Chapitre 27 : Onze

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— Quand est-ce que ça a commencé votre... peu importe ce que c'était entre vous ? demande Alex, toujours incertaine quant au fait qu'Eleanor acceptera de répondre.

Une fois ses battements de cœur revenus à un rythme plus régulier, la jeune femme pousse un long soupir, qui semble venir du plus profond d'elle. Eleanor réalise qu'elle n'a pas la force d'inventer une explication alambiquée qui expliquerait cette photo. Ce ne rimerait à rien de toute manière, puisque l'expression bouleversée sur son visage a déjà dû confirmer la véracité des accusations d'Alex. Elle s'assoit alors en face d'elle, résignée et prête à subir l'interrogatoire intensif auquel elle n'a pas eu le droit avec Turner.

— On était amoureux, avoue-t-elle sans manifester la moindre honte. Personne n'était au courant, mais on était ensemble depuis un peu plus d'un an.

Un an ?! répète Alex, les yeux écarquillés. Vous avez caché votre relation pendant tout ce temps ?

— On n'avait pas le choix. La famille de Charles... ses parents ont des attentes très particulières en ce qui concerne l'image que les gens ont d'eux. Ils veulent absolument tout contrôler pour éviter le moindre dérapage, la moindre fausse note. Charles avait peur que s'ils apprenaient pour nous deux, ils nous rendraient la vie impossible et finiraient par détruire ce qu'on avait.

— Mais tu es la fille du maire de la ville. Ça aurait été une bonne chose pour eux et pour leur business, non ?

— Justement, c'était une des choses qu'on voulait éviter. Que ce qu'on avait soit réduit à une relation de convenance, quelque chose qui serait pratique et qu'ils pourraient manipuler comme bon leur semble.

Pour vivre heureux, vivons cachés, pense Alex sans se résoudre à le dire à voix haute. Pour être totalement honnête, elle comprend comment ils ont pu en arriver à cette conclusion. D'après ce qu'elle sait de Carol et Phillipe St. Vincent, ils sont prêts à tout pour éviter que leur réputation soit entachée, de quelque manière que ce soit. Elle peut donc facilement visualiser les effets négatifs que ce genre de pression pourrait avoir sur une relation. Mais elle peut aussi visualiser le fait que ce ne soit pas vraiment une façon de vivre. Pas pleinement, en tout cas.

— Et c'était quoi l'idée, alors ? demande-t-elle tout en priant intérieurement que la réponse ne mènera pas à une autre flopée de questions. Vous comptiez vivre votre histoire en secret pour toujours ?

— Pas pour toujours, non.

Eleanor fixe un point par-dessus l'épaule d'Alex, comme si la réalité de toutes les possibilités disparues venait de la heurter tout à coup.

— Charles avait un plan, poursuit-elle en reportant son regard sur Alex. Il avait passé plusieurs mois à retirer des petites sommes d'argent progressivement et à essayer de nous dégoter des faux passeports pour qu'on puisse partir à l'étranger et refaire notre vie comme on le désirait. Loin du poids de nos erreurs passées et de l'emprise de nos familles.

Alex se souvient alors de la cachette secrète sous le plancher de la chambre de Charles, et elle se sent satisfaite face à cette éclaircie au beau milieu de l'obscurité. Mais une plus grosse question reste encore en suspens.

— Ce que je ne comprends pas, commence-t-elle prudemment, c'est la raison pour laquelle tu es tombée amoureuse de lui. Je veux dire, tu as dû voir la façon dont il nous a tous traités, tout ce qu'il a fait...

— Crois-moi, je suis au courant. Mais je n'ai jamais été en position de lui jeter la première pierre. J'ai fait du mal à pas mal de gens, moi aussi. Et j'ai commis beaucoup d'erreurs que j'aimerais effacer. Mais je sais que c'est impossible, et que je dois apprendre à vivre avec ce fardeau.

Notre meilleur ennemiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant