Novembre - 7

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La cérémonie avait commencé depuis quelques minutes, mais Marion avait déjà laissé échapper quelques larmes. Autour d'elle, les garçons étaient tous bien habillés, sans fringues de marques, juste du noir. Sans casquettes, sans rien. Mais à choisir, elle préférait les voir habillés n'importe comment, tant qu'ils n'avaient pas ces mines. Elle s'était retrouvée entre Mekra et Framal, qui tous les deux avaient posé une main sur la jambe de la jeune femme quand ils avaient vu qu'elle pleurait. Sonia, la copine de Deen avait finalement fait le déplacement. Elle s'était installée sur un autre banc que celui où Marion était et Eff Gee et Nemir s'étaient assis à côté d'elle. Sur le banc devant elle, Deen, son petit frère et ses parents pleuraient doucement en se tenant la main. 

Ce fut une cérémonie relativement courte et sobre, et toute l'équipe fut soulagée de se retrouver à l'extérieur pour respirer l'air frais. Une fois que le cercueil avait été mis en terre, tout le monde s'était retrouvé à devant le cimetière, à discuter, à retrouver des personnes perdues de vue. Marion s'était éloignée de la foule et regardait les gens interagir entre eux.

Elle trouvait ça tellement dommage que des familles attendent des circonstances aussi tristes pour se retrouver. Elle pensait aussi à sa propre famille. Parce qu'après tout, c'est ce qui se passerait certainement, ils ne se verraient plus qu'aux enterrements, peut-être aux mariages. Enfin pas le sien, c'était sûr. Elle ne voulait pas se marier, et si ô grand dieu, elle passait le pas, elle ferait quelque chose avec les seules personnes chères à son cœur. En commençant par Deen. Elle chercha son ami dans la foule et le trouva enfin en train de discuter avec son frère. Il n'était pas tout seul, c'est tout ce qu'elle voulait.

En continuant de regarder, ses yeux se posèrent sur tous les amis de Deen, qui étaient également devenus les siens. Elle sentit une vague d'apaisement en les voyant là, présents pour leur ami. Elle était heureuse de les avoir dans sa vie. Chacun était là pour elle à sa façon. Un regard, une main posée sur un genou, une blague, un sermon, un conseil. Elle espérait que pour eux aussi, elle apportait sa contribution. C'était une deuxième famille. Elle ne les voyait pas souvent, mais quand elle les voyait, rien ne changeait. Sa famille on la subit, ses amis on les choisit.

Ses yeux se posèrent sur Mohammed, qui lui aussi la regardait. Que représentait-il pour elle ? Tellement de choses. Il avait été là, dans certains moments obscurs, où elle ne savait pas ce qu'elle voulait, ce qu'elle faisait. Mais à chaque fois, elle avait eu ce sentiment d'être au bon endroit avec la bonne personne. Ils se chamaillaient, se lançaient des défis. Quand elle l'avait rencontré, il y avait directement eu un truc entre eux, un je ne sais quoi. De l'attirance, certes, mais qu'ils avaient dû gérer puisqu'à l'époque Marion avait un copain, et qu'il y avait Deen. Elle se rappela le baiser qu'ils avaient échangé hier soir. C'était comme ça dès qu'ils se retrouvaient depuis qu'ils avaient couché ensemble. Le premier garçon qui l'a touché après qu'elle se soit fait défoncer. Elle aimait utiliser des mots forts pour se rappeler de toute cette période où elle était battue, et surtout ce soir-là, où elle avait voulu mourir. Cet échange avec Mohamed avait tout changé en elle. Il l'avait un peu réparé, à sa façon. Avec son désir pour elle, ses mains expertes et l'amour qu'il lui avait apporté, le temps d'un coup, vite fait. Ce jeu auquel ils s'adonnaient finirait certainement mal, elle le savait, mais elle ne voulait pas s'en préoccuper. Elle voulait juste vivre ces petits moments, intensément. C'était cet ami avec qui elle entretenait une relation ambiguë, mais dont eux seuls connaissaient l'existence. Ils avaient ce lien, que le secret rendait encore plus fort.

Mohamed lui lança un regard interrogatif. Elle lui répondit par un petit sourire, pencha la tête sur son épaule et continua de scruter la foule.

Ce soir, elle rentrait à Clermont-Ferrand, seule. Les garçons rentraient à Paris. Et son cœur était très lourd à cette pensée.

Elle sortit son paquet de cigarettes de sa poche et en porta une à ses lèvres. Elle recracha sa première taffe et sentit une présence à côté.

- On est à un enterrement, pas à une soirée. Lâcha une voix féminine.

- Ah tu t'en es enfin rendu compte, qu'il y avait un enterrement, Sonia ? Répondit Marion.

- Il ne m'avait prévenu, trop occupé à courir vers toi. Encore.

- Je n'y peux rien. Souffla Marion.

- Rends-le-moi. S'il te plait. Eloigne-toi, fais quelque chose.

- Ecoute, je ne suis pas dans votre relation. Mika et moi on se connait depuis longtemps, on a toujours été là l'un pour l'autre. Tu ne sais peut-être pas ce que c'est d'avoir des amis sur qui compter, mais c'est mon meilleur ami. A la vie à la mort.

- Vous entretenez une relation bien trop ambiguë pour qu'elle ne soit qu'amicale.

- Tu ne connais rien de notre relation. Lança Marion.

- De toute façon, que je lui en parle à lui, ou à toi, ça ne change rien. Vous êtes tous les deux fermés. En tout cas, je me battrais pour avoir ma place entre vous deux.

- C'est tout ce que je te demande. Répondit Marion en se redressant et en faisant face à son interlocutrice. Mikael mérite qu'on se batte pour lui, qu'on n'abandonne pas si facilement la partie. Il mérite d'être aimé. Mais garde bien en tête, que même si tu réussi à obtenir ta place entre nous, si tu lui fais du mal, du tort, tout ce que tu veux, je serais là. Tapie dans l'ombre à attendre un faux pas de ta part pour ruiner ta vie. Elle avait dit ça très calmement, ce qui avait rendu la menace encore plus forte pour Sonia.

Marion fit demi-tour, laissant la petite brune toute seule. Elle se dirigea vers Mekra qui, sans interrompre sa discussion, l'attrapa par les épaules pour la serrer contre lui. Toujours là pour elle. 

Faut pas t'en faireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant