Chapitre 28 : Pourquoi ?

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Lucas se faufile entre les invités qui commencent à affluer sur les lieux de la cérémonie de Nick et Aiden. C'est un grand parc où le vert de la pelouse fraîchement tondue est intensifié par le soleil, pratiquement à son zénith. Des rangées de chaises ont été installées de part et d'autre d'une allée parsemée de pétales de fleur. Dans un coin, quatre hommes en costume répètent les morceaux de violoncelle qu'ils vont jouer pour l'arrivée des futurs mariés. Tout le monde est sur son trente-et-un, ce qui l'amène à douter de son choix de tenue. Avoir seulement été relâché de garde à vue la veille au soir est une bonne excuse pour ne pas avoir une chemise parfaitement repassée, non ? Peu importe. Ses pensées sont préoccupées par tout autre chose. Il repense encore et encore à ce que Turner a dit durant son interrogatoire. Quelque chose ne colle pas. Et ce quelque chose lui fait voir les événements récents sous un tout nouvel angle. Il ne veut pas y croire, mais les faits sont là, virevoltant à travers son esprit. Beaucoup trop bruyants pour être ignorés.

Il sort son téléphone pour passer un appel. Le besoin d'en avoir le cœur net a pris le dessus. Son correspondant décroche après trois sonneries. Pas de temps pour tourner autour du pot, Lucas décide d'aller à l'essentiel sans tarder.

— Où est-ce que tu es ? grommelle-t-il dans son appareil tandis qu'il laisse passer deux personnes sur sa gauche. Je suis arrivé au mariage et il faut que je te parle. De toute urgence.

De longues minutes plus tard, Lucas se retrouve à faire les cent pas dans une forêt située entre le lieu du mariage et River Hill. Il est tellement nerveux qu'il sent ses jambes se transformer progressivement en coton. Il se frotte les mains pour éviter qu'elles ne se mettent à trembler. C'est une situation de dingue. Il arrive à peine à croire ce qui est sur le point de se passer. L'idée de partir lui passe par la tête à plusieurs reprises, mais il en est incapable. Si ce qu'il soupçonne est la vérité, il a besoin d'une confirmation dès maintenant.

Une voiture sort de la route pour s'engager dans le petit sentier que Lucas avait emprunté quelques instants plus tôt. Impossible de reculer désormais. Il déglutit plus fort que jamais et prend une longue inspiration. Son regard s'endurcit quand le conducteur de la voiture sort du véhicule et s'approche de lui. Il n'entend même pas les quelques mots qui sortent de sa bouche, trop concentré sur ce qu'il s'apprête à dire. Il sait qu'à l'instant où il le fera, ça deviendra réel.

— C'était toi, pas vrai ? articule-t-il d'une voix fragile. C'est toi qui as tué Charles.

La personne en face de lui ne répond rien, mais l'expression de son visage dit à Lucas tout ce qu'il a besoin de savoir. Malgré tout, une infime partie de lui croyait encore qu'il faisait fausse route. Mais ce n'est pas le cas. Il avait raison. Et à cet instant, toutes les choses qu'il avait prévu de dire semblent avoir disparues. C'est le vide total.

— Pourquoi ? finit-il par demander, car c'est la seule pensée qui arrive à se former parmi le vacarme de ses battements de cœur.

****

C'est un plan catastrophique. Je vais finir en prison plus tôt que prévu, pense Alex — perchée sur l'un des tabourets hauts du bar de l'hôtel — en attendant le signal. Du coin de l'œil, elle observe l'agent en uniforme posté devant la porte de la cage d'escaliers. Eleanor ne plaisantait vraiment pas en disant que les St. Vincent avaient renforcé la sécurité depuis la mort de Charles. Elle imagine que ce n'est pas l'idéal pour que les clients se sentent ici chez eux, mais elle se dit aussi que Carol St. Vincent ne doit pas en avoir grand-chose à faire. Assurer le bon déroulement de l'enquête doit être sa priorité numéro une ces jours-ci. Des deux côtés du bar, de la musique jaillit des enceintes. Salty Sweet de MS MR. Pour ne pas avoir l'opportunité de trop réfléchir et de se dégonfler, Alex se concentre sur les paroles. We fear rejection, prize attention, crave affection, dream of perfection. Raté, l'envie de prendre ses jambes à son cou est toujours là.

Notre meilleur ennemiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant