Notre meilleur ennemi

Chapitre 2 : Qui est mort ?

Les yeux d'Alex s'ouvrent à cause de la lumière du jour qui s'est infiltrée entre les rideaux pour envahir toute la pièce. Avec un regard autour d'elle, Alex réalise qu'elle est allongée sur le lit de sa chambre d'hôtel. Mais elle ne souvient pas comment elle est arrivée là. Des bribes de souvenirs lui reviennent en mémoire, mais tout est confus. Tout ce qu'elle arrive à distinguer, c'est la douleur lancinante qu'elle ressent à la tête. Elle se demande si elle a bu à ce point-là, la veille au soir. Un seul verre lui revient en mémoire. Ce n'est pas suffisant pour une gueule de bois, se dit-elle.

Puis, elle se souvient de Charles. De sa conversation avec lui. De la carte magnétique qu'elle lui a volée. Des longues minutes d'attente après ça et... plus rien.

Le vide total.

Son regard se tourne vers la table de chevet sur laquelle son téléphone portable est en train de charger. Elle l'attrape à toute vitesse. Peut-être que son contenu l'aidera à rafraichir sa mémoire. Les yeux écarquillés, elle voit un grand nombre de notifications sur l'écran : des messages non lus et des appels manqués par dizaines.

Elle déverrouille son téléphone avec son empreinte et va tout de suite lire ses messages, dont la plupart viennent de son meilleur ami, Nick.

T'es où ?

Alex, répond s'il te plait.

Alex ???

Je commence sérieusement à m'inquiéter.

Mais c'est le dernier message qui rend Alex complètement livide : La police est à l'hôtel. Ils ont retrouvé un corps.

Un corps ?! Le corps de qui ?

Tout un tas de pensées traversent l'esprit d'Alex, mais son téléphone se met à vibrer pour signaler un appel entrant. Elle décroche puis met le téléphone près de son oreille.

— Allô ? Nick ? lance-t-elle malgré sa gorge irritée.

À l'autre bout du fil, Nick pousse un soupir de soulagement.

— Dieu merci. Je commençais à imaginer le pire. Je n'ai pas arrêté de t'appeler !

— Je viens seulement de me réveiller, marmonne Alex d'une voix pâteuse. Enfin, je crois... J'ai... C'est quoi cette histoire de corps ? Qui est mort ?

— On n'en sait rien pour l'instant.

— Tu es avec les autres ?

— Juste avec Aiden. On est en bas, à la réception.

— J'arrive tout de suite.

Alex raccroche et prend une grande inspiration. C'est une nouvelle difficile à digérer, surtout après un réveil comme ça. Elle enfile une veste prise au hasard dans son sac de voyage et elle part rejoindre ses amis.

****

Après s'être frayé un chemin parmi la foule dans le hall, Alex retrouve enfin Nick et Aiden. Elle demande instantanément s'il y a du nouveau sur l'identité de la victime, mais Nick répond par la négative.

— Apparemment, ils ont emporté le corps il y a une quinzaine de minutes, révèle Aiden. Des journalistes se bousculent déjà devant l'hôtel pour obtenir un scoop exclusif le plus rapidement possible.

— Un drame pareil dans l'hôtel d'une famille aussi influente que les St. Vincent, ça attire les charognards, contribue Nick.

Un peu plus loin, des policiers interrogent le personnel de l'hôtel. Ils sont tous désemparés par les événements en cours. Alex, Nick et Aiden sont vite rejoints par d'autres personnes qui semblent bien les connaitre : un homme et trois femmes. Ils ont l'air tout aussi épuisés qu'eux, avec leurs grandes poches sous les yeux et leur teint cireux. La nuit a été courte.

Lucas, un jeune homme brun aux yeux marrons de vingt-trois ans, parait particulièrement sur les nerfs à cause de cette attente.

— J'ai entendu deux policiers parler en passant, murmure-t-il. C'était dur de distinguer quoi que ce soit avec tout ce bruit, mais ils ont parlé d'homicide.

À côté de lui, la petite voix candide d'Eliza, la sœur cadette d'Aiden, se fait entendre. Alex doit vraiment tendre l'oreille pour distinguer ce qu'elle dit.

— Ils parlaient peut-être d'une autre affaire, non ?

Manon, une jeune brune très apprêtée malgré les circonstances, lève les yeux au ciel comme si elle venait d'émettre l'hypothèse que la Terre était plate.

— Ne sois pas ridicule ! dit-elle, un peu trop fort. Il y a beaucoup trop de policiers qui circulent pour que ce soit une mort naturelle.

Restée silencieuse jusqu'ici, Eleanor se sent obligée d'intervenir.

— Depuis quand tu es experte en enquêtes criminelles ? demande-t-elle de manière ostensiblement rhétorique. Je croyais que ta spécialité c'était de jouer dans des téléfilms bas de gamme...

Manon lui lance un regard noir, tout en donnant l'impression qu'elle n'est pas touchée par sa remarque. Alex se demande s'il faut beaucoup d'entrainement pour parvenir à contrôler ses expressions faciales comme cela.

— Tu veux vraiment chercher une dispute, là tout de suite ? rétorque Manon.

— Arrête de raconter des conneries et tout ira bien, conseille Eleanor sans même se donner la peine de la regarder dans les yeux.

Alex intervient pour calmer le jeu entre les deux jeunes femmes. Si elle ne fait rien, elles risquent de s'entretuer, et la police aura deux autres cadavres sur les bras. Elle leur rappelle que la situation est grave et que leurs chamailleries peuvent attendre.

Après quelques instants de silence, Nick se risque à lancer une supposition qui ne va plaire à personne :

— Et si c'était... ?

Avant même qu'il puisse prononcer le nom auquel tout le monde s'attend, il est interrompu par le son de la télévision derrière eux. Quelqu'un a augmenté le volume car un flash spécial vient de débuter. À l'écran, ils voient une journaliste vêtue d'un tailleur blanc prendre la parole depuis un plateau de télévision.

— Nous venons d'apprendre que, très tôt ce matin, Charles St. Vincent, héritier de la multinationale St. Vincent Resort, a été retrouvé mort chez lui. Nos sources précisent qu'une enquête a d'ores et déjà été ouverte par le service de police local au vu de la scène de crime. Il semblerait que plusieurs éléments indiquent un acte criminel.

Le groupe d'amis est sous le choc. Ils s'en retrouvent tous bouche bée.

Charles est mort. Et il a été assassiné.

Mais leur réaction semble cacher quelque chose d'autre. Quelque chose de plus sombre. Alex échange des regards coupables avec les six autres. Mais qu'ont-ils à se reprocher, exactement ?

La surprise laisse vite place à l'inquiétude, tandis qu'une pensée commune leur traverse l'esprit : C'est la merde.