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Maximus avait du mal à y croire. Laure Cornix - enfin, Octavius - n'était ni sourde ni muette. Il garda la bouche grande ouverte, ce qui arracha un rire à Laure.

- Je suis désolée d'avoir menti à tout le monde, Maximus, mais je compte réparer cela. Si tu m'aides, bien entendu.

Il acquiesca. Cette situation était déroutante mais, en tant qu'esclave, il se devait d'obéir.

Laure lui expliqua tout, et cela prit plusieurs minutes. Il fallait mettre en scène un accident de cheval, qui lui redonnerait la parole et l'ouïe aussi miraculeusement qu'elle les avait perdu.

- Cela me paraît peu probable que vos proches mordent à l'hameçon, commenta prudemment Maximus face à l'imagination fertile de sa maîtresse.

- Arès et Maia connaissent déjà mon secret. Pour les autres, je ferais un sorte que mon rétablissement soit lent.

- Vous leur ferez croire que vous n'entendez pas encore parfaitement et votre élocution prendra du temps à s'améliorer, déduisit-il.

- Exactement.

Maximus fixa ses pieds, hésitant à lui révéler le fond de sa pensée.

- J'ignore si c'est une bonne idée, osa t-il enfin dire. Peut-être vaut-il mieux révéler la vérité ? Il n'est jamais bon de s'enfoncer dans des mensonges.

Laure eut l'air désespérée. Elle s'était prise à son propre piège.

- Les patriciens ne pardonneraient jamais ce mensonge. Les Cornix et les Octavius pourraient en souffrir.

- Mais le maître ne vous a pas répudié, rappela t-il calmement.

Laure s'efforça de cacher son rougissement. Certes, Arès ne l'avait pas répudiée. Mais si les autres l'apprenaient, il serait peut-être obligé d'en arriver jusque là. La pression familiale était insoutenable, chez les patriciens.

- Merci pour tes conseils, Maximus. Je préviendrai Arès de mon plan.

Avant qu'il ne s'en aille, elle ajouta :

- N'en veux pas à Maia de t'avoir dissimulé mon secret. C'est moi qui lui ai demandé.

- Autrefois, Maia ne me cachait jamais rien, dit-il, plus touché qu'il ne le laissait croire.

Laure songea à l'amour que Maia et Augustus éprouvaient l'un pour l'autre et culpabilisa de ne rien dire à Maximus. Sa réaction n'était pas prévisible. Pour l'instant, il valait mieux se taire.

- Bonne nuit, dit-il en refermant sa porte.

Laure se réfugia sous ses draps en se disant que bientôt, elle serait guérie. Mais Arès continua à obséder ses pensées. Où était-il passé ?

Arès était tout simplement dans le couloir, à quelques pas d'elle, quand il vit Maximus quitter sa chambre à coucher. Le patricien était ahuri. En voyant que son maître le fixait avec un regard meurtrier, le géant roux déglutit.

- Maître, ce n'est pas...

Arès le poussa contre un mur. Bien que costaud, Maximus avait dix ans de moins qu'Arès, dont les exploits de gladiateur faisait trembler toute personne normalement constituée.

En une journée, c'était la deuxième personne qu'Arès menaçait de tuer. Ça commençait à devenir une habitude.

- Je me fiche de savoir pourquoi tu es là, grinça t-il. Ne remets plus les pieds dans ma chambre quand ma femme y est seule ! Et encore moins à la tombée de la nuit, est-ce clair ? Tu n'en as pas le droit !

Maximus fit "oui" de la tête et Arès le relâcha. L'esclave ne reconnaissait plus son maître. Arès lui avait toujours paru être quelqu'un de cruel, mais il ignorait la profondeur de sa jalousie. Il se jura de ne plus approcher Laure - il en allait aussi du bien être de Maia.

Mais, alors que Maximus quittait précipitamment les lieux, Arès s'immobilisa devant la porte qui le séparait de Laure.

- Encore une chose, Maximus.

Les poils du jeune roux se dressèrent. Que lui voulait-il encore ?

- Tu devrais faire attention à ta sœur.

Cette fois, la colère de Maximus balaya au loin sa frayeur.

- Qu'insinuez-vous, maître ? Est-ce une menace ?

- Marie-la, dit-il d'une voix dure.

Le visage de Maximus était rouge vif.

- Excusez-moi mais c'est votre famille qui rejette toutes les propositions. Et je refuse de donner ma sœur à quelqu'un qu'elle ne connaît ou n'aime pas.

La lèvre d'Arès esquissa un rictus. Maximus commença sincèrement à le détester.

- Si je te dis de faire attention à ta sœur, c'est pour une bonne raison. Elle s'imagine sûrement qu'elle épousera Augustus, mais cela est pour le moment impossible. Les mariages d'amour n'existent pas. Fais-lui comprendre, sinon elle tombera de haut.

- Qu'allez-vous imaginer ! s'écria Maximus, indigné. Ma sœur n'est pas amoureuse de votre frère, j'en mettrais ma main à couper.

- Dans ce cas tend-moi ta main, parce que tu ne connais pas ta sœur.

Maximus eut l'impression que le sang dans ses veines gelait. Il dévala les escaliers jusqu'à la chambre d'esclave qu'il partageait avec sa jumelle. Arès mentait. C'était impossible...

Maia dormait à poings fermés, belle et innocente dans son sommeil. Quoiqu'il n'était plus aussi sûr pour l'innocence. Il secoua son épaule.

- Maia, lève-toi.

Apeurée, elle frotta ses yeux en se redressant.

- Que se passe t-il ? demanda t-elle. Maîtresse Laure est souffrante ?

- Es-tu amoureuse d'Augustus ?

La question de son frère la désarçonna. Elle pensa d'abord à mentir mais aucun son ne quitta sa bouche. Quand elle vit l'expression de son frère se décomposer, des larmes brouillèrent sa vision. Elle aurait voulu qu'il ne l'apprenne jamais.

- Alors c'est vrai, soupira Maximus. Si tu savais comme j'ai honte...

Elle essaya de retenir sa main mais il la repoussa sans ménagement. Il ne pouvait pas lui faire confiance, à elle, sa chair et son sang, sa seule famille.

- Tu es ma sœur jumelle et pourtant, tu me mens comme tu respires. Pour Laure Octavius, je peux comprendre. Mais tes sentiments pour ce patricien nous mettent tous les deux en danger. Si Belinda Octavius apprenait... Elle pourrait te défigurer, te frapper ou te tuer. Et je ne pourrais rien faire pour te protéger.

- Max...

- Ce n'est pas de ta faute, Maia. Je vais nous sortir de là.

Il désigna leurs vêtements et une malle.

- Prépare tes affaires, trancha t-il, implacable. Nous partons demain.

Couronne de laurierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant