cessez de la tourmenter.

- Je ne veux aucun mal à ta soeur, s'indigna le jeune Octavius.

Maia passa devant son frère en lui souriant pour lui réclamer le peu de confiance qu'il lui restait.

- Augustus, dit-elle en l'appelant par son prénom pour la première fois. Je suis en âge de prendre une décision capitale pour mon avenir, et je te laisse le choix. Soit tu me laisses partir. Soit je reste et je me marierai.

Augustus crut recevoir une gifle.

- Avec qui te marieras-tu ?

- Avec n'importe quel homme de ma condition.

- Je refuse, répéta t-il sans broncher.

- Je ne suis pas là pour te demander la permission, reprit-elle d'une voix douce mais ferme. Je suis là pour te faire mes adieux.

Augustus essaya de la retenir par le bras mais Arès l'en empêcha.

- Elle a pris sa décision, Augustus. Respecte-la. Maintenant, Maximus, Maia, suivez-moi.

Arès entraîna les deux esclaves à l'extérieur. Il devait se rendre au palais et il en profiterait pour les y affranchir.

Augustus les regarda disparaître sans bouger. Puis il brisa les vases et décorations à sa portée avec rage. Sa mère préféra remonter dans sa chambre. Mais Laure resta près de son beau-frère inconsolable, attristée pour lui. Elle devrait avoir une conversation sérieuse avec Arès dès qu'il rentrerait.

Couronne de laurierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant