Chapitre 21 : C'est la guerre

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Dans la salle annexe de l'église, une nouvelle réunion est sur le point de commencer. Manon n'avait jamais remarqué que les Alcooliques Anonymes se retrouvaient ici plusieurs fois par semaine. Elle imagine que c'est bien le but du côté anonyme. Si on veut les trouver, on les trouve. Sinon, on n'y prête pas attention. Elle avait longtemps débattu la décision de venir ou non. Peut-être que c'était seulement passager, que ça finirait par passer et qu'elle n'avait pas besoin d'aide pour arrêter. Mais se dire tout cela ne revenait qu'à se voiler la face. Elle a besoin d'aide. Et elle est donc venu la chercher ici, dans l'un des points de rendez-vous qu'Eleanor avait sélectionné pour elle.

Malgré tout ce qui s'était passé ces dernières semaines, le fait qu'Eleanor — de toutes les personnes — lui ait tendu la main et se soit montrée compatissante restait l'événement le plus dur à croire. Elle a l'air d'avoir bien changée depuis le lycée, et Manon suppose qu'elle aussi a changée. C'était peut-être injuste de perpétuer cette animosité sans même savoir quelle personne elle était devenue aujourd'hui. Mais c'était plus facile de continuer à la mépriser, plus familier que de remodeler l'image qu'elle avait de son ancienne rivale. Et après tout, il y a bien une époque où Manon aspirait à devenir son amie. Une époque qui parait être à des années lumières, désormais, mais une époque qui avait tout de même existé. Peut-être qu'elle pouvait faire table-rase du passé, laisser tomber les vieilles rancunes et aller de l'avant. Première étape : régler son problème avec l'alcool. Pas question de le laisser lui gâcher la vie et toutes ses ambitions.

Les pas de Manon résonnent sur les murs tandis qu'elle descend les quelques marches qui mènent à la salle. Il y a comme une odeur de produit ménager au citron dans l'air ; Pas désagréable, mais pas vraiment plaisant non plus. Sur une table, tout près, des thermos de café ont été installés à côté de diverses assiettes de pâtisseries. Aucun donut à l'horizon, cependant. L'idée préconçue de ces réunions en prend inévitablement un coup. Des chaises pliantes en plastique sont organisées en cercle au milieu de la pièce, pour représenter l'idée du cercle de confiance, sans aucun jugement. C'est ce que Manon avait cru comprendre lors de ses recherches sur Google, en tout cas. Il y a déjà une petite dizaine de personnes, divisées en plusieurs petits groupes qui bavardent aux quatre coins de la salle. Manon a soudain le sentiment de ne pas être à sa place ici, d'être une étrangère qui n'arrivera jamais à trouver sa place. Une seule seconde suffit parfois à tout remettre en question. Elle s'apprête à rebrousser chemin quand la vue d'une personne qui arrive derrière elle l'arrête net. Eleanor.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? demande Manon d'une voix plus surprise que voulu.

— Tu m'as dit dans ton message que tu allais à cette réunion. Et je sais combien la première est difficile, alors je suis là pour du soutien moral.

Manon lui avait bien envoyé un message pour la prévenir, mais elle voulait juste qu'Eleanor sache qu'elle comptait se prendre en mains. Elle ne s'attendait en aucun cas à ce qu'elle vienne.

— C'est... merci, dit-elle, accompagné d'un sourire qu'elle ne peut retenir.

Eleanor lui rend son sourire, puis les deux jeunes femmes prennent place au sein du cercle de chaises. Manon se sent beaucoup plus à l'aise que quelques minutes auparavant. Elle est déterminée, mais également très reconnaissante de l'aide que lui apporte Eleanor, sans même qu'elle ait eu à demander quoi que ce soit. Après tout, c'est aussi grâce à elle qu'elle n'a pas été renvoyée par le réalisateur du film ; Si elle ne lui avait pas fait croire que son malaise sur le plateau était dû à une crise d'hypoglycémie, Manon serait sans aucun doute au chômage.

Alors qu'Eleanor fouille dans son sac à main, à la recherche d'un chewing-gum, Manon remarque le désordre qui règne à l'intérieur. Non pas que son propre sac soit un modèle d'ordre, mais il est certainement plus rangé que le sien.

Notre meilleur ennemiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant