Chap. 1.D - Des réveils difficiles - P2

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Les ténèbres m'envahirent. J'étais perdu de nouveau. Je me relevai tant bien que mal en m'appuyant contre la paroi, non sans prononcer quelques insultes au passage. Je tentai malgré tout un regard autour de moi, en vain. Je ne voyais que les fines meurtrières qui laissaient à peine entrevoir la nuit. De colère, je frappai du pied contre la chose qui m'avait fait tomber et l'envoyai quelque part au loin. Heureusement, cette action impulsive m'aida. En tapant, mes griffes ripèrent sur le métal de l'objet, causant des étincelles dans un petit flash lumineux.

Je recherchai donc comme un idiot, à quatre pattes, à l'aveugle, ce bout de fer qui me serrait à présent bien utile. Incapable de remettre la main dessus, je fis une pause dans le recoin que le haut de mon crane avait douloureusement trouvé. Je pris le temps de toucher ces petites pointes qui me sortaient du bout des doigts, constatant qu'elles avaient une certaines rigidités. Et c'est en frottant un peu trop fort deux d'entre elles que de nouvelles gerbes flamboyantes s'envolèrent. Je me redressai, content de ma trouvaille.

J'approchai alors mes griffes de l'intérieur de ma paume, et gratta d'un coup vif. L'étincelle embrasa le restant de liquide, créant de nouvelles flammes vacillante sur la longueur de mes doigts, et jusqu'à mon poignet. Il me fallut un court instant de concentration pour réussir à reformer une sphère auto-incandescente, et regagnai enfin la vue. C'était plutôt facile à maîtriser.

Je profitai de mon nouveau don pour éclairer entièrement la pièce, en commençant par poser une lumière à chaque coin de la pièce. Je pus me rendre compte de sa taille excentriquement grande. J'avais aussi récupéré le bouclier poli qui m'avait fait trébucher. C'était l'un des nombreux ornements qu'arborait cette salle, entre les masques en bois peint et les armes croisées. Je profitais d'avoir un semblant de miroir pour enfin m'observer.

Le dragon qui m'apparut en reflet ne me sembla pas familier, mais je sus me convaincre que c'était sûrement un effet de mon amnésie. Mon regard se porta tout d'abord sur ce museau conséquent malgré que mes yeux l'occultaient par habitude. Les écailles vert marin qui me couvraient lui donnaient un aspect plutôt lisse, uniquement surmonté des deux piques que formaient mes naseaux de part et d'autre de son extrémité, et tombant en une drôle de moustache pointu de chaque côté de ma bouche. Je m'amusai un instant à passer ma langue crochu sur cette dernière pour en sentir les contours.

Je me fixai ensuite droit dans les yeux. Malgré le doute que me causait mon manque de souvenir, mon regard était plutôt assuré. Une pupille ovale ornée d'un iris orange flamboyant me donnait un air chaleureux.

Je remarquai aussi l'amas de poils bleu profond qui surplombait tout le haut de mon crâne. Mes cheveux mi-longs, encore humides de ma baignade, formaient des pointes qui partaient dans toutes les directions. De tout ce fouillis n'émergeaient pas de cornes, mais deux oreilles biscornues, vêtues sur leur extérieur d'une légère fourrure. En me tournant un peu, je pus remarquer que ma toison ne s'arrêtait d'ailleurs pas à ma tête, mais courait le long de ma nuque pour aller recouvrir l'intégralité de mon dos et de mes épaules.

Je vis par la même que mon cou était pourvu de trois larges entailles à chacun de ses côtés. Ces branchies semblaient cependant endommagées. Peut-être était-ce là la raison pour laquelle je faillis me noyer à mon réveil.

Ma tunique lourde qui me renvoyait des sensations était faite d'une membrane rose entrecoupée de bourrelets souples, et recouverte d'un léger pelage bleuté. Il s'agissait de mes propres ailes qui émergeaient d'entre mes omoplates pour venir s'enrouler autour de mon torse.

Je finis mon analyse par la queue qui poursuivait ma colonne vertébrale. Un simple cylindre de chair et d'écailles, surmonté d'une unique rangée de fins ailerons aux arrêtes pointues, et finissant en une nageoire froissée. Je fus à la fois étonné et amusé de voir avec quelle facilité je pouvais la bouger.

Le livre du Try-mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant